Lamb (2021) de Valdimar Johannsson

par Selenie  -  31 Décembre 2021, 09:24  -  #Critiques de films

Premier long métrage du cinéaste islandais Valdimar Johannsson après un court métrage "Harmsaga" (2008) et plusieurs années comme technicien (électricité ou effets spéciaux) notamment sur les films "Prometheus" (2012) de Ridley Scott, "Oblivion" (2013) de Joseph Kosinski, "Rogue One" (2016) de Gareth Edwards, ou encore "The Tomorrow War" (2021) de Chris McKay. L'idée du film lui ai venu de la volonté de raconter une histoire issu du folklore islandais, et finalement il a trouvé l'inspiration dans son enfance puisqu'il a passé beaucoup de temps dans son enfance dans la ferme ovine de ses grands-parents où ils élevaient moutons et béliers : "Une histoire qui parlerait de la place de la nature en chacun de nous et des gens dans la nature. J'ai tout d'abord travaillé sur un mood board et un roman graphique afin d'écrire une histoire qui deviendrait un film. En 2010, mes producteurs m'ont présenté à l'auteur Sjon, ce qui m' porté chance (...) Nous avons parlé de mon idée qu'est devenue Lamb (Dyrio). Mes sources d'inspiration lui ont plu, il était fasciné par les mêmes choses que moi ; nous avons pris le temps de travailler en bonne intelligence sur le scénario, ce qui nous a permis de finir par très bien nous connaître (...) Le cinéma est un medium audiovisuel qui provoque l'émotion à plusieurs niveaux, et pendant l'écriture nous nous sommes concentrés sur le récit à travers des images et des sons, en réduisant les dialogues au minimum. Notre film s'inspire beaucoup des contes populaires islandais." Le réalisateur-scénariste a donc co-signé le scénario avec  Sjon qui a écrit le film "Harpoon" (2011) de Julius Kemp et le prometteur "The Northman" (2022) de Robert Eggers. Le film a été sélectionné à un Certain Regard à Cannes 2021 et représentera l'Islande à l'Oscar du meilleur film étranger 2022...

Maria et Ingvar vivent reclus dans le nord de l'Islande et élèvent un troupeau de moutons. Leur couple vit un deuil difficile mais la naissance d'un agneau bien particulier va les ramener vers une autre forme de bonheur. Bientôt, un proche vient leur rendre visite mais ce dernier va s'interroger sur cette relation singulière... Maria est incarnée par l'actrice suédoise Noomi Rapace révélation de la trilogie "Millenium" (2009-2010) et qui semble avoir pris ses distances après avec Hollywood après quelques années, dernièrement on peut citer surtout "Seven Sisters" (2017) et "The Trip" (2021) tous deux de Tommy Wirkola. Son époux Ingvar est interprété par Hilmir Snaer Guonason vu dans "Les Anges de l'Univers" (2000) de Fiork Por Fioriksson, "101 Reykjavik" (2000) et "The Sea" (2003) tous deux de Baltasar Kormakur, puis le frère de ce dernier est joué par Björn Hlynur Haraldson vu dans "Jar City" (2006) de Baltasar Kormakur et "Mariage à l'Islandaise" (2009) de Valdis Öskarsdottir. Ces deux acteurs sont à l'affiche avec Ingvar E. Sigurosson dans un caméo télévisuel, qu'ils retrouvent donc respectivement après "Les Anges de l'Univers", "Un Jour si Blanc" (2019) de Hlynur Palmason pour le premier, puis après "Jar City" pour le second ; à noter que Ingvar E. Sigurosson  sera à l'affiche de "The Northman" (2022) de Robert Eggers... Niveau ovidés on pense forcément au sympathique "Black Sheep" (2008) de Jonathan King, mais il y a aussi un autre film islandais "Béliers" (2015) de Grimur Hakonarson, mais pour le côté vie reclus au fond d'une ferme on pourrait citer le récent "La Nuée" (2021) de Just Philippot, puis pour l'idée anthropologique et/ou zoologique citons le récent et confidentiel "Les Animaux Anonymes" (2021) de Baptiste Rouveure. Précisons que l'actrice Noomi Rapace a déclaré n'avoir jamais tourné avec une équipe aussi restreinte (35  personnes), et que l'équipe a tourné dans une ferme nommée "Flaga" inhabité depuis vingt ans qu'ils ont mis un an à trouver. On est donc dans un film qu'on peut considérer comme un OF.N.I. (Objet Filmé Non Identifié), où une fable tragique sur un mythe du folklore islandais nous emmène dans les confins insoupçonnés de cette ile nordique. Deux choses s'imposent d'emblée, une photographie sublime qui met en avant les paysages magnifiques et envoûtants de l'Islande et qui installe une atmosphère singulière empreint de mystère, de mélancolie et de plénitude inquiétante.

On fait donc la rencontre d'un couple qu'on devine brisé par un drame et qui semble survivre de routine aussi mécanique que triste. Il faut environ un quart d'heure avant d'entendre une voix, les sourires sont rares et discrets à l'image des naissances d'agneaux qu'on sait pas toujours bienheureuses. Le quotidien du couple est d'un ennui terrifiant mais le soin apporté à l'esthétique et à l'ambiance nous transporte sans soucis jusqu'à l'arrivée de Ada, jeune agnelle qui va transformer leur vie. On est agréablement surpris de la réaction des fermiers et surtout de l'homme Ingvar/Guonason qui accepte et réagit de façon chose normale, logique et naturelle à la décision de son épouse. Idée judicieuse et assez géniale qui évite de tomber dans les écueils habituels de disputes conjugales et débats convenus au sein du couple. Idem, l'arrivée du (beau-)frère n'est pas traité comme on aurait pu l'attendre dans une production hollywoodienne par exemple, il ne sur-réagit pas d'aucune façon même si (faut pas pousser !) il a évidemment une influence ensuite. Notons un trio d'acteurs au diapason, dont évidemment une Noomi Rapace dans une de ses 2-3 plus belles performances. La première force du film est donc de traiter cette histoire improbable la plus normalement possible, évitant le fantastique spectaculaire et favorisant plutôt le malaise pernicieux, un climax sourd et fascinant, mais funeste aussi où la menace ne peut qu'intervenir. Cette menace est peut être le point faible, annoncée trop tôt, tuant un suspense qui aurait pu être un uppercut ultime. Evidemment le film interroge, de façon tout aussi naturel, sans jugement moralisateur, sur l'acceptation, l'amour, mais pourquoi pas aussi sur les lois naturelles ou non qui renvoient en filigrane sur les sujets comme le clonage et autre manipulation générique. Et enfin, un tel film serait encore moins crédible si les effets spéciaux n'étaient à la hauteur. Et vu le budget limité on ne peut que saluer la qualité des maquillages et effets spéciaux absolument impeccables, déroutants même. On mettra un petit bémol sur la fin, un peu bâclée ou du moins trop vite expédiée. En conclusion, le réalisateur-scénariste signe un premier film audacieux, original, magnifiquement construit, malin dans son approche mais qui est aussi assez singulier pour en laisser beaucoup sur le bord de la route. A conseiller.

 

Note :            

 

14/20
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