Black Tea (2024) de Abderrahmane Sissako
Voici une co-production international franco-africaine et avec Taïwan ce qui fait une petite originalité mais qui se comprend au vu de l'histoire de ce film réalisé par le mauritanien Abderrahmane Sissako auquel on doit les films "En attendant le Bonheur" (2002), "Bamako" (2006) et surtout le très remarqué "Timbuktu" (2014). Le cinéaste a eu l'idée du film après avoir découvert un restaurant tenu par un couple afro-chinois appelé "La Colline Parfumée", pour les amateurs qui se trouve à Niamey au Niger. L'histoire d'un couple mixte peut paraître assez commun mais finalement non, l'histoire entre un africain et une chinoise offre des niveaux de lecture jamais abordés encore. Le réalisateur-scénariste co-écrit le scénario avec Kessen Tall qu'elle retrouve après "Timbuktu" (2014)...
Aya, une jeune femme ivoirienne d'une trentaine d'années dit non le jour même de son mariage à la stupeur générale. Emigrée en Chine elle travaille dans une boutique d'export de thé. Elle tombe amoureuse de Cai, son collègue chinois de 45 ans mais leur histoire va se confronter aux préjugés et aux convenances très différentes entre leurs deux cultures d'origine... Nina est incarnée par Nina Mélo vue dans "L'Arnacoeur" (2010) de Pascal Chaumeil, "Bande de Filles" (2014) de Céline Sciamma, "Orpheline" (2016) de Arnaud des Pallières et "Les Affamés" (2018) de Léa Frédeval. Cai est joué par Han Chang vu auparavant dans "Double Vision" (2002) de Chen Kuo Fu, "God Mad Dog" (2007) de Singing Chen ou "Little Big Women" (2021) de Joseph Chen-Chieh Hsu. Citons ensuite Wu Ke-Xi vu dans "Ice Poson" (2014), "Adieu Mandalay" (2016) et "Nina Wu" (2019) tous trois de de Midi Z, Michael Chang vu dans la série TV "Who's by your Side" (2021-...), Pei-Jen Yu vu dans "Hotel Black Cat" (2010) de Herb Hsu, "White Ant" (2016) de Hsien-Jer Chu ou "Liou Ma Gou Shi Wu Hao" (2022) de Zero Chou, Wei Huang vu dans "Girls Always Happy" (2018) de Yang Mingming, puis enfin "Petit Pays" (2020) de Eric Barbier... Le prologue est une sorte de mariage groupé, un peu long, et on reste un peu perplexe par la déclaration de la fiancée avec cette tirade/excuse aussi éculée qu'hypocrite qu'on entend comme de la psychologie de comptoir. Par là même, le monsieur ainsi éconduit qui reste là stoïque et amorphe n'est pas très crédible. Ellipse et nous voilà immergé dans un quartier africain de la ville de Canton en Chine. On remarque le soin particulier apporté à la photographie, particulièrement belle à tel point que pratiquement chaque plan est un tableau, mais a contrario ça crée une sensation d'être hors sol, dans un univers peu réaliste car trop aseptisé, trop propre.
On a aussi l'impression que tout est tourné en studio, d'ailleurs malgré que Canton soit une métropole de 15 millions d'habitants on ne ressent jamais la surpopulation ni une quelconque effervescence. Bien au contraire, le film est empreint d'un calme et d'une sérénité presque apathique qui est accentué par un jeu et des décors très théâtraux. Ensuite on constate que le speech à la Roméo et Juliette confrontant les deux "familles" africaines vs chinoises est mensonger. En effet si le film montre les différences sociales et/ou culturelles ce n'est pas franchement via le couple mixte mais via les autres personnages sans pour autant enrichir le propos par des interactions exception faite du dîner familial de la fin. Le speech indique que les proches sont contre cette histoire d'amour entre une africain et un chinois, ce qui est faux, le récit est surtout empreint de tolérance et d'empathie exception faire encore une fois du dîner final. C'est court, c'est peu. Par là même l'histoire d'amour est à l'image du film, d'un ennui abyssale, une idylle sans passion ni étincelle avec un scénario où il ne se passe rien de notable durant près d'une heure. La meilleure séquence est quand Fatoumata Diawara reprend la chanson "Feeling Good" de Nina Simone, tandis que plusieurs plans restent d'une beauté plastique indéniable. Malheureusement l'histoire est démago et lisse, et surtout il y a un vide émotionnel trop fort entre les deux protagonistes principaux.
Note :