Une Femme du Monde (2021) de Cécile Ducrocq
Premier long métrage de Cécile Ducrocq après plusieurs courts métrages dont "La Contre-Allée" (2014) qui fût sélectionné à la Semaine de la Critique de Cannes 2014, avec en prime le César 2016 du meilleur court métrage et le Prix d'interprétation au Festival de Sundance 2015 pour son actrice principale, Laure Calamy qui n'avait pas encore le statut d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs en partie pour elle que la cinéaste a voulu poursuivre en imaginant donc une suite à ce court métrage pour que l'actrice puisse reprendre son personnage de prostituée : "J'avais encore des choses à dire, envie aussi de l'emmener ailleurs, de la sortir du périmètre où je l'avais enfermé. Je voulais lui donner du souffle, faire de cette femme une héroïne. Et, puis, j'avais envie de travailler de nouveau avec Laure. Avec cette image en tête : Laure dans un imperméable doré qui traverse la ville, prend sa voiture, cherche des clients, chercher de l'argent, cherche son fils." Rappelons que le personnage de la prostituée Marie est fortement inspirée par une vraie prostituée, Marie-France, que la cinéaste et son actrice avait rencontré pour les besoins du tournage et qui avait une photo au-dessus du lit où elle travaillait : "Cette image m'a choquée. "Ben oui j'ai un fils", m'a-t-elle dit. Je me suis sentie bête. Etr immédiatement je me suis demandée : comment élever un enfant quand on fait ce métier ? Marie-France m'a expliqué le plus naturellement du monde qu'à peu de chose près, elle faisait comme tout le monde." Cécile Ducrocq est réalisatrice-scénariste de son film en solo, et avoue avoir revu des classiques dont "Les Nuits de Cabiria" (1957) de Federico Fellini, "Mamma Roma" (1962) de Pier Paolo Pasolini et quelques filsm de Rainer Werner Fassbinder...
![](https://image.over-blog.com/yyMuX6HQtvnrBj8CVFwBFr0v-hQ=/filters:no_upscale()/image%2F0935117%2F20220410%2Fob_002b86_2656231.jpg)
À Strasbourg, Marie de prostitue depuis 20 ans. Un choix qu'elle assume avec son bout de trottoir, sa liberté, et son militantisme pour changer la loi qui pénalise les clients. Mais aujourd'hui son fils a 17 ans, et si il rêve de devenir cuisinier il en semble pas en mesure d'assumer ses volontés et Marie va tout faire pour le sortir de sa torpeur et lui payer une école privée, ultime chance elle espère pour qu'il puisse avoir l'avenir qu'il souhaite... Logiquement après le court "La Contre-Allée" Marie est une nouvelle fois incarnée par Laure Calamy qui est depuis devenue une grande actrice reconnue après ses performances saluées dans "Ava" (2017) de Léa Mysius, "Seules les Bêtes" (2019) de Dominik Moll, "Antoinette dans les Cévennes" (2020) de Caroline Vignal ou tout récemment "À Plein Temps" (2022) de Eric Gravel dont on reparlera plus bas. Son fils est interprété par Nissim Renard aperçu dans "Evolution" (2016) de Lucile Hadzihalilovic, des collègues sont joués par Béatrice Facquer aperçu dans diverses séries TV, Romain Brau remarqué dans le dyptique "Les Crevettes Pailletées" (2019-2022) du dou Cédric Le Gallo-Maxime Govare et dans "Haute Couture" (2021) de Sylvie Ohayon, Melissa Guers révélée dans "La Fille au Bracelet" (2020) de Stephane Demoustier. Puis citons le patron de maison close incarné par le belge Sam Louwyck gueule vu dans "Les Ardennes" (2015) de Robin Pront, "Brimstone" (2017) de Martin Koolhoven ou "Jumbo" (2020) de Zoé Wittock... Sorti avant mais vu après, on pense fort à Laure Calamy dans le tout récent "A Temps Plein" (2022) de Eric Gravel où une mère dans une détresse financière se bat pour ses enfants sauf qu'ici la profession de péripatéticienne est sujette à tous les préjugés possibles mais elle n'en demeure pas moins une mère qui fera tout pour son fils. Cette histoire ainsi racontée par Cécile Ducrocq se lit sur deux niveaux, assumé et assuré son métier devant (presque) tout le monde, et assumé et assuré l'avenir de son fils (presque) malgré lui. Au début on a pourtant bien du mal à s'attacher à elle et surtout à son fils. Disons-le de suite, Adrien 17 ans est un branleur tête à claques qui aurait besoin d'être secoué et est donc surtout très irritant surtout quand il ne s'aperçoit pas que sa mère tire la langue (sans jeu de mot !) et qu'il est aussi bête qu'irrespectueux. Par là même, Marie est une maman attachiante qui surprend d'abord par son immaturité (rit devant une directrice d'école sur les conneries de son fils pourtant renvoyé, hurle pour un rien, serait presque violente d'entrée avant même d'essayer le dialogue... etc..;), une femme agaçante qui nous émeut surtout par le talent de son interprète Laure Calamy.
![](https://image.over-blog.com/ybHpX46111xMqi_sothDmaDYA0g=/filters:no_upscale()/image%2F0935117%2F20220410%2Fob_37f44f_une-femme-du-monde.jpg)
Il faut un certain temps avant d'être touché par cette maman qui fait tout pour sauver l'avenir de son fils jusqu'à faire des actions qu'elle interdirait à son fils ! De l'autre côté il y a son travail, qu'elle semble aimer ou du moins assumer sans sourciller et sur ce point la cinéaste assume aussi et confirme : "Je ne dis pas que c'est un métier facile, comme les autres. Mais le discours ambiant veut que, même si elles affirment être consentante, elles ne le sont pas. Or, je ne vois pas pourquoi on leur retirerait leur libre arbitre. Si elles affirment être consentantes et qu'elles n'ont pas un revolver sur la tempe, qui sommes-nous pour les contredire ?" La séquence à la banque est en cela particulièrement pertinente, sans compter l'aspect militant de la prostituée qui démontre bel et bien que Marie n'est pas une victime ni une soumise. C'est le bon point, et en même temps la cinéaste affirme avoir voulu retiré le "contexte sulfureux" et précise : "En revanche, il n'était pas question que les cènes de sexe deviennent répétitives et que l'on s'y enterre ; ce n'était pas le sujet." Et c'est malheureusement sur ces points que la réalisatrice se prend un peu les pieds dans le tapis. En effet, plusieurs scènes restent sordides et, surtout, il y a 2-3 parties qui se résument à un assemblage de passes qui font justement répétitives et redondantes. Avec seulement 1h35 de films ces parties un peu gratuites paraissent surtout combler un manque de densité. Enfin, sans doute plus un détail, mais l'histoire se situe à Strasbourg et jamais on ne reconnaît la ville, qui reste un peu impersonnel, la cinéaste ne se sert jamais de la singularité de la ville. En conclusion, la réalisatrice-scénariste signe un drame touchant et réaliste, plein d'acuité assurément mais qui pêche par quelques choix maladroits et un duo mère-fils qui aurait pu être moins caricatural au début du film. Note indulgente.
Note :