Hors Saisons (2024) de Stephane Brizé
10ème long métrage de Stephane Brizé (en savoir plus ici !... et un entretien ICI !), un des plus discrets mais des meilleurs réalisateurs français avec quelques grands films comme "Quelques Heures de Printemps" (2012), "La Loi du Marché" (2015) ou "En Guerre" (2018). Le cinéaste avoue continuer sur sa thématique déjà explorée dans ses précédents films, la désillusion qu'il explique ainsi : "Tous ces personnages ont cru en quelque chose, ils avaient toutes et tous une certaine idée du monde et de l'Homme. Et puis, leur regard a été changé après la trahison et l'abandon. Que cela vienne de l'entreprise ou de la famille. Cela représente finalement pas mal d'années à faire intimement le même parcours que mes personnages et donc à prendre symboliquement les mêmes coups qu'eux. J'ai de toute évidence écrit et réalisé ces films pour acquérir plus de clairvoyance. Mais il n'y a pas d'avantages sans inconvénients et la clairvoyance fragilise. J'ai alors eu besoin de questionner ce moment où j'étais épuisé par la colère sur laquelle s'étaient construits ces films." Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario pour la première fois avec la journaliste Marie Drucker qu'il retrouve après son dernier film "Un Autre Monde" (2021) dans lequel elle jouait, son premier rôle pour le cinéma. Mais la journaliste a également signé plusieurs documentaires auparavant comme "Détenues" (2016) ou "Le Courage de Grandir" (2018)...
Acteur quarantenaire connu, Mathieu est dans une période difficile. En pleine déprime après une séparation il s'exile seul dans une thalasso dans une petite cité balnéaire. Bientôt il retrouve par hasard Alice, professeure de piano et surtout ancienne amante il y a plusieurs années... Mathieu est incarné par Guillaume Canet vu ces derniers mois dans son film "Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu" (2023) puis "Acide" (2023) de Just Philippot et "Un Coup de Dés" (2024) de et avec Yvan Attal. Alice est jouée par Alba Rohrwacher vue entre autre dans "Tre Piani" (2021) de Nanni Moretti ou "Marcel !" (2022) de Jasmine Trinca mais surtout actrice récurrente pour sa soeur Alice Rohrwacher dont les récents films "Le Pupille" (2022) et "La Chimère" (2023)... Si il y a plusieurs personnages seul compte le couple, l'acteur d'abord rejoint ensuite par son ancienne maîtresse. Les retrouvailles sont chaleureuses et sort l'acteur de sa torpeur mais on sent aussi les non-dits laissés dans un coin depuis des années. On est presque en huis clos dont les deux autres personnages principaux sont les deux décors "uniques", l'hôtel thalasso et la station balnéaire et surtout son bord de mer. Des décors qui imposent une sorte d'immensité et de silence où l'acteur se perd alors que la saison ne se prête pas au tourisme de masse. Des décors en adéquation avec la mélancolie du personnage et à son introspection. Malheureusement le récit reste aussi monotone que monocorde et il ne se passe rien de bien intéressant pendant une bonne demi-heure. En résumé un client seul qui fait un massage, un soin ou autre et qui s'énerve sur une cafetière bêtement alors qu'il s'avère assez con pour ne pas simplement débrancher la machine.
Le film débute réellement avec l'arrivée de l'ex et si les deux acteurs sont touchants on constate aucune étincelle, pas de réelle complicité entre les deux personnages ce qui est dommageable au vu de leur relation dans le film. En tous cas l'intelligence du réalisateur est de ne pas traiter le personnage par le prisme de son métier. L'art ou la notoriété de l'acteur n'est pas abordé ici seul compte sa fragilité, ses doutes. Stephane Brizé précise : "Par contre, la certitude que les autres ont de son bonheur au regard de sa réussite - et que lui-même est aussi un peu obligé de vendre - apporte une forme d'ironie sur son malaise." L'intelligence du réalisateur est aussi dans le choix de sa mise en scène, beaucoup plus statique et posé qu'à son habitude ce qui s'explique par un choix technique malin et logique, celui de délaisser la caméra à l'épaule pour la placer sur un pied. Ce choix permet d'imposer une certaine immobilité qui correspond aussi à l'esprit de Mathieu/Canet, celui d'un homme paumé, seul, qui s'est cloisonné loin de sa vie parisienne pour tenter de se retrouver. Mais si on comprend les choix technique du réalisateur on reste perplexe sur le fond de l'histoire qui manque de chair et d'enjeu, on dirait du Claude Lelouch apathique. Résultat, un film ennuyeux et ennuyant malgré quelques instants de grâce. En tant que grand amateur de Stephane Brizé (voir mes dossiers sur le réalisateur sur les liens au début de l'article) c'est la plus grande déception de sa filmo à ce jour.
Note :