L'Homme au Bras d'Or (1955) de Otto Preminger

par Selenie  -  12 Février 2024, 09:42  -  #Critiques de films

Ce projet est une adaptation du roman éponyme (1949) de Nelson Algren, auteur connu e ntre autre pour avoir été l'amant de Simone de Beauvoir et qui sera encore porté à l'écran avec le futur "La Rue Chaude" (1962) de Edward Dmytryk. Les droits d'adaptation sont acquis très tôt par John Garfield, star des films "Le Facteur sonne Toujours Deux Fois" (1946) de Tay Garnett ou "Sang et Or" (1947) de Robert Rossen malheureusement l'acteur meurt prématurément en 1952. Le projet revient ensuite au réalisateur Otto Preminger qui avait justement fait tourné Garfield dans "Femme ou Maîtresse" (1947), mais surtout connu pour ses chefs d'oeuvres comme "Laura" (1944) ou "Rivière sans Retour" (1954). Le projet est difficile à monter car jamais encore un film n'avait abordé la dépendance à la drogue et encore moins employer le terme "drogué" qui était interdit par la censure du Code Hays (Tout savoir ICI !), ce qui fait une différence notable avec l'autre film sur la dépendance, à l'alcool, auquel il est trop souvent comparé, l'excellent "Le Poison" (1945) de Billy Wilder. Néanmoins, Preminger est son propre producteur et décide de passer outre le refus de visa avec la collaboration du distributeur United Artists. Le scénario est signé de Lewis Meltzer auteur des westerns "Texas" (1941) et "Sur le Territoire des Comanches" (1950) tous deux de George Marshall, puis de Walter Newman scénariste de "Le Gouffre aux Chimères" (1951) de Billy Wilder ou plus tard de "Les Sept Mercenaires" (1960) de John Sturges. Précisons que le titre renvoie à la fortune injectée dans son bras au fil des ans... À Chicago, Frankie Machine revient dans son quartier après une cure de désintoxication. Il retrouve donc sa compagne Zosh qui est en fauteuil roulant et à qui il promet d'avoir changé et qu'il veut arrêter les tripots clandestins pour devenir musicien de jazz. Mais étonnamment elle ne le soutient pas et ses anciens partenaires le poussent à revenir sur les tables de poker. Petit à petit il renoue avec ses vieux démons, mais avec le soutient de son amie et voisine Molly il tente encore de se ressaisir... 

Frankie est incarné par Frank Sinatra remarqué surtout dans le chef d'oeuvre "Tant qu'il y aura des Hommes" (1953) de Fred Zinnemann et qui n'est pas encore au sommet avant ce rôle de junkie et avant de confirmer son statut avec "Comme un Torrent" (1958) de Vincente Minnelli ou "L'Inconnu de Las Vegas" (1960) de Lewis Milestone. Sa conjointe est jouée par Eleanor Parker star de "Femmes en Cage" (1950) de John Cromwell, "Scaramouche" (1952) de George Sidney ou "Quand la Marabunta gronde" (1954) de Byron Haskin. La voisine est interprétée par Kim Novak remarquée dans "Phffft" (1954) de Mark Robson ou "Picnic" (1955) de Joshua Logan, qui retrouvera Sinatra pour "La Bonde ou la Rousse" (1957) de George Sidney avant de devenir une star de premier ordre grâce à "Sueurs Froides" (1958) de Alfred Hitchcock, tandis que son compagnon est joué par Robert Strauss vu dans "Stalag 17" (1953) de Billy Wilder ou "Sept Ans de Réflexion" (1955) de John Huston. Citons ensuite Arnold Stang surtout populaire pour sa voix à la télévision essentiellement pour son personnage de Herman dans les années 50, Darren McGavin vu dans "La Chanson du Souvenir" (1945) de Charles Vidor, "Vacances à Venise" (1955) de David Lean et qui retrouvera Preminger juste après pour "Condamné au Silence" (1955), Leonid Kinskey vu dans "Peter Ibbetson" (1935) de Henry Hathaway, "Boule de Feu" (1941) de Howard Hawks ou "Casablanca" (1942) de Michael Curtiz, puis enfin Emile Meyer vu entre dans "L'Homme des Vallées Perdues" (1953) de George Stevens, "Graine de Violence" (1955) de Richard Brooks ou plus tard "Les Sentiers de la Gloire" (1957) de Stanley Kubrick... Notons que le film, outre son réalisateur et son casting, est aussi servi par des techniciens parmi les plus renommés de leur époque, dont le compositeur Elmer Bernstein qui obtient avec ce film la première de ses 14 nominations à l'Oscar, puis Saul Bass créateur du générique et de l'affiche qui travaillera encore avec Preminger notamment pour le chef d'oeuvre "Autopsie d'un Meurtre" (1959) et le très remarqué "Psychose" (1960) de Alfred Hitchcock. Le film débute avec le retour de Frankie/Sinatra après sa cure, aussitôt on ne croit évidemment pas qu'il est complètement sevré, et d'emblée on constate le côté ambigu de sa conjointe Zosh/Parker qui semble bel et bien éperdument amoureuse tout en le rabaissant ou en ne croyant pas en lui.

Ainsi, si l'addiction à la drogue n'attend qu'une petite étincelle pour rallumer le feu, il y a aussi l'addition sentimentale où une femme fait tout pour que son homme reste auprès d'elle. Le couple subit donc leur dépendance et s'autodétruit sous le regard de leur voisine mais aussi sous le regard des soit-disant amis. Mais si on regarde de plus près on remarque aussi les failles ou les addictions des autres, comme la voisine et son conjoint alcoolique qui serait un looser pour Frankie le junkie ou Sparrow qui se veut ou se croit le meilleur ami de Frankie sans avoir de retour. Les personnages sont merveilleusement écrits, cohérents et humains. Le scénario est tout aussi intéressant, les interactions entre les protagonistes évoluent de façon logiques avec des montées en puissance marquantes, dans l'émotion, la détresse ou la violence. On pense évidemment au sevrage forcé (alors une première au cinéma !), le secret éventée de Zosh ou l'agression du dealer. En prime un casting idéal, Sinatra en loser magnifique, Kim Novak toute en douceur, Eleanor Parker aux portes de la folie mais aussi le dealer style dandy des bas-fonds et le pauvre Sparrow. Preminger signe un grand film, précurseur et donc historique, pertinent sur sa thématique sans omettre l'émotion. 

 

Note :                 

18/20
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