The Northman (2022) de Robert Eggers

par Selenie  -  12 Mai 2022, 10:07  -  #Critiques de films

Après deux sublimes réussites avec "The Witch" (2016) et "The Lighthouse" (2019), le réalisateur américain revient avec un film événement car si prometteur en se penchant sur un mythe à eux seuls : les vikings. Un thème récurrent ne serait-ce que le chef d'oeuvre "Les Vikings" (1958) de Richard Fleischer , le viscéral "Valhalla Rising - le Guerrier Silencieux" (2011) de Nicolas Winding Refn ou plus récemment lé série TV "Vikings" (2013-2020). D'abord le cinéaste s'est intéressé à eux sur le tard après un voyage en Islande, puis l'intérêt s'est encore accentué après sa rencontre avec l'acteur suédois Alexander Skarsgard qui est un passionné et qui rêve depuis longtemps de jouer dans un film sur le sujet. Le cinéaste précise : "Je savais (pardonnez mon orgueil démesuré) qu'il me faudrait faire le film de Vikings par excellence, celui qui ferait autorité. Avec Sjon, un brillant romancier et poète islandais, nous nous sommes lancés dans la fabrication d'un film de Vikings d'une fidélité et d'une exactitude historique inégalées. Nous avons travaillé avec des archéologues et dse historiens pour tenter de recréer la réalité physique d'alors dans ses moindres détails, tout en cherchant à saisir, sans les juger, l'âme et la psyché des Vikings : leurs croyances, leurs mythes et leurs rituels. Cela impliquait que le surnaturel soit traité de façon aussi réaliste dans le film que les éléments tangibles, car c'ets ainsi qu'ils appréhendaient le monde." Ainsi le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Sjon Sigurdsson, qui avit déjà signé le film d'horreur "Harpoon" (2011) de Julius Kemp et le fantastique "Lamb" (2021) de Valdimar Johannsson. Pour mixer réalité et légende les deux auteurs ont décidé de s'inspirer des sagas littéraires islandaises écrites vieil islandais qui reposent essentiellement sur des personnages historiques, puis sur la légende d'Amleth (tout savoir ICI !). Pour écrire leur histoire ils ont collaboré avec trois spécialistes : Neil Price professeur d'archéologie auteur du livre "Children of Ash and Elm : a History of the Vikings" (2020), Terry Gunnell professeur de folklore à l'université d'Islande, et Johanna Katrin Fridriksoottir historienne auteure de "Femmes Vikings, des Femmes puissantes" (2020). Précisons que Robert Eggers dispose pour ce film d'un budget très confortable de 60 millions de dollars, soit beaucoup plus des 4 et 11 millions de ses films précédents... Le jeune prince Amleth voit son père brutalement assassiné par son oncle qui enlève sa mère mais il arrive à fuir en promettant de se venger. Deux décennies plus tard Amleth est devenu un berserkr, un guerrier capable d'entrer dans une fureur bestiale qui pille avec ses frères berserkir. Mais un jour une sorcière lui rappelle sa promesse de vengeance. Il part alors pour l'Islande avec l'aide de l'esclave Olga qui lui permet de passer pour un esclave dans la demeure de son oncle... 

