La Nuée (2021) de Just Philippot

par Selenie  -  17 Juin 2021, 15:02  -  #Critiques de films

Premier long métrage de Just Philippot qui avait jusque là signé des courts métrages comme "A Minuit, Ici tout s'Arrête" (2011), "Ses Souffles" (2015), "Gildas a quelque chose à nous Dire" (2016) et "Acide" (2018). Le projet est parti d'un appel à projets du C.N.C. (Centre National du Cinéma et de l'Imagerie Animée) pour la réalisation de films de genre. L'histoire est d'abord celle de Jérôme Genevray et de Franck Victor, tous deux réaliosateurs-scénaristes, outre leurs films persos ils ont collaboré sur les films "La Pomme d'Adam" (2007) et "Rainy Girl" (2008). Le point de départ a été de faire une histoire de famille, comment lier notamment le travail et la necessité d'avoir du temps pour ses enfants, ajouter aux sauterelles idée de Franck Victor qui est vegan, pour aller vers le fantastique. Ainsi Genevray décrit le film comme un drame familial horrifique tandis que Victor voit le film comme un croisement entre thriller rural et ciné d'auteur. Il précise : "Le film s'inscrit dans quelque chose de nouveau, enfin j'ai l'impression. Ce genre nouveau, dont "Grave" ferait partie par exemple, c'est un peu du "Claude Sautet meets John Carpenter" je dirais (hahaha)". De son côté, le réalisateur Philippot cite comme référence directe "Take Shelter" (2012) de Jeff Nichols, mais il cite aussi comme source d'inspiration le documentaire "Anaïs s'en va-t-en Guerre" (2014) de Marion Gervais, "Les Oiseaux" (1963) de Alfred Hitchcock, "Phase IV" (1974) de Saul Bass, "Les Dents de la Mer" (1975) de Steven Spielberg et "La Mouche" (1987) de David Cronenberg. Le film a connu un très bel accueil dans divers festivals avec notamment des prix au festival de Catalogne 2020 (Jury et meilleure actrice) et au Festival de Gérardmer 2021 (Critique et du Public)...

Virginie élève seule ses deux enfants et elle doit se battre pour sauver son exploitation agricole de la faillite. Elle décide de se lancer dans l'entomoculture, soit dans l'élevage de sauterelles comestibles qui devient à priori une opportunité pour l'avenir. Elle se lance alors à corps perdu dans cette nouvelle affaire mais peu à peu ses enfants constatent que leur maman change. Virginie semble développer un lien étrange avec ses insectes... La maman est incarnée par Suliane Brahim, sociétaire à la Comédie Française peu présente sur grand écran mais aperçue entre autre dans "Libre et Assoupi" (2014) de Benjamin Guedj et "Hors Normes" (2019) du duo Nakache-Toledano. Sa fille est jouée par Marie Narbonne vue dans "Play" (2018) de Anthony Marciano et tout récemment dans "Mandibules" (2021) de Quentin Dupieux. Citons Sofian Khammes vu dans "Chouf" (2015) de Karim Dridi et "Le Monde est à Toi" (2018) de Romain Gavras, Victor Bonnel vu dans "L'Heure de la Sortie" (2019) de Sébastien Marnier, Vincent Deniard vu dans "Un Peuple et son Roi" (2019) de Pierre Schoeller et "Beaux-Parents" (2019) de Hector Cabello Reyes, puis enfin Christian Bouillette vu dans "Rester Vertical" (2016) de Alain Guiraudie et "Le Daim" (2019) de Quentin Dupieux... Première interrogation : il s'agit officiellement de sauterelles dans le film mais ce sont des criquets que l'on voit à l'écran. C'est tout de même une drôle d'idée ?! Même si on comprend la nécessité (peut-être) vis à vis de l'histoire de la sauterelle, qui est omnivore alors que le criquet est phytophage. Pour une simple question de cohérence voir de vraisemblance pourquoi ne pas avoir écrit pour le criquet ou simplement ne pas avoir pris des sauterelles ?! Bizarre...

Passé ce détail gênant mais non primordial l'idée de ces élevages d'insectes s'avère judicieux, d'abord d'un point de vue actuel car on en entend beaucoup parlé mais ça reste chez nous une inconnue qui permet d'ouvrir à tous les fantasmes. La première demi-heure est pourtant un peu longue et répétitive, mais surtout elle ouvre des portes bêtement sans que cela ne servent à quelque chose. Ainsi la disparition du père semble centrale mais jamais exploitée, on ne croit pas bien fort à cet harcèlement scolaire qui repose sur un truc trop anecdotique pour convaincre, le pire reste cette crise de l'éleveuse de sauterelles pour une histoire de sous complètement illogique (une somme due partagée mais elle sera payée donc crise aussi bête qu'irrationnel surtout que comme elle dit elle a "une famille à nourrir")... Des passages peu intéressants car qui n'apportent rien à l'intrigue principale, donc inutiles, et surtout qui reposent sur des actes trop peu rationnels pour être crédible alors qu'on est justement dans la partie "réaliste" du film. Cette première partie est donc très bancal, trop maladroite sur bien des points. Heureusement, le premier contact de la "sauterelle" avec la chair bascule le film dans une dimension plus intéressante et pousse irrémédiablement vers une angoisse plus pregnante. Cette fois les humeurs, les émotions deviennent plus cohérentes, plus compréhensibles. Sans être impressionnant, il y a une jolie montée en puissance, une tension de plus en plus forte sans tomber dans le film gore mais en restant dans un naturalisme qui apporte un côté malsain plutôt malin. Certains passages restent marquants comme l'héroïne qui s'immerge dans la serre, le brasier ou l'acte final. L'actrice principale offre une performance très forte même si on ne peut s'empêcher de penser à une copie de Charlotte Gainsbourg. Just Philippot signe un premier long métrage aux influences peut-être trop marquées mais le réalisateur les a plutôt bien digéré pour offrir un film envoûtant et efficace malgré ses choix hasardeux dans la première moitié. A voir.

 

Note :            

 

12/20
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