Les Sentiers de la Gloire (1957) de Stanley Kubrick

par Selenie  -  26 Septembre 2022, 08:57  -  #Critiques de films

Après ses films "Fear and Desire" (1953), "Le Baiser du Tueur" (1955) et surtout "L'Ultime Razzia" (1956) le réalisateur Stanley Kubrick est contacté par Kirk Douglas qu'il a impressionné avec son dernier film et lui propose de réaliser son prochain film que la star produit via sa société Bryna Productions. C'est évidemment une proposition que le réalisateur ne peut refuser tant le projet est ambitieux et forcément susceptible d'être un tremplin pour le cinéaste. Il s'agit donc de la première grosse production pour Kubrick. Kirk Douglas veut adapter le roman éponyme (1935) de Humphrey Cobb qui fût également scénariste à Hollywood notamment pour "La Révolte" (1937) de Lloyd Bacon. Le livre retrace l'histoire vraie de l'affaire des caporaux de Souain (Tout savoir ICI !). Le titre est tiré du tableau éponyme (1917) de Christopher Nevinson qui illustre des morts dans les tranchées ainsi que de la citation de Thomas Gray issu de son roman "Elegy Written in a Country Churchyard" (1745-1750) "Les sentiers de la gloire ne mènent qu'à la tombe." Le livre a été adapté pour le théâtre en 1935 à Broadway par le dramaturge Sidney Howard mais la pièce fut un échec mais ce dernier déclarera que ce roman mérite un film. Pour ce film Kubrick retrouve après "L'Ultime Razzia" (1956) au scénario l'auteur Jim Thompson en collaboration cette fois avec Calder Willingham qui retrouvera Kubrick et/ou Douglas sur l'écriture des films "Les Vikings" (1958) de Richard Fleischer et "Spartacus" (1960). Le film est connu pour avoir définitivement lancé la carrière de son réalisateur mais aussi et surtout pour avoir été censuré le sujet des "fusillés pour l'exemple" étant alors encore très sensible. Mais insistons sur le fait que la France en tant qu'état n'a jamais censuré le film ! Réputation et rumeur erronées, si des associations d'anciens combattants ont fortement protesté ce n'est pas la France mais les producteurs eux-même qui décidèrent de ne pas le distribuer pendant 18 ans, cédant sous l'ampleur des protestations... 1916, durant la Première Guerre Mondiale, le général Broulard ordonne au général Mireau de lancer une offensive qui court à l'échec contre une position allemande surnommée "La Fourmilière". À son tour Mireau ordonne au colonel Dax de mener ses hommes à l'assaut malgré ses protestations. L'attaque est un massacre et un échec, à tel point que les soldats français doivent se replier mais Mireau s'apercevoit que des soldats ont refusé de qui quitter leur tranchée. Pour détourner le blâme de l'échec Mireau traduit le régiment du colonel Dax en conseil de guerre pour "lâcheté devant l'ennemi" mais devant le refus de Dax Broulard offre un compromis, seuls trois hommes tirés au sort seront traduit en cour martial... 