Le prince est d'abord incarné par le jeune Oscar Novak vu tout récemment en jeune Bruce Wayne dans "The Batman" (2022) de Matt Reeves, puis logiquement par Alexander Skarsard, qui avait déjà incarné un vikings du 10ème siècle mais devenu vampire dans la série TV "True Blood" (2008-2014), vu dernièrement dans "Godzilla vs Kong" (2021) de Adam Wingard et "Clair-Obscur" (2021) de Rebecca Hall, puis après avoir été son époux violent dans la série TV "Big Little Lies" (2017), l'acteur devient le fils de sa partenaire Nicole Kidman vue récemment dans "Being the Ricardos" (2021) de Aaron Sorkin qui retrouve de son côté après "Aquaman" (2018) de James Wan le très prolifique Willem Dafoe qui était déjà dans "The Lighthouse" (2019) de Robert Eggers qui retrouve des années après "Daybreakers" (2010) de Michael Spierig son partenaire Ethan Hawke, roi et père sur ce film, vu dernièrement dans "Tesla" (2020) de Michael Almereyda et "Zeros and Ones" (2021) de Abel Ferrara. L'esclave Olga est incarnée par l'incandescente Anya Taylor-Joy vue récemment dans "Emma" (2020) de Autumn de Wilde ou "Last Night in Soho" (2021) de Edgar Wright mais qui retrouve surtout son réalisateur qui l'a révélé dans "The Witch" (2016), et retrouve du même coup ses partenaires Ralph Ineson et Kate Dickie qui ont déjà joué ensemble également dans le récent "The Green Knight" (2021) de David Lowery ainsi que sur la série TV "Game of Thrones" (2011-2019) comme d'autres dont Hafpor Julius Björnsson ou Ian Whyte dont la stature imposante l'ont fait également jouer dans des films comme "Prometheus" (2012) de Ridley Scott ou "Star Wars VIII : les Derniers Jedis" (2017) de Rian Johnson dans lesquels jouait également sa partenaire Kate Dickie. Citons ensuite la star de la musique Björk de retour sur grand écran des années après "Dancer in the Dark" (2000) de Lars Von Trier, puis Claes Bang surtout remarqué dans l'excellent et singulier "The Square" (2017) de Ruben Östlund, la poétesse irlando-bretonne Olwen Fouéré aperçue entre autres dans "Sea Fever" (2019) de Neasa Hardiman et "Massacre à la Tronçonneuse" (2022) de David Blue Garcia, Gustav Lindh aperçu dans "Riders of Justice" (2020) de Anders Thomas Jensen, Ingvar Sigurdsson vu dans "Back Soon" (2008) de Solveig Anspach ou "Everest" (2015) de Baltasar Kormakur, puis enfin citons plusieurs acteurs issus de la série TV "Vikings" (2013-2020) dans des seconds voir troisièmes rôles comme Ian Gerard Whyte, Tadhg Murphy, Eric Higgins ou Mark Fitzgerald... Notons que la musique est signée de deux inconnus quasi inconnus au cinéma, Robin Carolan et Sebastian Gainsborough alias Vessel, le premier étant fondateur du Label Tri Angle qui travaille justement avec Vessel, ce dernier ayant comme expérience ciné de s'être occupé du trailer du film "Mademoiselle" (2016) de Park Chan-Wook... On reconnaît d'emblée le style du réalisateur, un soin appliqué à la lumière et la photographie, des décors/costumes hyper réalistes, un climax pesant symptomatique d'une me,ace omniprésente, tout un écrin qui crée une cohérence visuelle et esthétique avec ses deux films précédents que le cinéaste doit sans doute aussi au choix judicieux de reprendre son équipe habituelle dont Craig Lathrop Chef Décorateur, Jarin Blaschke Directeur Photo, Linda Muir chef costumière ou Louise Ford monteuse. Une équipe en étroite collaboration avec les conseillers techniques et spécialistes des Vikings ; par exemple la construction de deux navires Vikings construit avec des méthodes traditionnels, les armes fidèle à l'époque et donc façonnées à la main dans une fonderie de Dublin, jusqu'à la star Alexander Skarsgard qui a retrouvé son coach Magnus Lygdback après "Tarzan" (2016) de David Yates mais en recherchant une musculature différente pour coller au mythe d'Amleth comme le précise le coach : "On voulait qu'Alex soit plus épais, moins sec que Tarzan, et avec de plus grosses épaules Amleth est mi-loup, mi-ours, et on voulait qu'Alex puisse bouger avec souplesse quand il manie la hache et l'épée, mais qu'il ait également une taille et un volume imposants." Sur ce point il est clair que l'acteur impressionne et en impose, le côté bestial donne une dimension presque herculéenne à une aventure viscérale et sanglante.

Et pourtant, on ne s'attend pas forcément à ce que cette histoire prenne le chemin direct vers la dimension ésotérique et mystique des Vikings. Car si le réalisateur insiste et affirme avoir fait un film hyper réaliste, l'importance de la partie fantastique arase forcément le côté historique. Ainsi, les croyances sont matérialisées, les rêves sont les cauchemars et se mélangent à la réalité. Plusieurs passages rappellent même et surtout les amérindiens, le rapport aux animaux, les danses et les rites, un peu plus et on serait chez les sioux. La trame générale n'a rien d'extraordinaire, bien au contraire, le prince déchue et oubliée qui revient se venger est un des canevas les plus éculés du cinéma. Il y a deux points qui font une petite différence, le premier est un peu décevant, à savoir que Amleth combat un roi devenu simple fermier ce qui n'offre pas une difficulté flagrante pour sa vengeance, le second est plus appréciable avec un petit twist qu'on ne voit pas forcément venir. Mais surtout Robert Eggers transcende son récit sur tous les autres paramètres en calquant sa mise en scène à l'image de son héros : viscéral, animal, brutal et épique. Mais un peu moins que "Valhalla Rising - le Guerrier Silencieux" (2011), dont il est le pendant mystique ce qui fait une différence car la réalisme s'en trouve logiquement atténuée. Ce n'est plus le guerrier silencieux, c'est le guerrieur hurleur ! La photographie est sublime, les paysages d'Islande et/ou d'Irlande sont aussi majestueux qu'oniriques, le voyage est organique. Les effets visuels sont tout aussi beaux avec l'"arbre des rois" d'un onirisme macabre ou la Valkyrie tout droit sortie des fantasmes guerriers. Robert Eggers signe une fois de plus une vraie pépite même si on aurait aimé un mysticisme un peu moins omniprésent. En tous cas une expérience à voir et à conseiller.

 

Note :                

16/20
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