Berlin Alexanderplatz (2021) de Burhan Qurbani

par Selenie  -  16 Septembre 2022, 12:36  -  #Critiques de films

Retour du cinéaste germano-afghan Burhan Qurbani après avoir été remarqué pour son premier long métrage "Shahada" (2010), suivi de "Nous sommes Jeunes, nous sommes Fort" (2014), et qui revient avec une belle ambition puisqu'il adapte le roman éponyme (1929) de Alfred Döblin. Une oeuvre majeure de la littérature allemande qui a connu déjà deux adaptations, au cinéma (1930) de Phil Jutzi et surtout en série TV fleuve de 15 heures du réalisateur Rainer Werner Fassbinder. Pour ce film le cinéaste transpose le récit des années 20 à aujourd'hui avec un personnage principal venu d'Afrique. Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Martin Behnke qui a écrit auparavant pour le film d'animation "Le Cristal Magique" (2019) de Nina Wels, Regina Welker et Mimi Maynard puis "Un Très Mauvais Plan" (2020) de Detlev Buck. Burhan Qurbani avoue avoir pris pour référence pas moins de trois chefs d'oeuvre, "Le Parrain" (1972) de Francis Ford Coppola, "Scarface" (1983) de Brian De Palma et "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard pour leur qualité intrinsèque évidemment, mais aussi pour le lien entre criminalité et immigration. Le film a connu une sortie chaotique et a souffert des confinements Covid à tel point que le film a engrangé moins de 264 000 dollars au box-office Monde, soit un énorme échec financier... 

Francis 30 ans est un réfugié qui arrive Berlin après un long périple depuis son pays natal la Guinée-Bissau. Mais il se rend rapidement compte qu'être un migrant clandestin est une situation compliquée et qu'il lui est particulièrement difficile de trouver un travail. Bientôt, Francis s'enfonce dans les bas-fonds de la capitale et rencontre notamment le trafiquant de drogue Reinhold... Le réfugié Francis est incarné par Welket Bungué aperçu dans "Lettres de la Guerre" (2017) de Ivo M. Ferreira, "Corpo Electrico" (2018) de Marcelo Caetano, et surtout vu ensuite dans le tout récent "Les Crimes du Futur" (2022) de David Cronenberg. Le trafiquant est interprété par Albrecht Schuch vu dans "Paula" (2016) de Christian Schowchow et "Benni" (2019) de Nora Fingscheidt. Le héros croise la route de Jella Haase aperçue dans "Guerrière" (2011) de David Wnendt, "Heidi" (2015) de Alain Gsponer et dans "Kidnapping Stella" (2019) de Thomas Sieben. Citons encore Joachim Krol vu dans "Cours, Lola, Cours" (1998) et "La Princesse et le Guerrier" (2000) tous deux de Tom Tykwer, également dans "Le Baiser de l'Ours" (2002) de Sergueï Bodrov, puis enfin Nils Verkooijen donton  peut citer "Worst" (2006) de Hiroshi Takahashi, "Dik Trom" (2010) de Arne Toonen et "Michel de Ruyter" (2015) de Roel Reiné... Le film débute avec un prologue tragique et symbolique hanté par une voix Off d'une narratrice à la voix d'outre-tombe. Esthétiquement on pense à certains films d'un certain Fassbinder, et on ne pense pas forcément à sa série TV éponyme ; est-ce voulu ?! On s'interroge alors et encore sur le passé de Francis/Bungué, à savoir comment a-t-il traversé les mers jusqu'en Allemagne ?! Quel est le réel passif de ce personnage principal ?! À part quelques flash-backs énigmatiques on aura pas franchement de réponses.

Scindé en plusieurs parties on suit donc l'ascension et la chute d'un migrant africain dont le destin nous est martelé incessamment, la voix Off omniprésente étant parsemée du redondant "France voulait être honnête et bon mais la vie en a décidé autrement" ! Ben voyons... chacun reste libre de ses choix et Francis fait les siens par question de facilité ni plus ni moins pour l'argent facile. On s'agace aussi que on insiste sur la question "Comment un homme peut-il survivre à tant de choses ?", alors oui, dur dur un tel destin mais on est très loin de biens d'autres existences misérables, d'autant plus quand on a choisi le chemin du crime ! Ces deux mantras redondants assénés comme une évidence agace un tantinet et c'est le plus gros défaut du film. Mais heureusement on aime l'esthétique, ses couleurs chaudes lorsqu'on est en intérieur, les couleurs moins clinquantes de l'extérieur, la photographie soignée et surtout cette transposition de la pègre berlinoise à l'époque de Weimar à aujourd'hui avec un migrant en personnage principal s'avère aussi probante que pertinente. On retrouve cette quête de rédemption (bien que sans indices sur le passé de Franz) vers un bonheur auquel on a tous droit. Une sorte de "Othello" des bas-fonds dans le Berlin 2020. La tragédie est omniprésente, un chemin de croix que Francis ne voit pas ou ne veut pas voir espérant un coup du sort qui serait pour une fois en sa faveur. Burhan Qurbani signe un drame social mixé à un polar mafieux de façon assez magistral malgré quelques réserves. Un film qui n'est pas dénué d'une violence effrayante sans être démonstrative, et c'est compensé par quelques instants tendresse plutôt touchants. Un très beau et très bon film.

 

Note :      

 

15/20
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