La Randonnée (1971) de Nicolas Roeg
Premier long métrage en solo pour Nicolas Roeg après "Performance" (1970) co-signé avec Donald Cammell, il adapte pour son projet le roman "Walkabout" (1959) de James Vance Marshall qui suit survivants d'un crash aérien, une adolescente et son petit frère qui sont perdus dans le désert australien mais qui vont pouvoir survivre grâce à l'aide d'un jeune aborigène. Le scénario est signé de Edward Bond, romancier également qui collabora aussi à l'écriture des films comme "Blow-Up" (1966) de Michelangelo Antonioni, "La Chambre Obscure" (1968) de Tony Richardson ou "Nicholas et Alexandra" (1971) de Franklin J. Schaffner. Le duo Roeg-Bond ont effectué quelques modifications sur l'histoire originale dont la plus importante réside au début de l'histoire, il n'y a plus de crash d'avion. Le film, sélectionné au Festival de Cannes 1971, n'obtient pas de prix mais est assez remarqué pour lancer la carrière du réalisateur qui signera plus tard des films singuliers comme "L'Homme qui Venait d'Ailleurs" (1976) ou "Les Sorcières" (1990). En 2005, le British Film Institute place "La Randonnée" dans la liste de 50 films à voir avant d'avoir 14 ans...Parti dans le désert avec leur père, une soeur et son frère se retrouvent isolés et abandonnés dans le bush australien après un drame. Le manque de nourriture et la soif commencent à les tirailler quand ils rencontrent un jeune aborigène qui les prend sous son aile...
Le jeune garçon est joué par le propre fils du réalisateur, Luc Roeg qui deviendra producteur, d'abord des films de son père "Au Coeur des Ténèbres" (1993) et "Two death" (1995) puis plus tard entre autre de "Othello" (1996) de Oliver Parker, "Mr. Nice" (2011) de Bernard Rose et surtout du chef d'oeuvre "We Need to Talk About Kevin" (2011) de Lynne Ramsay, tandis que l'adolescente est incarnée par Jenny Agutter aperçue auparavant dans "D pour Danger" (1966) de Ronald Neame et "La Croisade Maudite" (1968) de Andrzej Wajda, puis deviendra célèbre avec le culte "L'Âge de Cristal" (1976) de Michael Anderson et "Le Loup-Garou de Londres" (1981) de John Landis mais aussi dans "Darkman" (1990) de Sam Raimi et "Irina Palm" (2007) de Sam Gabarski, les plus jeunes l'ont aperçu dans "Avengers" (2012) de Joss Whedon et "Captain America, le Soldat de l'Hiver" (2014) des frères Russo. L'aborigène est un quasi dans son propre rôle tenu par David Gulpilil (qui ne parlait alors pas encore anglais !), il deviendra ensuite l'acteur aborigène le plus connu du Septième Art avec des films comme "Le Chemin de la Liberté" (2002) de Phillip Noyce, "The Proposition" (2005) de John Hillcoat, "Australia" (2008) de Baz Luhrmann, "Charlie's Country" (2014) de Rolf de Heer sans oublier le populaire "Crocodile Dundee" (1984) de Peter Faiman après lequel il retrouve (bien que sans scène en commun sur "La Randonnée" John Meillon alias le père vu notamment dans "Le Dernier Rivage" (1959) de Stanley Kramer, "Horizons sans Frontières" (1959) de Fred Zinneman après lequel il retrouve l'acteur Peter Carver, puis dans "Réveil dans la Terreur" (1971) de Ted Kotcheff après lequel il retrouve ses partenaires Carlo Manchini et Robert McDarra, ce dernier retrouvera plus tard David Gulpilil dans "Mad Dog Morgan" (1976) de Philippe Mora. Puis enfin citons dans des apparitions Barry Donnely vu ensuite dans "Summerfield" (1977) de Ken Hannam et "Réactions en Chaîne" (1980) de Ian Barry, puis Hilary Bamberger et Noeline Brown surtout connues en Australie pour des séries TV... Pour commencer, expliquons le terme "walkabout", qui signifie une "errance initiatique rituelle" qui doit durer environ 6 mois seul dans le désert et le bush australien, une quête initiatique où les garçons passent de leur statut d'enfant à celui d'homme... Par ricochet, le jeune aborigène pousse ainsi les deux "blancs" a partagé son expérience, une expérience qui force forcément un caractère et une maturité qui va aussi permettre aux deux jeunes citadins de passer un cap surtout après un drame inattendu qui amorce leur aventure. Un drame qui pousse d'abord la soeur à fuir avec son petit frère sans réfléchir, avant de se rendre compte que le désert est un piège en soi. Faim et soif logiquement, avant d'être secouru par un "sauvage" que les jeunes citadins perçoivent ainsi comme la première fois qu'ils sont en réelle communication avec un "concitoyens en marge".
Son arrivée permet aussi un retour à la toilette salvateur et purificateur. On peut voir évidemment la rencontre entre la ville et la nature, le début du film impose alors une cité bétonnée et une sorte de routine mécanique et déshumanisée, puis arrive la survie dans une faune et une flore aussi fascinante que cruelle. Ce qui fait la force du film est justement dans cette absence de morale bien-pensante, après le prologue urbain et froid il y a un monde sauvage où il faut tuer par nécessité dans une nature pas toujours digne de l'Eden que ce soit visuellement ou plus viscéral. À la perdition du système capitaliste et "civilisé" se confronte le système naturel et sauvage auquel on pourrait ajouter une légère dimension érotique. D'ailleurs sur ce point, la jolie scène de nage dans le lac a été plutôt difficile pour la jeune actrice qui a été soutenu par l'équipe qui s'est retirée puis est revenue ensuite également dénudée. Par là même, la scène du coup de soleil n'était ni prévue ni truquée, le jeune soignant réellement le jeune garçon lors du tournage le réalisateur a profité de ce moment. Entre les scènes de "chasse" crues, un érotisme suggéré et une atmosphère oscillant entre passages envoûtants et malaisants le film fut tout de même classé "R" (interdit au moins de 17 ans non accompagnés) aux Etats-Unis avant que le cinéaste ne fasse appel pour obtenir un "PG" (accord parental souhaitable). Nicolas Roeg signe à la fois une chronique adolescente à double facette, un road movie sauvage réaliste et un drame bien pessimiste sur nos sociétés et l'avenir de nos enfants. Un film à voir et à conseiller.
Note :