Le colonel Dax est incarné par le monstre sacré Kirk Douglas, acteur-producteur alors au sommet après des chefs d'oeuvres comme "Chaînes Conjugales" (1949) de J.L. Mankiewicz, "Les Ensorcelés" (1952) de Vincente Minnelli ou "L'Homme qui n'a pas d'Étoile" (1955) de King Vidor, l'acteur retrouvera dans "Quinze Jours Ailleurs" (1962) de Vincente Minnelli et "Sept Jours en Mai" (1964) de John Frankenheimer son partenaire alias général Mireau, George Macready vu entre autre dans "Gilda" (1946) de Charles Vidor et "Vera Cruz" (1954) de Robert Aldrich. L'autre général est incarné par Adolphe Menjou vu dans "L'Opinion Publique" (1923) de et avec Charles Chaplin et qui a déjà abordé les tranchées 14-18 dans "L'Adieu aux Armes" (1932) de Frank Borzage, et retrouve après "Au-Delà du Missouri" (1951) de William A. Wellman son partenaire Timothy Carey dont le dernier film sera "Meurtre d'un Bookmaker Chinois" (1976) de John Cassavetes et qui retrouve après "L'Ultime Razzia" (1956) le réalisateur mais aussi l'acteur Joe Turkel seul acteur à avoir joué à trois reprises pour Kubrick avec plus tard "Shining" (1980), et qui retrouvera aussi dans "L'Affaire Al Capone" (1967) de Roger Corman l'acteur Ralph Meeker vu notamment dans "L'Appât" (1953) de Anthony Mann et "En Quatrième Vitesse" (1955) de Robert Aldrich. Citons ensuite Wayne Morris vu dans "La Vallée des Géants" (1938) de William Keighley ou "Le Cavalier Traqué" (1954) de André De Toth, Peter Capell alors surtout connu en Allemagne avec "La Famille Trapp" (1956) et "La Reine Louise" (1957) tous deux de Wolfgang Liebeneiner et vu plus tard dans "Sorcerer" (1977) de William Friedkin et "Fedora" (1977) de Billy Wilder, Emile Meyer surtout vu dans des westerns dont "L'Hommes des Vallées Perdues" (1953) de George Stevens et "Les Implacables" (1955) de Raoul Walsh, puis Bert Freed vu dans "Mark Dixon, Détective" (1950) de Otto Preminger et qui retrouvera Kirk Douglas dans l'excellent "Le Reptile" (1970) de J.L. Mankiewicz, et enfin Richard Anderson qui retrouve et retrouvera des partenaires après "Au-Delà du Missouri" (1951) et avant "Sept Jours en Mai" (1964) mais qui sera surtout populaire en écumant la plupart des grandes séries TV des années 50 à 80 dont "Zorro" (1958-1959), "Le Fugitif" (1964-1967) et surtout "L'Homme qui valait Trois Milliards" (1973-1978). Puis n'oublions pas un petit rôle pour Susanne Christian qui sera séduite par le réalisateur pour devenir ensuite madame Christiane Kubrick... Précisons quele film a été tourné essentiellement en Allemagne, au Château de Schleissheim avec la collaboration de 800 policiers allemands en soldats français

Si le film commence comme un film de guerre il se termine comme un film judiciaire avec le cheminement effroyable de la logique militaire et partisane  qui broie les hommes aveuglément (ou presque !). Quelques erreurs font sourire comme le fait que "objection" ou "présentez, armes" n'ont jamais existé en France, que certains matériels de soldats soient anachroniques (casques 1915 et 1926 mélangés ou 701ème régiment inexistan)... Des détails au vu de la portée de ce film, de la justesse du propos, de l'importance du sujet et surtout de la puissance émotionnelle du film ; la fin prend au tripe et le frisson décoche la larme à l'oeil. Le réalisateur montre avec précision toutes les manoeuvres sournoises du commandement servis par des dialogues où pointent les différences sociales notamment entre le général et son colonel. Mais le plus impressionnant avec la caméra c'est quand Kubrick plonge dans les tranchées, d'abord en plan-séquence où le colonel/Douglas marche au milieu de ses hommes le longe des couloirs creusés dans le sol et enfin quand il faut sortir et charger. Résultat , ce film est un monument du cinéma, un chef d'oeuvre incontestable qui offre en prime une dimension pédagogique non négligeable. Stanley Kubrick signe son premier réel chef d'oeuvre, annonciateur d'un esprit antimilitariste et exposant au monde sa propre vision de la folie des hommes que confirmeront les filmographie exceptionnelle du maitre... Pour ce film Kubrick reçut le soutien sans faille de l'acteur-producteur Kirk Douglas, qui se souviendra alors de lui pour remplacer Anthony Mann sur le tournage futur de "Spartacus" (1960).

 

 

Note :  

20/20
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