Rebel (2022) de Adil El Arbi et Bilall Fallah
Nouveau film du duo belgo-marocain Adil El Arbi et Bilall Fallah, d'abord remarqué pour leur polar urbain "Black" (2015) et "Gangsta" (2018) avant d'avoir obtenu leur ticket hollywoodien en signant l'oubliable "Bad Boys for Life" (2020). Puis après deux épisodes de la série TV "Miss Marvel" (2021) Les deux compères ont ensuite signé le fameux "Batgirl" pour DC Comics/Warner mais malheureusement le film a été bloqué et annulé par la production alors que le film était tourné et déjà en post-production ! Ce cataclysme hollywoodien a plus ou moins forcé le duo a retourné chez eux en Belgique où ils ont donc cherché un autre projet. Leur histoire, ils l'ont trouvé près de chez eux comme ils l'expliquent : "En 2012, 2013, des gens de notre âge, la plupart de la même origine que la nôtre, origine marocaine, qui habitaient en Belgique, ont décidé de partir en Syrie. Une chose qu'on n'avait vraiment jamais vue. Il n'y avait pas eu ce même phénomène lors du conflit en Irak. Il s'agissait de jeunes gens parfois qu'on connaissait, ou des amis d'amis. Tout le monde en Belgique, d'origine maghrébine, connaît quelqu'un qui est parti là-bas, et souvent ces jeunes partaient en groupe. On se demandait ce qu'ils allaient faire en Syrie." Les deux cinéastes se sont d'abord documenté, notamment et surtout en dialoguant directement avec des familles et proches qui sont liés directement avec ce genre de faits. Les deux réalisateurs-scénaristes ont co-écrit le scénario avec Jan Van Dyck auquel on doit trois courts métrages, "Until It Hits You" (2013), "Homeful Bliss" (2015) et "The Nipple Whisperer" (2021), puis avec Kevin Meul qui a réalisé et écrit le film"My First Highway" (2016). Les deux réalisateurs avouent avoir pris pour référence esthétique le réalisateur Jacques Audiard, pour le sens du récit familial le réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda, et aussi le réalisateur québecois Denis Villeneuve. Les deux réalisateurs gèrent pour ce film un budget de 8 millions de dollars, soit bien moins que les 90 millions de dollars de "Bad Boys for Life"...
Après plusieurs faits de délinquance, Kamal décide de se racheter en devant humanitaire bénévole en Syrie, mais à peine arrivé un groupe armé islamiste l'oblige à intégrer leur rang. Son jeune frère Nassim, qui est resté en Belgique avec sa mère, rêve de le rejoindre et devient alors une cible idéale pour les recruteurs du Jihad... Le frère aîné Kamal est incarné par Aboubakr Bensaihi qui retrouve donc les deux réalisateurs après "Black" (2015), le jeune Nassim est interprété par Amir El Arbi, le fils du réalisateur, qui joue là pour la première fois pour le grand écran après un petit rôle dans la série TV "La Bonne Terre" (2021), et enfin leur maman jouée par Lubna Azabal, grande actrice vue entre autre dans "Aram" (2002) de Robert Kechichian, "Exils" (2004) de Tony Gatlif, "Incendies" (2010) de Denis Villeneuve, "Rock the Casbah" (2013) de Laila Marrakchi ou "Bluebird" (2018) de Jérémie Guez. Citons encore Younes Bouab aperçu dans "Cheba Louisa" (2013) de Françoise Charpiat, "Queen of the Desert" (2015) de Werner Herzog et "Razzia" (2017) de Nabil Ayouch, Nassim Rachi et Tommy Schlesser vus dans "Chambre 212" (2019) de Christophe Honoré, Saïd Boumazoughe qui retrouve les réalisateurs après "Gangsta" (2018) et le jeune Amir El Arbi après la série TV "La Bonne Terre" (2021), Majd Eid vu récemment dans "Gaza mon Amour" (2021) de Arab et Tarzan Nasser, puis enfin Kamal Moummad aperçu dans "Only Lovers Left Alive" (2014) de Jim Jarmusch, "De Sable et de Feu" (2019) de Souheil Ben-Barka et "Back Up !" (2021) de Christophe Gros-Dubois... Le film débute un peu dans tous les sens, mêlant passé et présent, montrant bien maman femme de ménage, petit frère écolier et grand frère délinquant puis djihadiste. Puis le récit prend un cour plus normal, tout en tentant des passages que les réalisateurs annoncent comme "comédies musicales" alors qu'il s'agit surtout de clip rap du plus mauvais effet, trop caricaturaux et trop simplistes.
La maman a tout de la mère courage comme on en a tant vu au cinéma, le petit frère est juste un écolier pour qui le grand frère est un héros, rien de bien neuf et donc l'essentiel repose sur Kamal pour qui on a pourtant bien du mal à avoir de l'empathie au départ ; dealer avant tout il part sans réellement savoir pourquoi, et effectivement comme il le dit "je ne fais que survivre" comme si cela devait l'absoudre de son passé. Ce personnage impose pourtant le paradoxe du film, il devient le cameraman des djihadistes, pour ne pas avoir à assumer d'être bourreau mais qui par là même démontre toute la force de frappe de la propagande islamiste qui use et abuse de la vidéo. Le plus réussi reste pourtant la différence de style entre la Belgique avec la maman et le jeune fils filmée dans la grisaille européenne et de façon "calme" ce qui n'arase pas une certaine menace, puis la Syrie (en réalité tourné en Jordanie) filmée dans la sécheresse du désert et dans l'aridité d'une guerre omniprésente dans un style plutôt spectaculaire pourrait d'ailleurs passer pour être contre-productif au vu du message que les réalisateurs veulent passer. En conclusion l'histoire est intéressante, le propos pertinent et plusieurs séquences sont émotionnellement fortes (surtout dans la dernière partie, forcément) mais plusieurs choix décevants et/ou maladroits (les "pauses musicales", les fuites trop faciles, la fillette de l'école...). Un film bancal mais pas dénué de qualité.
Note :