Les Mystères de Paris (1962) de André Hunebelle

par Selenie  -  13 Février 2024, 09:58  -  #Critiques de films

Le réalisateur André Hunebelle s'est fait une spécialité du film de Cape et d'Epée avec coup sur coup "Le Bossu" (1959), "Le Capitan" (1960) et "Le Miracle des Loups" (1961), tous des succès avec la star Jean Marais qui s'en est fait lui même le premier représentant du genre. Ainsi, succès aidant, le cinéaste et son acteur enchaîne mais cette fois en changeant de registre en adaptant le roman éponyme (1842-1843) de Eugène Sue, qui avait déjà été porté à l'écran en 1943 par Jacques de Baroncelli. Le scénario est écrit Jean Halain, fils du réalisateur avec qui il collaborera sur une vingtaine de films de "Métier de Fous" (1948) à "Ca fait Tilt" (1978), puis Pierre Foucaud également fidèle scénariste sur les films entre "Le Bossu" (19459) et "Pas de Roses pour OSS 117" (1968), et ainsi qu'un nouvel arrivé dans l'équipe avec l'italien Diego Fabbri notamment scénariste des films "Europe 51" (1952) de Roberto Rosselini, "Barrage contre le Pacifique" (1958) de René Clément ou "Barabbas" (1961) de Richard Fleischer... Sous le règne de Louis-Philippe, Rodolphe de Sambreuil et sa maîtresse Irène forment un couple de pouvoir dans la haute société aristocratique. Lors d'un pari dans les rues étroites de Paris Rodolphe crée un accident dont la victime est un pauvre ouvrier. A priori sans gravité il repart mais par un concours de circonstance Rodolphe apprend que l'ouvrier a succombé à ses blessures. Dès lors, responsable Rodolphe va tout faire pour tenter d'améliorer la vie de la famille du défunt. Rodolphe va donc se grimer en simple ouvrier et parcourir les bas fonds de Paris pour tenter de retrouver la fille de l'ouvrier qui semble avoir disparu... 

L'aristocrate Rodolphe est logiquement incarné par Jean Marais, révélé par "La Belle et la Bête" (1946) et "L'Aigle à Deux Têtes" (1948) tous deux de Jean Cocteau, qui retrouve André Hunebelle pour la quatrième fois et suivront la trilogie des "Fantomas" (1964-1967). Le reste du casting réunit des acteurs populaires qui ont pratiquement tous déjà tourné ensemble, et la plupart plusieurs fois sous la direction de André Hunebelle. Citons la maîtresse du héros est jouée par Dany Robin qui jouait justement dans "Cadet Rousselle" (1954) de Hunebelle, et vue notamment dans "Le Silence est d'Or" (1947) de René Clair ou plus tard dans "L'Etau" (1969) de Alfred Hitchcock, et retrouve aussi son partenaire Jean Marais après "Julietta" (1953) de Marc Allégret, citons ensuite Pierre Mondy alors encore abonné aux seconds rôles comme dans "L'Affaire des Poisons" (1955) de Henri Decoin, "Le Triporteur" (1957) de Jacques Pinoteau ou "Ni Vu... Ni Connu" (1958) de Yves Robert, Jill Hayworth révélée dans "Exodus" (1960) de Otto Preminger qu'elle retrouvera sur "Le Cardinal" (1963) et "Première Victoire" (1965), L'antagoniste est interprété par Raymond Pellegrin vu entre autre dans "Le Grand Jeu" (1954) de Robert Siodmak ou "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville et entre temps il retrouvera Hunebelle pour "Furia à Bahia pour OSS 117" (1965), Georges Chamarat pour son 5ème film avec son réalisateur, retrouvant aussi plusieurs de ses camarades comme Noël Roquevert une des "gueules" les plus prolifiques du cinéma français des années 30 à 70, Renée Gardès qui était dans "Méfiez-vous Mesdames" (1963) de André Hunebelle, Alain Dekok vu la même année dans le Cape et d'Epée "Cartouche" (1962) de Philippe De Broca, Robert Dalban acteur omniprésent dans le cinéma surtout dans les années 60 dont la trilogie "Fantomas" (1964-1967), Paulette Dubost vue également chez Hunebelle dans "Taxi, Roulotte et Corrida" (1958) et "Le Bossu" (1959), et actrice récurrente chez le réalisateur André Berthomieu à l'instar de Charles Bouillaud qui joue là son 7ème et dernier film sous la direction de Hunebelle depuis "Ma Femme est Formidable" (1951), il croise donc à nouveaux l'actrice Benoîte Lab qui joue elle son 6ème et ultime film, Gabriel Gobin surtout vu dans une dizaine de films avec Jean Gabin sur la période des années 60-70, Madeleine Barbulée actrice fétiche de Hunebelle sur une dizaine de films depuis "Métier de Fous" (1948), Maria Meriko vue notamment dans "L'Affaire Nina B." (1960) de Robert Siodmak, "La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et un Fusil" (1970) de Anatole Litvak ou "L'Incorrigible" (1975) de Philippe De Broca, Raoul Billerey qui joue là son 7ème des huit films avec Hunebelle et surtout qui est un des partenaires récurrents de Jean Marais, chez Hunebelle mais aussi pour les autres Cape et d'Epée de la même période comme "Le Capitaine Fracasse" (1960) de Pierre Gaspard-Huit et "Le Masque de Fer" (1962) de Henri Decoin, et enfin Guy Delorme qui joue également dans les films du duo Hunebelle-Marais... 

On remarque surtout les libertés prises avec le roman, pour les plus flagrantes l'absence des amis de Rodolphe un sir britannique et un médecin noir, dont l'importance est en quelque sorte remplacée par le Chourineur moins complice dans le roman, mais aussi le début normalement Rodolphe est déjà un habitué du déguisement pour hanter les bas fonds à la façon d'un Zorro. Le film simplifie donc le récit, il y a tant de personnages et de sous-intrigues que 2h ne pourraient suffire. En tous cas, ces deux paramètres (se déguiser en ouvrier est une habitude et les deux amis occultés) s'avèrent finalement plutôt judicieux, les deux amis alourdiraient logiquement le récit et la dimension héros de l'ombre oblige à tout un passif risqué. Jean Marais est un choix idéal pour ce rôle qui n'est pas sans rappeler Edmond Dantès dans "Le Comte de Monte Cristo" (1954) de Robert Vernay, inversant le processus entre le nantis plein de prestance et d'élégance et le bougre des bas fonds. La reconstitution historique est très réussie, entre autre en montrant mieux les rues étroites et la promiscuité d'une métropole particulièrement dense, puis la différence sociale qui reste visuellement violente. Par contre, les scènes d'action sont mal gérées, les faux raccords avec ou sans les doublures cascades restent bien laborieux. On s'agace aussi des écueils habituels comme le mini masque qui ne cache rien mais qui semble être pourtant assez efficace pour rester anonymes (?!). Mais le plus décevant est ce choix final aussi facile que grotesque, une conclusion vite fait mal fait. Néanmoins, André Hunebelle signe un beau film d'aventure qui ne manque pas d'émotion, une sorte de variation autour de "Les Misérables" (1862) de Hugo toute proportion gardée

 

Note :                 

14/20
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