Mort d'une gueule de cinéma : Henry Silva
Trois morts en trois jours, après l'icône Jean-Luc Godard, la star grecque Irene Papas voilà le tour d'une des "gueules" les marquantes du cinéma international avec la mort de Henry Silva ce 14 septembre 2022 à l'âge de 95 ans.
Né en 1926 à Brooklyn de parents siciliens et espagnols il grandit à Harlem. Dès 13 ans il abandonne l'école et choisit de suivre des cours d'Art Dramatique qu'il paie en faisant la plonge dans un hôtel de New-York.
Après des années de galère où il survit tout en persévérant puis finit par obtenir de petits rôles d'abord à la télévision dans les séries TV "Lights Out" (1950) et "Armstrong Circle Theatre" (1950). Mais surtout il obtient une première apparition non créditée dans le film "Viva Zapata !" (1952 - ci-dessous à gauche) de Elia Kazan avec le monstre sacré Marlon Brando.
Après deux autres expériences télé il décide d'auditionner pour rejoindre la célèbre Actors Studio en 1955 où il réussit son admission parmi seulement 5 autres sélectionnés sur 2500 candidats ! Il débute alors sur les planches à Broadway dans la pièce "Une Poignée de Neige" (1955) où il donne la réplique à Ben Gazzara et Shelley Winters. Il obtient ensuite son premier (petit) rôle crédité dans le film "Crowded Paradise" (1956) de Fred Pressburger.
Après une participation à un épisode de la série TV culte "Alfred Hitchcock présente" (1956) il joue dans le western "L'Homme de l'Arizona" (1957) de Budd Boetticher avec Randolph Scott et Maureen O'Sullivan. Remarqué il enchaîne deux films aux côtés de la star Audi Murphy, "Une Poignée de Naige" (1957) de Fred Zinnemann sur les soucis post-traumatique suite à la guerre de Corée, et "L'Etoile Brisée" (1958 - ci-dessous) de Jesse Hibbs.
Servi par un physique singulier et charismatique (et moins cher qu'un jack Palance !) il devient abonné au genre du western et enchaîne encore avec "Bravados" (1958 - ci-dessous) de Henry King avec Gregory Peck et Joan Collins, puis "Le Trésor du Pendu" (1959) de John Sturges avec Robert Taylor et Richard Widmark.
Mais il tente pourtant d'autres genres, des rôles moins connus qui montre pourtant tout un panel de jeu, du drame "Vertes Demeures" (1959) de Mel Ferrer avec Audrey Hepburn, la comédie "Cendrillon aux Grands Pieds" (1960) de Frank Tashlin avec Jerry Lewis et surtout il participe au film "L'Inconnu de Las Vegas" (1960 - ci-dessous avec toute la bande) de Lewis Milestone au sein de l'équipe du Rat Pack mené par Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis Jr. qu'ils retrouvent aussitôt après pour le western "Les Trois Sergents" (1961) de John Sturges, puis retrouve Sinatra une troisième fois dans le thriller psychologique "Un Crime dans la Tête" (1962) de John Frankenheimer.
L'acteur est devenu une valeur sûre et un second rôle de luxe, et cette dernière série de film lui permet enfin de trouver son premier rôle principal en mafieux dans "La Revanche du Sicilien" (1963 - ci-dessous avec Sammy Davis Jr.) de William Asher.
Il joue ensuite dans le drame psychologique "Le Téléphone Rouge" (1963) de Delbert Mann, le film de guerre "L'Invasion Secrète" (1964 - ci-dessous) de Roger Corman avec Stewart Granger et Mickey Rooney, puis plus étonnant joue dans "La Récompense" (1965) de Serge Bourguignon, production américaine mais réalisateur français qui venait de triompher avec "Cybèle ou les Dimanches de Ville-d'Avray" (1965) avant de retourner au western avec "Les Fusils du Far-West" (1966) de David Lowell Rich.
Malgré des films plus diversifiés qu'on le pense il reste souvent cantonné aux rôles de tueurs ou de méchants, un profil qui intéresse le producteur italien Dino de Laurentiis qui lui propose de venir en Europe pour tourner le western spaghetti "Du Sang dans la Montagne" (1966 - ci-dessous) de Carlo Lizzani.
