Mandibules (2021) de Quentin Dupieux

par Selenie  -  27 Mai 2021, 12:23  -  #Critiques de films

Retour du réalisateur le plus singulier du cinéma hexagonal, le plus en marge sans doute comme il a pu le prouver avec des films comme son thriller pneumatique "Rubber" (2010), son faux polar "Wrong Cops" (2013) ou avec sa dernière partie de chasse "Le Daim" (2019). À noter que le film, une production française, a été présentée dans plusieurs festival ces derniers mois avec en prime un prix d'interprétation pour le duo vedette à celui de Catalogne 2020, et est même sortit dans certains pays dont aux Etats-Unis sur internet et bientôt en salles alors qu'en France nulle date de fixée suite aux nouvelles restrictions sanitaires anti-Covid. Comme à son habitude, le cinéaste connu aussi comme artiste musical sous le pseudo Mr. Oizo, accumule les casquettes comme réalisateur-scénariste-Directeur Photo-monteur de son film qu'il veut tourner vers la vie comme il l'explique : "Effectivement, dans chacun de mes films, un ou plusieurs personnages y trouvent systématiquement la mort, souvent brutalement, et la plupart du temps de faon inattendue et/ou choquante pour le spectateur. Mon cinéma sera toujours habité par les mêmes obsessions, la même écriture et le même sens de l'humour. C'est une certitude, je ne sais pas faire autrement. Avec Mandibules, j'abandonne enfin la mort pour l'intéresser à la vie." ... Manu se voit confier un petit boulot, récupérer une valise et la livrer chez un certain Michel Michel. Pour que l'aventure soit moins solitaire il propose à son meilleur ami Jean-Gab de l'accompagner. Après avoir volé une voiture ils découvrent dans le coffre une mouche géante. Après réflexion, pourquoi s'embêter avec un job de livraison alors qu'ils peuvent devenir riche en dressant la mouche ?...

Les deux héros sont incarnés par le duo du Palmashow Grégoire Ludig et David Marsais, déjà remarqué ensemble dans plusieurs films, souvent en policier d'ailleurs comme dans "Les Francis" (2014) de Fabrice Begotti ou "Santa et Cie" (2017) de et avec Alain Chabat, ils ont aussi signer leur propre film avec "La Folle Histoire de Max et Léon" (2016) tandis qu'on les a vus récemment dans "Adieu les Cons" (2020) de et avec Albert Dupontel, et précisons que Grégoire Ludig retrouve Dupieux après avoir joué en solo dans "Au Poste !" (2018). Le duo rencontre un quator joué par Roméo Elvis (rappeur frère de la chanteuse Angèle) dans son premier rôle, Coralie Russier vue dans le magnifique mais terrifiant drame "Jusqu'à la Garde" (2018) de Xavier Legrand et qui retrouve Dupieux après "Le Daim", India Hair vue dans "Rester Vertical" (2016) de Alain Guiraudie et "Crash Test Aglaé" (2017) de Eric Gravel, puis Adèle Exarchopoulos  star depuis "La Vie d'Adèle" (2013) de Abdellatif Kechiche et vue récemment dans "Forte" (2020) de Katia Lewkowicz. Citons encore Bruno Lochet, ex-Deschiens vu dernièrement dans "Eté 85" (2020) de François Ozon. Notons deux petits rôles interprétés par Thomas Blanchard qui était déjà dans "Le Daim", puis Marius Colucci (fiston de Coluche) déjà vu entre autre dans "Joséphine s'arrondit" (2016) et "Quand on Crie au Loup" (2019) tous deux de et avec Marylou Berry (elle-même fille de Josiane Balasko). Et enfin, n'oublions pas la Mouche, qui est incarnée et/ou manipulée par Dave Chapman, ce dernier spécialiste des effets visuels et de la motion capture est notamment connu pour avoir incarné BB8 dans la saga Star Wars (2015-2019)... Commençons justement par cette Mouche, plus vraie que nature mais d'une taille hors norme. En fait elle a été conçue par la société Atelier 69 (derrière les FX de quelques fleurons du film d'horreur à la française comme "Frontières", "La Meute", "Livide"...) qui a fabriqué une marionnette pour la grosse partie du corps, mêlée à des images de synthèse pour les pattes et la tête essentiellement avec l'artiste Dave Chapman aux commandes. Le mix des techniques "à l'ancienne" et de la CGI est une vraie réussite, malgré une petite déception en ce qui concerne les ailes et donc le vol. En effet, le cinéaste use facilement du hors champ pour ne pas avoir à filmer le vol de la mouche ce qui est aussi frustrant pour le spectateur que peu discret de point de vue mise en scène.

Mais vu le budget qu'on devine limité, la Mouche reste un atout majeur du film. Comme à son habitude le cinéaste filme ses personnages avec une empathie non feinte, des personnages marginaux, originaux, qui ne semblent pas à leur place mais en même temps si idéalement incorporé dans un univers qui semble comme un monde parallèle au notre ; en témoigne cette mouche géante qui ne trouble pas plus que ça nos deux trublions. Deux amis qui symbolisent la vie pour Dupieux, où plutôt une certaine liberté vers une vie simple de plaisirs abordables qui se doit de passer par un lien indéfectible comme l'amitié. Comme le réalisateur-scénariste le précise, il appelle donc à la vie plutôt qu'à une certaine fatalité dans ses films précédents, voir à un pessimisme dont il a avait pour ainsi dire signé une anti-thèse à "Mandibules" avec son "Steak" (2007) où il plaçait l'autre duo Eric et Ramzy dans un film à l'humour particulièrement noir. Mais si on décèle parfaitement le propos on s'aperçoit que sur le fond il ne se passe pas grand chose et repose avant tout sur des personnages singuliers qui ne sont pourtant que des ornements tant ils ne sont que peu actifs dans l'évolution du récit. Ainsi le duo joue à cache-cache, la Mouche aussi, les "amis" subissent en bons hôtes qu'ils sont malgré les bizarreries, et seule Adèle Exarchopoulos secoue un peu avec un rôle à contre-emploi d'une singularité rare. La folie, ou plutôt l'absurde repose trop sur une Mouche finalement trop discrète, trop peu active, avec un duo déconnecté sympathique mais dans un récit sans réel enjeu. On remarque aussi quelques détails qui empêchent d'y croire vraiment (coïncidence bienvenue, voisin mais pas reconnu ?! Pas de sang ?! Pas de question sur le tatouage ?!). Du Dupieux mais sans le petit truc en plus, par exemple, la fin aurait pu être le twist qui permet de relancer l'histoire avant l'épilogue... Mais non, la fin clôt une histoire qui ne manque d'idées mais qui sont soit trop peu nombreuses, soit trop peu exploitées. Ca reste un moment fantaisie à conseiller, ne serait-ce que par son originalité hors de sentiers balisés de la comédie franchouillarde habituelle. On préférera néanmoins les thrillers "américains". Note indulgente.

 

Note :            

 

12/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :