Haute Couture (2021) de Sylvie Ohayon
Après son premier long métrage "Papa Was a Rolling Stone" (2014) adapté de son premier roman, la cinéaste Sylvie Ohayon revient après être retourné à son écriture dont les romans "Bonnes à (Re)Marier" (2014) ou "Micheline" (2017). Elle revient avec un projet et un scénario original qui serait né de sa "rencontre entre mon rôle de mère d'une fille qui a vrillé, de belle-mère qui a bien fait son boulot et de mon amour pour mon pays." Puis ensuite elle a eu l'idée des couturières en aidant une amie à rechercher une robe de mariée : "J'ai été frappée par le contraste saisissant entre leurs doigts de fée et leur langage de charretier ! C'est là que je les ai entendue due "c'est le geste qui compte". Ca m'est resté et je me suis dit qu'il fallait rendre hommage à ces femmes-là, à cet artisanat-là." Sylvie Ohayon est réalisatrice et scénariste de son film... Première d'atelier au sein de la maison Dior, Esther organise la dernière collection avant son départ à la retraite qu'elle ne souhaite pourtant pas. Un jour elle se fait voler son sac à main dans le métro, mais finalement la voleuse, Jade, lui restitue ses affaires. Sans savoir vraiment pourquoi, Esther offre un stage à Jade chez qui elle décèle un don mais si Jade est un peu paumée, Esther a aussi ses soucis...
La première d'atelier est incarnée par Nathalie Baye vue dernièrement dans "Garçon Chiffon" (2020) de Nicolas Maury et "Lui" (2021) de et avec Guillaume Canet. La jeune voleuse est interprétée par Lyna Khoudri vue notamment dans "Papicha" (2019) de Mounia Meddour, "Qu'un Sang Impur..." (2020) de Abdel Raouf Dafri et "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson. Citons ensuite Clotilde Courau vue récemment "Benedetta" (2021) de paul Verhoeven et Pascale Arbillot vue dans "Présidents" (2021) de Anne Fontaine qui se retrouvent après "La Fête des Mères" (2018) de Marie-Castille Mention-Schaar, Pascale Arbillot retrouve aussi la réalisatrice après "Papa Was a Rolling Stone" comme Soumaye Bocoum aperçue tout récemment dans "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard. Deux autres seconds rôles sont bien connus avec Claude Perron vue dans "Celle que vous Croyez" (2019) de Safy Nebbou et "Villa Caprice" (2020) de Bernard Stora, puis Farida Ouchani vue dans "Nous Trois ou Rien" (2015) de et avec Kheiron et "La Daronne" (2020) de Jean-Paul Salomé. Puis enfin citons Adam Bessa jeune acteur français mais remarqué dans deux films de guerre hollywoodiens avec "Tyler Rake" (2020) de Sam Hargrave et surtout "Mosul" (2020) de Matthew Michael Carnahan... Evidemment, on ne peut passer à côté de la Maison Dior logiquement partie prenante du film qui est une vitrine idéale. La réalisatrice-scénariste a pu compter su rune conseillère de luxe, à savoir Justine Vivien, qui est notamment au service Dior Héritage (les archives Dior en résumé), qui a aussi oeuvré spécifiquement sur la robe "Francis Poulenc" modèle qui sert de fil rouge du film et accessoirement également costumière du cinéma pour des films comme "Les Adieux à la Reine" (2012) de Benoît Jacquot, "Renoir" (2013) de Gilles Bourdos, "Yves Saint-Laurent" (2014) de Jalil Lespert, "Grace de Monaco" (2014) de Olivier Dahan ou encore "Nos Années Folles" (2017) de André Téchiné. La conseillère a "entraîné" et formé "vite fait bien fait" les actrices, et on peut légitimement penser qu'une des actrices s'en est mieux sortie que les autres, Lyna Khoudri puisqu'elle incarnait déjà une couturière rêvant à un autre destin dans "Papicha", rôle qui l'a révélé. Sur le scénario rien de bien neuf, une comédie dramatique dans un canevas bien connu et un académisme simple qui tente surtout de nous faire rêver par le luxe de la Haute Couture puis de nous émouvoir avec un soupçon de propos politico-social toujours assez démago pour plaire au plus grand nombre.
Ainsi on sourit avec ses deux amies issues de la cité qui sont amies avec un transexuel qui est avec un maghrébin, tandis que la voisine joue la femme à tout faire pour une blanche dépressive par simple bonté d'âme, mais il y a aussi la couturière seule qui n'a pas d'amis ni de vie comme quoi même les "riches" peuvent ne pas être heureux, et oui le travail c'est la santé... etc... Des poncifs par paquets de douze ! Mais, étonnament, on doit avouer que malgré tout l'ensemble se tient parce que la cinéaste évite avant tout le pathos facile, ajoute un peu d'humour qui est mine de rien moins démago que le reste ("le travelo", allusions racistes dit par des "gens de couleur"...), et qu'on est bien servi par un panel d'actrices épatantes dont une mention spéciale à Clotilde Courau sans maquillage, dans un rôle secondaire un peu ingrat mais aussi terriblement touchant. Le plus décevant finalement reste le monde décrit des coulisses de la Haute Couture. D'abord la robe rouge de l'affiche est une robe fantôme qu'on ne verra jamais, et à l'image de cette robe tout ce qu'on voit se résume à quelques robes fades, sans couleur ni volume durant quelques secondes. Pour reprendre quelques films sur un sujet similaire, on a plus l'émotion et moins le rire d'un "Chic !" (2015) de Jérôme Cornuau, on n'a pas la précision ni la classe ni le chic d'un "Phantom Thread" (2017) de Paul Thomas Anderson, on n'a ni la créativité ni la flamboyance d'une "Cruella" (2021) de Craig Gillepsie. Même dans l'atelier les tissus se résument à des tons neutres et essentiellement des patrons sans qu'on nous montre réellement un peu de créativité et ou de savoir-faire. Tout est donc survolé, effleuré, il est ainsi difficile de nous faire rêver. Sylvie Ohayon signe un film doux-amer merveilleusement interprété, de jolis moments d'émotion, mais ça reste un conte moderne trop convenu et le monde de la Haute Couture ne sert finalement que d'un prétexte. Un moment loin d'être désagréable mais qui est aussi loin d'être mémorable.
Note :