Marché Noir (2022) de Abbas Amini

par Selenie  -  27 Mai 2022, 10:38  -  #Critiques de films

Enième film iranien pour notre plus grand bonheur tant le cinéma iranien est en pleine période faste depuis quelques mois avec des films comme "Un Héros" (2021) de Asghar Farhadi, "Le Diable n'existe pas" (2021) de Mohammad Rasoulof, "Les Enfants du Soleil" (2022) de Majid Majidi et surtout "La Loi de Téhéran" (2021) de Saeed Roustayi qui partage avec "Marché Noir" une sélection au Festival du film policier de Reims Polar où ils ont eu respectivement le Grand Prix et le Prix du Jury. Donc après le trafique de drogue et la corruption vu par Roustayi, le 3ème film de Abbas Amini aborde le trafique de dollars américains. Le cinéaste, après plusieurs documentaires, et les deux films "Valderama" (2016) et "Hendi & Hormoz" (2018), s'attaque donc un autre fléau du système économique iranien qui souffre forcément de l'embargo. Le cinéaste précise : "Dans Marché Noir, nous avons essayé de traiter ce problème et de dépeindre une partie des incidents qui se produisent en Iran de nos jours." Abbas Amini co-signe le scénario avec Hossein Farokhzadeh qu'il retrouve  après "Valderama"... 

Après avoir été expulsé de France, Amir a dû revenir vivre chez ses parents. Une nuit, son père lui demande de l'aide pour se débarrasser de trois corps après un accident dans un frigo dans l'entreprise où il est gardien. D'abord réticent il finit par obéir et accepte même de travailler pour le même patron. Il comprend alors que l'abattoir sert en fait de ... pour le trafique de dollars, mais tandis que son père est de plus en plus rongé par la culpabilité les proches des défunts commencent à poser trop de questions... Amir est incarné par Amirhosein Fathi vu notamment dans "Keyfar" (2010) de Hassan Fathi, "Parinaaz" (2017) de Bahram Bahramian et "Golden Time" (2017) de Pourya Kakavand. Son père est interprété par Hassan Pourshirazi vu dans "Au Revoir" (2011) de Mohammad Rasoulof et "Ghasam" (2019) de Mohsen Tanabendeh. Le patron est incarné par Mani Haghighi collaborateur de Asghar Farhadi comme scénariste sur "La Fête du Feu" (2006) et comme acteur sur "A Propos d'Elly" (2009), avant de devenir lui-même réalisateur avec "Le Dragon Arrive" (2016) et "Pig" (2018). Citons ensuite l'actrice Baran Kosari vue dans "Rossari Abi" (1995) de Rakhshan Bani Etemad, "Danse dans la Poussière" (2002) de Asghar Fargadi et "Aragh-e Sard" (2018) de Soheil Beiraghi, Vahid Nafar vu dans "Ici sans Moi" (2011) de Bahram Tavakoli et "The Undercover" (2020) de Amir-Abbas Rabiei, puis enfin Hamed Alipour qui retrouve le réalisateur après "Valderama" et "Hendi & Hormoz"... Le film débute dans le dur (comme on dit), le drame s'impose aussitôt au héros comme au spectateur. Les explications arriveront au fur et à mesure du récit. Très vite on s'aperçoit que le scénario manque un peu de tenu car il aborde plusieurs thématiques sans franchement les exploités. Ainsi il y a le passé émigré de Amir, les morts qu'il faut oubliés et donc le problème de conscience, le trafique de dollars évidemment puis les proches des défunts qui gênent et rappellent que les actions ont souvent des conséquences.

Tout ça forme un melting-pot un peu fouilli où tout se mêle, tout se croise et s'entrecroise mais on reste parfois un peu sur notre faim. Par exemple tout ce qui entoure le trafic de dollars est peu limpide, et on a bien du mal à comprendre comment et pourquoi les proches s'acharnent sur Abed et Amir sans aucune preuve ?! Et pourtant on est pris dans cet engrenage, le contexte socio-économique est intéressant, en filigrane il y a même le conflit inter-générationnel et le rapport humain qui s'en trouve changé. Certains passages sont marquants comme la séquence d'ouverture dont la photographie et le décor inhérent à l'abattoir instaure une atmosphère anxiogène, ou le bourse sauvage où s'achète et se vend les dollars américains. Sur ce dernier point le réalisateur précise : "Et j'ai découvert que les figurants qui étaient là pour jouer dans le film, font la même chose régulièrement. Ils savaient comment acheter et vendre des dollars américains. Et cela m'a paru tellement étrange et douloureux de voir que les gens qui étaient là pour contribuer à une activité culturelle, artistique, étaient surtout impliqués dans l'achat et la vente de dollars américains !" On décèle tous les tenants et aboutissants, c'est même assez passionnant une intrigue aussi dense mais on n'est d'autant plus déçu par cette sensation d'objectif inégal et/ou inabouti. La construction narrative manque d'application et les sujets pas assez fouillé ou traité à fond. Un bon film de par son ambition et sa singularité mais il reste en-deça de son potentiel et en-deça des autres films iraniens du moment. A conseiller toutefois, et note indulgente.

 

Note :      

 

13/20
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