Killer Joe (2011) de William Friedkin
Grand réalisateur avec quelques grands films comme "French Connection" (1971), "L'Exorciste" (1973) ou "Sorcerer" (1977) William Friedkin a aussi connu le creux de la vague durant les années les années 90 qui a pris fin avec le très bon "Bug" (2006) d'après une histoire signée du dramaturge Tracy Letts. Les deux hommes se sont si bien entendus qu'ils ont lancé un nouveau projet avec une nouvelle adaptation d'une pièce de Tracy Letts, cette fois leur choix s'est porté sur la pièce éponyme (1991) de l'auteur. Tracy Letts était si impliqué qu'il était présent sur le tournage et qu'il avait rédigé des mémos pour chaque acteur préalable à un entretien personnalisé afin de préciser les motivations des personnages. Cette histoire est vu par Friedkin comme une variation du conte de Cendrillon : "C'est une version un peu tordue de l'histoire de Cendrillon. Juno Temple joue une jeune fille dont le frère monnayent les charmes auprès d'un tueur à gages chargés d'assassiner leur mère. Cendrillon veut se libérer de cette famille, et la seule solution qui s'offre à elle pour y parvenir, c'est de tomber amoureuse de son prince, un flic qui est aussi tueur à gages." Le film est doté d'un budget plutôt faible pour un tel projet, "seulement" 11 millions de dollars ce qui est très peu pour un film américain avec une telle affiche. Le sujet et le style de Friedkin fait que le film a été interdit dans la plupart des pays au moins de 16 ans voir 18 ans, interdit au moins de 12 ans en France...Chris, minable dealer doit absolument trouver 6000 dollars pour rembourser son fournisseur. Sa chance semble pointer sonnez quand il apprend que sa mère a contracté une assurance-vie de 50000 dollars au nom de sa soeur Dottie. La famille étant loin d'être soudée et surtout sans attachement à leur mère, Chris parvient à convaincre son père divorcé d'engager un tueur à gages réputé qui s'avère être policier pour assurer le résultat qui se doit d'être accidentel. Mais il y a un soucis, le tueur en question veut être payer en avance, seul solution, accepter que Dottie soit le "gage" jusqu'à la fin de l'affaire...
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La famille est donc composé de Chris incarné par Emile Hirsch acteur alors en vogue après quelques films remarqués comme "Les Seigneurs de Dogtown" (2005) de Catherine Hardwicke, "Into the Wild" (2007) de Sean Penn ou "Speed Racer" (2008) des Wachowski, la soeur Dottie est interprétée par la charmante Juno Temple alors égérie du ciné indé US avecles films "Cracks" (2009) de Jordan Scott, "Greenberg" (2010) de Noah Baumbach ou "Kaboom" (2010) de Gregg Araki, le père est joué par Thomas Haden Church surtout remarqué grâce à "Sideways" (2004) de Alexander Payne avant de connaître une popularité mondiale en Homme-Sable dans "Spider-Man 3" (2007) de Sam Raimi, rôle qu'il reprendra pour "Spider-Man : No Way Home" (2021) de Jon Watts, puis enfin sa compagne jouée par la brûlante Gina Gershon vue dans "Showgirls" (1995) de Paul Verhoeven, "Bound" (1996) des Wachowski ou dans "Révélations" (1999) de Michael Mann. L flic tueur à gages est incarné par Matthew McConaughey qui après un début de carrière prometteur a connu également un creux dans sa carrière durant les années 2000-2010 avant de connaître une renaissance depuis "La Défense Lincoln" (2011) de Brad Furman, et surtout en explorant le Sud américain avec "Killer Joe", "Paperboy" (2012) de Lee Daniels et "Mud : Sur les Rives du Mississippi" (2013) de Jeff Nichols. Puis citons une actrice de l'Âge d'Or, Julia Adams star de films comme "Les Affameurs" (1952) de Anthony Mann ou "L'Etrange Créature du Lac Noir" (1954) de Jack Arnold et vue encore plus récemment dans "World Trade Center" (2006) de Oliver Stone... A noter que la photographie est signée de Caleb Deschanel, père des actrices Zooey et Emily, qui a oeuvré notamment sur les films "L'Etoffe des Héros" (1983) de Philip Kaufman ou "La Passion du Christ" (2004) de Mel Gibson, et qui retrouve Friedkin après "Traqué " (2003)... Le film débute fort avec une séquence à la fois drôle, malaisante et pathétique où un beau-fils s'incruste de façon très cavalière (soyons plus classe !) chez son père et sa belle-mère dans la pudeur ne semble pas être un soucis ; d'ailleurs pour l'anecdote miss Gershon porte pour cette séquence une merkin (je vous laisse chercher !). Un prologue qui annonce la couleur, une famille dysfonctionnelle dont on pourrait qualifié vulgairement et gratuitement les membres de "cassos dégénérés" mais qui forment un groupe pourtant parfaitement cohérent et même attachant.
Les protagonistes sont en de la magnifiquement écrit et croqués dont un Chris/Hirsch que le producteur Nicolas Chartier décrit merveilleusement : "Il manque de sens moral, et il est très très malchanceux. Mais au fond je ne pense pas qu'il soit malveillant... Si l'on omet le fait qu'il essaye de tuer sa mère, de prostituer sa soeur et de vendre de la drogue à son père !" Et pour Dottie et le flic tueur c'est la star McConaughey qui nous éclaire : "Sa famille s'est servie de Dottie comme d'une vulgaire prostituée (...). Au fond, Joe trouve cet acte abject. Il veut donc aider la jeune fille à se libérer, et réalise qu'il pourrait se sauver lui-même par la même occasion. Il n'agit pas ainsi par suffisance, mais plutôt dans l'esprit de l'Ancien Testament, d'une façon quasi apocalyptique, pour donner une leçon à Chris, à Ansel et surtout à Sharla." Ainsi ils sont tous des loosers qui cherchent à contrôler leur existence mais qui n'y parvienne pas, qui n'y parvienne jamais. Cette fois, Chris croit à son destin, à sa chance avec un plan en béton jusqu'à ce twist énorme, malin sur le fond comme dans la forme, qu'on savoure avec délectation dans cette histoire aussi rocambolesque qu'absurde mais finalement si logiquement bête. Pouvait-il en être autrement ?! Un plan sans accroc qui part en couille, certe, mais qui prend aussi une tournure encore plus inattendue avec une séquence inouïe concernant un viol singulier qui pourrait aussi être qualifié de malsain, gênant ou nauséeux. Une séquence qui ne peut laisser personne indifférent et qui précède un final d'une violence physique et émotionnel dantesque. William Friedkin signe un thriller très sombre et un drame humain fataliste mais non dénué d'un humour forcément noir et décalé saupoudré d'une pointe de sensualité qui va logiquement en désarçonner certains ce qui explique son relatif échec au box-office, à l'instar des 170 000 entrées France seulement, et non mérités. En conclusion un grand film, un thriller au scénario implacable qu'il faut oser voir. A conseiller fortement.
Note :