Black Phone (2022) de Scott Derrickson
Retour du réalisateur Scott Derrickson à son genre de prédilection, le film d'horreur, après un détour vers Marvel et son "Doctor Strange" (2016), mais un retour sans doute bien amer puisqu'il devait à l'origine signer la suite "Doctor Strange in the Multiverse of Madness" (2022) qui est finalement revenu à Sam Raimi après des divergences artistiques basées sur le fait que justement Scott Derrickson voulait en faire le premier film d'horreur Marvel ! Ainsi évincé du projet le réalisateur à qui on doit les films "L'Exorcisme d'Emily Rose" (2005), "Sinister" (2012) ou encore "Délivre-Nous du Mal" (2014) revient avec l'adaptation d'un livre : "J'avais lu son histoire il y a plus de seize ans en lisant son livre dans une librairie. Je ne savais pas que c'était le fils de Stephen King et j'ai juste pensé tout de suite que cela pourrait faire un film formidable." Ainsi le réalisateur-scénariste adapte le roman éponyme (2004) de Joe Hill, fils de Stephen King donc, et co-signe le scénario avec C. Robert Cargill auquel on doit justement "Sinister" (2012) et sa suite "Sinister 2" (2015) de Ciaran Foy. Après Marvel les deux compères retournent logiquement dans le giron de la Blumhouse Productions, désormais incontournable dans le genre du film d'horreur avec des films comme "Insidious" (2010), "The Bay" (2012) de Barry Levinson, "Get Out" (2017) de Jordan Peele, "The Hunt" (2020) de Craig Zobel ou "The Vigil" (2021) de Keith Thomas. Un projet qui semble avoir un impact très personnel pour le cinéaste qui avoue voir "Black Phone" comme un mélange du film "Les 400 Coups" (1959) de François Truffaut avec ses propres souvenirs de jeunesse : "De plus, cette histoire répond à l'un des angoisses supplémentaires de ma jeunesse, celle d'être enlevé par un taré, à mon insu. Sans compter que l'élément surnatural de cette nouvelle a rajouté une touche d'angoisse supplémentaire." Chose rare, le réalisateur précise avoir eu une totale liberté d'action sur ce film...
Alors que le pays vit sous la peur et l'angoisse d'un tueur en série d'enfants, le jeune Finney Shaw est enlevé par un psychopathe qui l'enferme dans une grande cave complètement insonorisée et simplement muni d'un téléphone hors d'usage. Mais quand le téléphone sonne mystérieusement, le jeune Finney va comprendre qu'il peut alors communiquer avec les anciennes victimes du tueur... Le ravisseur psychopathe est incarné par Ethan Hawke, qui connaît bien les productions de Jason Blum après "Sinister" (2012) de Scott Derrickson et "American Nightmare" (2013) de James DeMonaco bien qu'il ne soit pas un habitué des rôles de sadiques, notons qu'il est actuellement à l'affiche de l'excellent "The Northman" (2022) de Robert Eggers. Le jeune Finney est interprété par Mason Thames aperçu dans quelques épisodes de la série TV "For All Mankind" (2019), une amie est jouée par une tout aussi jeune mais plus expérimenté Madeleine McGraw vue entre autre dans "American Sniper" (2015) de Clint Eastwood, "Ant-Man et la Guêpe" (2018) de Peyton Reed et dans l'épouvante aussi de "La Malédiction de la Dame Blanche" (2019) de Michael Chaves, et qu'on a aussi entendu pour le très réussi film d'animation "Les Mitchell contre les Machines" (2021) de Michael Rianda et Jeff Rowe. Citons ensuite le trop rare Jeremy Davies vu notamment chez Lars Von Trier dans "Dogville" (2003), "Manderlay" (2005) et "The House that Jack Built" (2018), E. Roger Mitchell vu par exemple dans "Contagion" (2011) de Steven Soderbergh, "Chair de Poule" (2015) de Rob Letterman, "La Cinquième Vague" (2016) de J Blakeson ou "Barry Seal" (2017) de Doug Liman, puis enfin James Ransone révélé par "Ken Park" (2002) de Larry Clark et Ed Lachman, et vu depuis dans "Inside Man" (2006) et "Old Boy" (2013) tous deux de Spike Lee mais qui retrouve Ethan Hawke, le réalisateur puis le scénariste après les deux "Sinister" (2012-2015), une fois de plus avec Hawke dans "In a Valley of Violence" (2016) de Ti West, tandis qu'il aborde encore le genre horrifique avec la suite "Ca : Chapitre 2" (2019) de Andrès Muschietti... Le début du film instaure un climax digne des plus grands films du genre, à savoir qu'on sent, ressent l'atmosphère anxiogène des thrillers horrifiques plutôt seventies où un serial killer infestait les esprits d'une région. Esthétiquement, rien de plus logique donc d'être raccord avec une photographie adéquate, un peu dans un ton terne rétro sans pour autant jouer la carte trop "historique" de la reconstitution. Le scénario reprend les clichés inhérents à l'adolescence, harcèlement, bagarre, dragouille... etc...
Bref pas très imaginatif sur ces points, à l'exception notable d'une violence assez inédite et peu vraisemblable dans ses conséquences. Mais ce sont des détails. Ce qu'on aime ensuite c'est plutôt comment se construit l'intrigue, créant un suspense très malin (il est pas loin, qui est-il ?! Le père ?! Max ?!...) mais malheureusement le pot-aux-roses est divulgué un peu vite. On apprécie les relations entre le jeune Finney et les autres victimes au bout du fil, chacun apportant son aide mais de façon et pour des raisons très différentes qui laissent outre-tombe les personnalités à chaque victime. Mais le vrai atour reste le tueur en série, incarné par un Ethan Hawke icônique bien aidé d'ailleurs par un masque imaginé par un certain Tom Savini, légende des maquillages ayant oeuvré sur des films d'horreur cultes comme "Zombie" (1978) de George A.Romero ou "Maniac" (1980) de William Lustig voir "Planète Terreur" (2007) de Robert Rodriguez. Derrière cette histoire de faits divers épouvantable, il y a aussi un drame familial et un passage vers la vie adulte, une quête à l'insu de son plein gré, comme souvent c'est l'histoire d'un enfant qui va grandir trop vite. On peut rester un peu sur notre faim quant à certains points comme la dimension fantastique sans le pourquoi du comment, ou ces flics qui ne réagissent pas devant un Max pourtant intrigant. Mais malgré quelques maladresses il fait avouer que Scott Derrickson signe sans doute là son meilleur film. Un thriller horrifique bien pensé, bien construit, au climax prenant, des personnages bien écrits (bémols pour les ados) et un "Attrappeur" déjà au Panthéon des croque-mitaines. Un bon moment.
Note :