L'accueil est tel qu'il reste en Europe où il tourne dans les genres où il fait merveille et dans des rôles principaux qu'il a du mal à avoir en Amérique. Il joue dans "Mission T.S." (1967) de Alberto Lattuada, il est inspecteur dans "Ce Salaud d'Inspecteur Sterling" (1968) de Emilio Miraglia et surtout dans le "polar spaghetti" "L'Empire du Crime" (1972 - ci-dessous avec Woody Strode) de Fernando Di Leo.
Il en profite pour tourner en France dans "Les Hommes" (1973) de Daniel Vigne avec Michel Constantin suivi de "L'insolent" (1973) de Jean-Claude Roy où il tient le rôle titre avant de repasser les Alpes pour "Le Boss" (1973 - ci-dessous) de Fernando Di Leo qui clôt ainsi sa trilogie "polar spaghetti" après "Milan Calibre 9" (1972) qui était sans Silva et "L'Empire du Crime".
Il se façonne alors une carrière essentiellement italienne où il joue surtout dans des thrillers ou polars plus ou moins violents avec entre autre "La Rançon de la Peur" (1974), "Un Flic Hors-la-Loi" (1975) ou "La Mort en Sursis" (1976) tous trois de Umberto Lenzi.
Il revient en Amérique pour "Avec les Compliments de Charlie" (1978) de Stuart Rosenberg avec Charles Bronson. Il enchaîne avec la SF kitsh de "Buck Rogers au XXVè Siècle" (1979) de Daniel Haller, l'excellent film d'anticipation "Virus" (1980 - ci-dessous) de Kinji Fukasaku avec Sonny Chiba, Glenn Ford ou Robert Vaughn, le polar "L'Anti-Gang" (1981) de et avec Burt Reynolds puis croise Sean Connery dans "Meurtres en Direct" (1983) de Richard Brooks.
Une nouvelle fois il traverse l'Atlantique pour faire face à notre Jean-Paul Belmondo national dans "Le Marginal" (1983 - ci-dessous) de Jacques Deray puis en profite pour retourner en Italie notamment en retrouvant des rôles de mafieux et retrouvant pour l'occasion le réalisateur Fernando Di Leo pour "La Race des Violents" (1984) et "Killer contre Killers" (1985).
Toujours aussi prolifique il fait face à Chuck Norris dans "Sale Temps pour un Flic" (1985 - ci-dessous) de Andrew Davis, rencontre Richard Chamberlain et Sharon Stone dans "Allan Quatermain et la Cité de l'Or Perdu" (1986) de Gary Nelson, participe au film à sketchs collectif culte "Cheesebruger Film Sandwich" (1987) dans le segment "Bullshit or Not ?" de Joe Dante avant de faire face à Steven Seagal dans "Nico" (1988) de Andrew Davis.
Ensuite, sa carrière oscille entre rôle important dans des films commerciaux souvent oubliés ou oubliables et participation à des films prestigieux au sein de castings qui le sont tout autant. Ainsi il joue avec Al Pacino et Madonna dans "Dick Tracy" (1990 - ci-dessous en vert !) de et avec Warren Beatty puis "Mad Dogs" (1996) de Larry Bishop avec entre autre Jeff Goldblum, Ellen Barkin, Diane Lane ou Burt Reynolds qu'il retrouve 15 ans après, avec entre temps un aller-retour en Italie pour un certain "Le Silence des Jambons" (1994) de Ezio Greggio qiu est une parodie du chef d'oeuvre "Le Silence des Agneaux" (1991) de Jonathan Demme !
Parmi les encore nombreux films de série B, citons dans ses derniers rôles trois films majeurs avec une apparition dans "The End of Violence" (1997) de Wim Wenders avec Bill Pullman et Andie MacDowell, "Ghost Dog, la Voie du Samouraï" (1999 - ci-dessous) de Jim Jarmush avec Forrest Whitaker et Isaach de Bankolé, et surtout son ultime film avec "Ocean's Eleven" (2001) de Steven Soderberg où il joue son propre rôle retrouvant aussi sa partenaire Angie Dickinson dans ce remake de "L'Inconnu de Las Vegas" ; 40 ans après la boucle est bouclée.
L'acteur aura écumé plus de 6 décennies de cinéma américain et européen, aura marqué de sa présence plus de 130 films et si il est sans doute un acteur dont on reconnaît sans savoir son nom il est grand temps désormais de se rappeler de Henry Silva.
Henry Silva est mort ce mercredi 14 septembre 2022 à Los Angeles à l'âge de 95 ans.