La Passante du Sans-Souci (1982) de Jacques Rouffio

par Selenie  -  24 Mai 2022, 08:02  -  #Critiques de films

Dernier film de la grande Romy Schneider qui est aussi à l'origine de ce projet après avoir lu le livre éponyme (1936) de Joseph Kessel, auteur qui a travaillé pour le cinéma et qui a déjà été adapté maintes fois comme avec "Belle de Jour" (1967) de Luis Bunuel ou "L'Armée des Ombres" (1969) de Jean-Pierre Melville. L'actrice a toujours été épris de honte et de culpabilité suite aux "errements" de sa mère, la star allemande Magda Schneider, qui était une proche de Hitler, et elle a donc souvent été attiré par des histoires aux résonances anti-nazies comme avec "Le Train" (1973) de Pierre Granier-Deferre ou "le Vieux Fusil" (1975) de Robert Enrico. À l'initiative du projet, Romy Schneider propose l'idée aux producteurs Raymond Danon et Jean Kerchner, elle choisit également le réalisateur Jacques Rouffio dont le choix a dû être en rapport avec le choix de Michel Piccoli comme partenaire ce dernier ayant jouer pour Rouffio dans "Sept Morts sur Ordonnance" (1976) et "Le Sucre" (1978). Et enfin, le scénariste est Jacques Kirsner qui venait d'écrire "Allons Z'Enfants" (1980) de Yves Boisset, et qui deviendra un amoureux de l'Histoire écrivant et produisant essentiellement des films historiques sur par exemple Jean Jaurès, Louise Michel, Clémenceau, Pétain ou encore Diên Biên Phu. À noter que l'assistante réalisatrice de Jacques Rouffio est un certaine Claire Denis, déjà assistante d'ailleurs sur "Le Vieux Fusil", et future grande réalisatrice de "Chocolat" (1988) à "High Life" (2018) en passant par "Beau Travail" (1999) ou "Un Beau Soleil Intérieur" (2017)... Paris 1981, Max Baumstein, président influent d'une ONG abat de sang froid l'ambassadeur du Paraguay et se constitue prisonnier. Geste incompréhensible pour tous, d'autant plus pour son épouse à qui il explique qu'il a reconnu en cet ambassadeur Rupert Von Leggaert, nazi qu'il a rencontré alors qu'il avait 12 ans en 1933 à Paris. Son récit se mêle aussi aux audiences du tribunal qui le juge pour meurtre... 

