Psychose (1960) de Alfred Hitchcock

par Selenie  -  23 Mai 2022, 08:28  -  #Critiques de films

Après le grand succès de "La Mort aux Trousses" (1959), le réalisateur tourne quelques épisodes pour sa série TV "Alfred Hitchcock Presents" et tombe sur un livre tout juste sorti, "Psychose" (1959) de Robert Bloch un auteur qui verra d'autres films adaptés de ses oeuvres comme "Crâne Maléfique" (1965) et "Le Jardin des Tortures" (1967) tous deux de Freddie Francis. Alfred Hitchcock, abandonne un projet intitulé "No Bail for the Judge" prévu avec la star Audrey Hepburn, et obtient les droits du roman pour 9000 dollars et tente même d'acheter un maximum d'exemplaires afin de garder le secret le plus longtemps possible. L'histoire a deux twists centraux et le réalisateur sait que l'effet de surprise va être particulièrement vital et nécessaire. Le cinéaste ajoute en plus comme inspiration une affaire de tueur en série encore toute récente, celle de Ed Gein (tout savoir ICI !). Hitchcock choisit comme scénariste Joseph Stefano qui vient de signer "Anne de Brooklyn" (1958) de Vittorio De Sica et "L'Orchidée Noire" (1958) de Martin Ritt, et qui retrouvera plus tard l'univers pour le téléfilm "Psychose IV" (1990) de Mick Garris. Le réalisateur croit tant à son projet qu'il est en est le producteur principal et met en place une campagne promotionnelle inédite. D'abord il annonce que son film est "juste une comédie macabre" (rappelons que pour le maître son film le plus effrayant est "Les Oiseaux"), il se met en scène dans une bande-annonce où il présente aux spectateurs la maison de Norman Bates, il impose des taglines sur les affiches comme "La film que vous devez voir depuis le début... ou pas du tout !" et "Personne, absolument personne ne sera admis après le début du programme Psychose !", puis surtout, s'inspirant de son alter ego français Henri-Georges Clouzot pour "Les Diaboliques" (1954), il exige que les exploitants de salles interdisent l'accès après les 30 premières minutes du film correspondant environ au meurtre phare du film. Malgré tout Hitchcock doit composer avec un budget limité, soit 800000 dollars plus de 4 fois moins que son film précédent. Pour faire des économies il engage en majorité ses fidèles comme le compositeur Bernard Hermann, le designer Saul Bass, et surtout il a choisi l'équipe de ses émissions télé. Le choix du Noir et Blanc a été un plus... Marion Crane est une jolie femme qui en a assez de sa vie, d'un travail qui ne la passionne pas, d'un amant qui ne peut l'épouser car sans le sou, et quand son patron lui demande d'aller déposer 40000 dollars à la banque la tentation est trop forte. Marion décide de continuer sa route et fuit avec l'argent en espérant une vie meilleure. Elle s'arrête dans un motel tenu par Norman, un jeune homme réservé et serviable. Plus tard, la soeur de Marion s'inquiète et prend contact avec l'amant de sa soeur, tandis que un détective enquête sur la disparition des 40000 dollars... 

