L'Histoire de ma Femme (2022) de Lldiko Enyedi

par Selenie  -  18 Mars 2022, 10:37  -  #Critiques de films

Outre un court métrage et une série TV il s'agit seulement du 7ème long métrage de la réalisatrice-scénariste hongroise Lldiko Enyedi depuis "Mon XXe Siècle" (1989) lauréat de la Caméra d'Or  à Un Certain Regard au Festival de Cannes 1989 et après "Corps et Âme" (2017) lauréat de l'Ours d'Or du Festival de Berlin. Pour ce nouveau projet elle a choisi d'adapter le roman éponyme (1942) de son compatriote Milan Füst. Un projet que la cinéaste avait en tête depuis les années 80 mais qui a tardé suite à des difficultés légales pour obtenir les droits d'adaptation. Ensuite, sa sortie prévue à l'automne 2020 a été repoussé suite au Covid. Bien que déjà sorti dans quelques pays, les résultats au box-office restent très décevants... Dans les années 20, Jakob qui est capitaine au long cours fait un pari avec un ami alors qu'ils sont dans un café : il épousera la première femme qui franchira le seuil du café. C'est alors que Lizzy entre. Il s'agit d'une mondaine parisienne, il vont s'aimer...

Jakob est interprété par l'acteur néerlandais Gijs Naber, inconnu chez nous et vu essentiellement dans des films hollandais comme "Happily Ever After" (2010) de Pieter Kramer, "Jack's Wish" (2015) de Anne de Clercq ou "Redbad" (2018) de Roel Reiné. Lizzy est incarnée par la star française Léa Seydoux omniprésente depuis quelques mois après "Mourir Peut Attendre" (2021) de Cary Joji Fukunaga, "France" (2021) de Bruno Dumont, "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson et "Tromperie" (2021) de Arnaud Desplechin, et elle retrouve son partenaire Louis Garrel après "La Belle Personne" (2008) de Christophe Honoré et "Saint-Laurent" (2014) de Bertrand Bonello, retrouvant aussi après ce dernier film leur partenaire Jasmine Trinca, italienne vu dans d'autres films français avec "L'Apollonide - Souvenirs de la Maison Close" (2011) de Bertrand Bonello et "Une Autre Vie" (2013) de Emmanuel Mouret. Citons ensuite deux acteurs allemands, Ulrich Matthes vu dans "La Chute" (2004) de Olivier Hirschbiegel et "Une Vie Cachée" (2019) de Terrence Malick, puis Udo Samel vu dans "La Pianiste" (2001) de Michael Haneke, "Rendez-vous à Palerme" (2008) de Wim Wenders et "Carlos" (2010) de Olivier Assayas Citons aussi une suissesse avec Luna Wedler vue dans "Blue My Mind" (2017) de Lisa Brühlmann et "Flitzer" (2017) de Peter Luisi, puis enfin deux autres français avec Romane Borhinger vue récemment dans "Une Sirène à Paris" (2020) de Mathias Malzieu, et Sandor Funtek vu récemment dans "K Contraire" (2020) de Sarah Marx et "Suprêmes" (2021) de Audrey Estrougo et qui retrouve Léa Seydoux après "La Vie d'Adèle" (2013) de Abdellatif Kechiche... Première chose qui frappe est la reconstitution historique, qui n'est nullement démonstrative, elle est même minimale, presque moderne, presque non datable alors que le récit se situe dans les années 20. Le poids historique est ainsi atténué ce qui accentue par là même la portée universelle du sujet. A savoir le mariage et ses branches néfastes que sont la jalousie, l'amour ou plutôt la peur de l'amour. Des thématiques récurrentes voir omniprésentes dans le ciné ma et les arts et pourtant cette histoire approfondie de façon presque méthodique la question.

Le choix des activités n'est pas plus anodins, madame est une jouisseuse de la bonne société tandis que monsieur est capitaine de marine rappelant que chaque marin a une femme dans chaque port et que tout marin est assurément cocu. Ironie du sort, ce capitaine semble assumer affirmant à un ami qu'une femme adultère fait partie du jeu. La vérité est bien plus complexe évidemment, s'il se marie sans amour avec une inconnue le temps fait son oeuvre, le soupçon est comme un venin qui révèle la jalousie... etc... Et finalement s'ouvre un suspense savamment distillé, car effectivement cette épouse sociable, sensuelle et libre est-elle ou non réellement infidèle ?! Et lui, bien qu'épris et soupçonneux, est-il vraiment amoureux ?! Un homme, une femme, plusieurs possibilités... Et apparemment, pour la réalisatrice-scénariste il fallait bien 2h50 pour explorer tous ces sentiments à la fois simples et complexes. Sans nul doute que cette histoire aurait pu être plus courte à l'écran, mais les 2h50 passe tranquillement, sans souffrance et permet à la psychologie des personnages d'être mieux décrites, mieux croquées tout en travaillant d'autres détails. Par exemple, si les décors et costumes composent une reconstitution soignée mais discrète, on apprécie la logique des langues dans un univers forcément international (marine marchande) et donc on entend logiquement plusieurs langues utilisées judicieusement. Et surtout on apprécie, on savoure même une magnifique photographie qui joue avec élégance entre la partie marine (navire, océan, port) et les séquences terriennes (restaurant, cabaret, maison) forcément plus luxueuses. En prime un duo d'acteurs au diapason, Léa Seydoux à la fois douce et vénéneuse, amoureuse et garce, jouant sur deux tableaux jusqu'au twist final, et Gijs Naber classe et subtil qui n'est pas sans rappeler un certain Mads Mikkelsen. Par contre, la petit intrigue est peu intéressante car sous-exploitée à l'instar des autres protagonistes, ce qui est presque décevant au vu des 2h50. Néanmoins, le temps n'est pas un soucis au final, la forme offre un écrin de toute beauté, le fond est d'un intelligence rare sur le sujet avec deux acteurs fabuleux. Un très beau et très bon moment.

 

Note :      

 

14/20
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