L'épouse Lina en 1981, et Elsa en 1933, sont incarnées logiquement par Romy Schneider star depuis la trilogie en crinoline "Sissi" (1955-1957) de Ernst Marischka mais étoile légendaire avec des films comme "La Piscine" (1969) de Jacques Deray, "L'Important c'est d'Aimer" (1975) de Andrzej Zulawski ou "Garde à Vue" (1981) de Claude Miller, et surtout cinq films sous la direction de Claude Sautet dont 4 avec son partenaire Michel Piccoli sur les 8 qu'ils tourneront ensemble, "Les Choses de la Vie" (1970), "Max et les Ferrailleurs" (1971), "César et Rosalie" (1972) et "Mado" (1976). Le jeune Max, soit Piccoli jeune, est interprété par Wendelin Werner dont ça reste l'unique rôle, il deviendra un mathématicien de renom lauréat de la médaille Fields 2006 ! L'époux anti-nazi de Elsa est incarné par l'acteur allemand Helmut Griem vu dans "Les Damnés" (1969) de Luchino Visconti, "Cabaret" (1972) de Bob Fosse ou "Le Désert des Tartares" (1976) de Valerio Zurlini et qui retrouve surtout Romy Schneider après "Ludwig ou le Crépuscule des Dieux" (1972) de Visconti, tandis que le monsieur Champagne est joué par Gérard Klein encore inconnu qui deviendra surtout populaire avec le succès de la série TV "L'Instit" (1993-2005). L'ambassadeur est interprété par Mathieu Carrière révélation de "Les Désarrois de l'élève Törless" (1966) de Volker Schlöndorff vu ensuite dans "Barbe-Bleue" (1972) de Edward Dmytryk et "Police Python 357" (1976) de Alain Corneau. Citons ensuite Dominique Labourier aperçue dans "Les Camisards" (1970) de René Allio et "La Cité des Femmes" (1980) de Federico Fellini et qui retrouvera Jacques Rouffio pour "L'Etat de Grâce" (1986) et "L'Orchestre Rouge" (1989), un certain Jacques Martin surtout connu alors comme présentateur TV vedette mais vu aussi au cinéma de temps à autre comme dans "Erotissimo" (1969) de Gérard Pirès ou "Sex-Chop" (1972) de et avec Claude Berri, puis citons quelques noms qu'on voit à peine, apparitions furtives voir caméos avec surtout Maria Schell, star allemande des années 50-60 de "Steibruch" (1942) de Sigfrit Steiner à "Superman" (1978) de Richard Donner en passant par "Gervaise" (1956) de René Clément, "La Colline de la Potence" (1959) de Delmer Daves ou "Le Dossier Odessa" (1974) de Ronald Neame et qui retrouve par ailleurs Helmut Griem après "Le Voyage des Damnés" (1976) de Stuart Rosenberg, Jacques Nolot (le barman qui sert la main !) qui deviendra un des grands grands seconds rôles du cinéma français de "L'Eté Meurtrier" (1983) de Jean Becker à "Tout s'est Bien Passé" (2021) de François Ozon en passant par "Les Adieux à la Reine" (2012) de Benoît Jacquot ou "Michael Kohlhaas" (2013) de Arnaud des Pallières, et retrouvera Gérard Klein dans "Train d'Enfer" (1985) de Roger Hanin, puis nous reconnaîtrons un Jean Reno inconnu avec une seule réplique qui retrouve Romy Schneider après l'avoir croisé sur "Clair de Femme" (1979) de Costa Gravas, avant de percer enfin avec les films de Luc Besson "Le Dernier Combat" (1983) et "Subway" (1985)... Le film change deux choses vis à vis du roman, d'abord un détail avec le café du Sans-Souci qui se situe dans Paris 15ème alors qu'il devrait être à Pigalle, puis plus de façon plus formelle, la partie contemporaine en 1981 n'existe pas dans le roman mais permettait ainsi d'appuyer un parallèle et que la période nazie peut avoir encore des conséquences 50 ans après. Mais le film est une oeuvre particulière tant il fait écho à la vie réelle de Romy Schneider sur la même période. Par exemple on ne comprend pas le personnage de Lina/Schneider au début du film, où quand elle apprend le meurtre par son époux, l'emprisonnement et le procès qui doit suivre elle reste quasi inerte, ni choquée ni bouleversée ce qui est aussi peu plausible que peu naturelle en de telles circonstances. Est-ce la vie en coulisse qui aurait perturbé son jeu ?!

Au générique de fin on peut lire "À David et son père...", en effet, son ex-mari est mort en 1979, et son fils est mort durant le tournage à l'été 1981, sans compter le passé nazi de sa mère et que Romy s'est blessé à la cheville juste avant le tournage et qu'elle a dû subir une ablation d'un rein ce qui a poussé les assurances à ne pas couvrir les risques inhérents à son éventuelle défection, ce qui fait beaucoup durant le tournage de ce film. Une série de drames qui précède les adieux puisque Romy meurt quelques semaines après la sortie du film. La légende se met en place et, en ce qui concerne le film, donne une aura nouvelle au film, et accentue l'émotion dégagée car il est dès lors impossible de regarder le film sans penser à Romy et à sa détresse émotionnelle. Ainsi le film devient un film à part, et l'histoire fait effectivement écho et devient en soi un film dont l'émotion doit plus à l'écho entre Lina-Elsa et Romy qu'à la qualité intrinsèque du film. Car si on est objectif le film est doté d'incohérences et de facilités qui ne permettent pas au film d'être considéré comme un grand classique. Des SA (nazis en chemises brunes) qui ne sont pas crédibles en violentant un enfant (ralenti des gestes, violences trop feintes) à des passages libidineux timorés bien prudes même dans la suggestion en passant (le plus stupide et incohérent) à cet ultime drame des années 30 - pourquoi libérer l'homme si c'est pour faire ça ensuite ?!?! Niveau acting on est souvent déçu, notamment et surtout par un Gérard Klein pas toujours juste. En conclusion, un drame qui manque de puissance à tous les niveaux et qui surnage juste parce que c'est Romy Schneider.

 

Note :                  

13/20
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