La star du film est Janet Leigh, vue entre autres dans "L'Appât" (1953) de Anthony Mann, "La Soif du Mal" (1958) de et avec Orson Welles et "Les Vikings" (1958) de Richard Fleischer. Sa soeur est interprétée par Vera Miles qui retrouve donc Hitchcock après "Le Faux Coupable" (1956) et le premier épisode de "Alfred Hitchcock Presents" (1955), l'amant Sam Loomis est joué par John Gavin vu dans "Le Temps d'Aimer et le Temps de Mourir" (1958) et "Mirage de la Vie" (1959) tous deux de Douglas Sirk et cette même année dans "Spartacus" (1960) de Stanley Kubrick. Citons ensuite le détective joué par Martin Balsam vu dans "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan et "12 Hommes en Colère" (1957) de Sidney Lumet, puis surtout citons Norman Bates incarné par Anthony Perkins vu dans "La Loi du Seigneur" (1956) de William Wyler et "Le Dernier Rivage" (1959) de Stanley Kramer puis retrouve après "Du Sang dans le Désert" (1957) de Anthony Mann son partenaire John McIntire surtout vu dans des westerns notamment avec l'acteur hitchcockien James Stewart dans "Winchester 73" (1950) et "Je suis un Aventurier" (1954) tous deux de Anthony Man et "Les Deux Cavaliers" (1961) de John Ford. Citons encore Simon Oakland vu dans "West Side Story" (1962) et "La Cannonière du Yang-Tse" (1966) tous deux de Robert Wise et surtout populaire grâce à la série TV culte "Les Têtes Brûlées" (1976), Patricia Hitchcock fille de vue également dans "Le Grand Alibi" (1950) et "L'Inconnu du Nord Express" (1951), Vaughn Taylor vu dans "Le Rock du Bagne" (1957) de Richard Thorpe et "La Chatte sur un Toit Brûlant" (1958) de Richard Brooks, Lurene Tuttle vue dans "Niagara" (1953) de Henry Hathaway et "La Grande Combine" (1966) de Billy Wilder, Mort Mills vu dans "La Soif du Mal" (1958) de et avec Orson Welles et retrouvera Hitchcock pour "Le Rideau Déchiré" (1966), Virginia Gregg qui retrouve aussi Hitchcock après "Les Enchaînés" (1946), elle prête sa voix pour madame Bates... Parmi les collaborateurs habituels de Hitchcock notons le travail sur le générique par Saul Bass qui a travaillé également sur "Sueurs Froides" et "La Mort aux Trousses", et surtout la musique signée de Bernard Hermann, fidèle de Hitchcock depuis "Mais qui a tué Harry ?" (1955) et qui prend ici une importance toute singulière. Le meilleur exemple concerne justement la scène culte de la douche ; en effet, Hitchcock voulait au départ que la scène de la douche sans musique et dans un silence de mort (sans jeu de mot !) et c'est le compositeur qui a persuadé le réalisateur après lui avoir fait écouter la musique qu'il avait prévu au moment précis de la touche. Cette scène est une réussite car elle est unique et encore aujourd'hui. Découpé en 90 plans en moins de 3 mn qui est devenue une des scènes les plus étudiées dans les écoles de cinéma du monde entier. Dans le roman, Robert Bloch avait été critiqué pour son côté érotique mais Hitchcock se focalise surtout sur la violence pure. Une violence qui justifie justement le Noir et Blanc, Hitchcock savait que cela atténuerait l'effet du sang et, surtout, il voulait que la dimension psychologique et angoissante prenne le pas sur le gore. Plus anecdotique, le sang du film est en fait du chocolat !

La star du film est Janet Leigh alias Marion Craine, elle est montrée pure au début du film avant le vol des 40000 dollars, Hitchcock matérialise la chose avec son soutien-gorge, blanc au début, noir ensuite. D'ailleurs le film est le premier qui montre une femme en dessous, et il est le premier où on entend une chasse d'eau ! Hitchcock impose une intimité nouvelle jusqu'à ce premier meurtre forcément inattendu, d'où l'obligation par Hitchcock de pénétrer dans la salle obscure avant cet événement. Outre les personnages principaux il ne faut pas oublier un autre personnage central : la maison de Norman Bates. Une maison qui a coûté 15000 dollars devenue aussi reconnaissable dans l'inconscient collectif que la douche ou le twist final. Une maison qui existe encore aujourd'hui et qu'on peut visiter. Le film est pour ainsi dire scindé en deux parties, la première se focalise sur Marion Craine/Leigh et la seconde concerne les enquêtes avec comme point commun le Bates Motel. La force du film réside dans les rebondissements qu'on ne voit pas arriver, en tous cas ni à ce moment et pas de cette façon qui vont offrir deux des twists les plus marquants du cinéma. De surcroît avec ce film Hitchcock prouve qu'il sait et qu'il peut encore surprendre son monde. Ici pas de Macguffin, pas de faux coupable ni d'autres thématiques qui font Hitchcock, cette fois le cinéaste signe un thriller horrifique moderne, à la narration innovante qui casse le canevas habituel. Un monument qui s'impose comme une pierre blanche dans l'Histoire du cinéma et qui va durablement influencer les futures générations. Pour les plus célèbres citons la douche dans "Pulsions" (1980) de Brian De Palma, on retrouve Loomis dans "Halloween" (1978) de John Carpenter et dans "Scream" (1996) de Wes Craven, ce dernier reprenant même une des répliques de Norman Bates : "On finit tous par devenir un peu fou de temps en temps", jusqu'à ce remake "Psycho" (1998) de Gus Van Sant qui reprend le film original quasiment plan par plan avec ne prime une ouverture imaginé par Hitchcock mais qu'il n'avait pu faire en 1960 la technologie n'étant pas encore au point. Le film va aussi et malheureusement connaître plusieurs suites, "Psychose 2" (1983) de Richard Franklin et "Psychose 3" (1985) de Anthony Perkins lui-même, qui retrouve sur ces deux films la voix de madame Bates incarnée par Virginia Gregg. Le film devient le plus gros succès du réalisateur, engrangeant plus de 40 millions de dollars (pour seulement 800000 de budget !) ce qui permet au producteur Hitchcock de devenir millionnaire pour la première fois. Le cinéaste signe donc un chef d'oeuvre orignal, créatif et visuellement marquant. Un film aussi mythique que culte à voir, à revoir et à conseiller.

 

Note :                

19/20
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