Les Crimes du Futur (2022) de David Cronenberg

par Selenie  -  26 Mai 2022, 12:38  -  #Critiques de films

Enfin le retour du grand David Cronenberg après 8 ans d'absence depuis "Maps to the Stars" (2014) et il revient à son genre favori et ses thématiques de prédilection et il s'en explique : "J'aime tant la liberté que je peux avoir dans la science-fiction. On peut laisser aller à un rythme accéléré sa vision de la réalité, bien plus que dans le genre documentaire. La SF vous libère et permet d'explorer des phénomènes qui sont loin d'être étrangers à la nature humaine. La SF permet toujours d'aller au fond des choses, d'étudier la condition de l'homme... par exemple en voyant comment d'autres structures sociales pourraient modifier le comportement des personnages de l'histoire que vous racontez. Dans ce film je reviens à cet avantage de la SF, que je n'avais pas abordé depuis longtemps." Et surtout, le cinéaste base son film sur un scénario original signé par Cronenberg lui-même ce qui n'était pas arrivé depuis "eXistenZ" (1999). Son film est en fait adapté d'un projet antérieur intitulé "Painkillers" qui date du début des années 2000 et qui était prévu avec Nicolas Cage, l'envie de reprendre ce scénario lui est venu parce que "l'opinion publique, dans le monde entier, a été sensibilisée à plusieurs problématiques comme, par exemple, le fait que chaque être humain sur Terre a aujourd'hui ingéré des particules de plastique en raison de la pollution des océans. C'est ce qui m'a fait comprendre que le sujet du film était plus que jamais d'actualité." Cronenberg revient donc vers le cinéma de son Âge d'Or entre "Scanners" (1981) et "Crash" (1996) en passant par "La Mouche" (1986), mais attention à ne pas confondre avec son second film "Crimes of the Future" (1970)... Dans un futur proche, l'espèce humaine s'adapte de plus en plus à un environnement de synthèse où le corps humain est l'objet de transformations et de mutations nouvelles. Avec la complicité de sa partenaire Caprice, l'artiste performer Saul Tenser met en scène sa métamorphose de ses organes dans des spectacles avant-gardistes. Ses spectacles sont épiés par Timlin une enquêtrice du Bureau du Registre National des Organes tandis qu'une organisation mystérieuse veut profiter de la notoriété de Saul pour révéler au monde ce qui va forcément arriver : la prochaine étape de l'évolution humaine...

La collaboratrice Caprice est interprétée par la frenchy Léa Seydoux vue récemment dans "Tromperie" (2022) de Arnaud Desplechin et "L'Histoire de ma Femme" (2022) de Ildiko Enyedi, le performer est incarné par Viggo Mortensen qui retrouve Cronenberg après "A History of Violence" (2005), "Les Promesses de l'Ombre" (2007), "A Dangerous Method" (2011) et aussi "Falling" (2020) de lui-même et où il fait joué à son tour Cronenberg, puis il retrouve après "Sur la Route" (2011) de Walter Salles son autre partenaire Kristen Stewart vue récemment dans "Spencer" (2022) de Pablo Larrain, et retrouve de son côté après "Twilight IV - Révélation" (2011) de Bill Condon sa partenaire Tanaya Beatty vue ensuite dans "Lessons in Love" (2013) de Fred Schepisi et "Hostiles" (2018) de Scott Cooper. Citons Scott Speedman vu dans "The Strangers" (2008) et "The Monster" (2016) tous deux de Bryan Bertino puis "Adoration" (2009) et "Captives" (2014) tous deux de Atom Egoyan, Dan McKellar qui retrouve Cronenberg après "eXistenZ" mais aussi acteur-scénariste notamment pour "Blindness" (2008) de Fernando Meirelles après lequel il retrouve sa partenaire Nadia Litz vue entre autre dans "Inside Job" (2004) de Nicolas Winding Refn, Yorgos Pirpassopoulos vu dans "Beckett" (2021) de Ferdinando Cito Filomarino, puis enfin Welket Bungué révélé dans "Berlin Alexanderplatz" (2021) de Burhan Qurbani... Pour le reste de l'équipe, notons que la musique est une fois de plus composée par Howard Shore fidèle de Cronenberg sur quasi tous ses films depuis "Chromosome 3" (1979), tandis que, plus tristement, la soeur du réalisateur, Denise Cronenberg est morte en 2020 et n'a donc pas pu assuré son poste de costumière qu'elle assumait sur tous les films de son frère depuis "La Mouche" (1986). Elle a été remplacé par Mayou Trikerioti qui a oeuvré notamment sur les films grecs "Red Rose" (2014) et "Demain je Traverse" (2019) tous deux de Sepideh Farsi... Cronenberg, après tant d'années d'absence, revient avec une sorte de retour aux sources. Il faut d'abord bien comprendre que le cinéaste a toujours suivi une ligne directrice plus ou moins nette, à savoir une critique sociale via les angoisses et les pulsions que peut révéler le corps humain, puis le cinéaste peut aussi se révéler aussi par une carrière en trois phases : la première avec des films de SF et fantastique (de "Frissons" en 1975 à "La Mouche" en 1986), la seconde avec les films d'anticipation visionnaire et dystopique (de "Faux-Semblants" en 1988 à "Spider" en 2002), puis la dimension "réaliste" et psychanalytique (de "A History of Violence" en 2005 à "Maps to the Stars" en 2014).

Il faut ainsi rappeler que Cronenberg a écrit cette histoire il y a plus 20 ans et que donc les thématiques abordées sont antérieures aux années 2000, et donc logiquement ce film s'inscrit dans ses inspirations SF et thriller horrifique où les monstres ont toute leur place. Ce qui est frappant c'est que Cronenberg signe un film qui a tout du film testament, ou plutôt d'un film somme, une sorte de quintessence de son cinéma comme "La Mort aux Trousses" (1959) de Alfred Hitchcock peut l'être dans son genre. On remarque donc surtout des sujets ou des références à foison qui renvoient à ses anciens films dont en premier lieu "Crimes of the Future" (1970), "Frissons" (1975), "Chromosome 3" (1979) ou "Crash" (1996). Et sinon on repense au très récent "Titane" (2021) de Julia Ducournau qui est assurément sous influence Cronenbergienne. Dans ce futur pessimiste le réalisateur explore encore les déviances de l'être humain, impose une réflexion frontale entre causes et conséquences de l'être humain et son évolution. À la fois très psychanalytique, très mental et viscéral le réalisateur pousse à la confrontation morale, n'hésite pas à choquer, à bousculer via des séquences malaisantes souvent pertinentes au vu du récit, parfois trop gratuites (les deux "techniciennes" nues dans le "lit"). Bien que très charnel, trash et gore on peut pourtant s'étonner du manque de sang malgré des blessures et autres scarifications qui devraient forcément être plus sanguinolents. Les acteurs sont impressionnants d'investissement et d'implication, en premier lieu le sublime duo Mortensen/Seydoux, mais on peut rester perplexe sur une Kristen Stewart sous-exploitée et une duo de "techniciennes" qui impose des questions sans réponses. Finalement on est intrigué, fasciné par la vision de Cronenberg, on adore le côté hyper auto-référencé, certains passages sont prenant voir hypnotique mais ça reste aussi peu approfondit, pas toujours convaincant notamment sur les rôles réels du FBI et du Bureau du registre des Organes. En conclusion, Cronenberg déstabilise et questionne encore et toujours avec son cinéma singulier et audacieux, et on aime ça même si on a l'impression d'un manque de renouveau cette fois.  

 

Note :                

13/20
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