Amal - un Esprit Libre (2024) de Jawad Rhalib

par Selenie  -  19 Avril 2024, 09:17  -  #Critiques de films

D'abord cinéaste dans le documentaire avec entre autre "Le Chant des Tortues" (2013) ou "Au Temps où les Temps où les Arabes dansaient" (2018), le réalisateur Jawad Rhalib s'est mis à la fiction mais toujours avec cette dimension sociale comme sur la liberté d'expression avec déjà "7 rue de la Folie" (2015) et "Insoumise" (2016). Ce nouveau projet date de 2017 mais la pandémie Covid et ensuite les différents faits divers dramatiques récents ont poussé à réécrire plusieurs fois le scénario. Jawad Rhalib précise : "Avec Amal, un esprit libre, mon objectif était de traiter la question de l'influence de la communauté musulmane au sein de nos écoles, et à mettre en lumière la peur que cela peut susciter chez les enseignants. Il est rare de trouver des professeurs, à l'instar d'Amal, qui sont capables et désireux de s'opposer aux pressions des parents et des associations religieuses." Le réalisateur-scénariste co-signe son scénario avec David Lambert lui-même réalisateur avec entre autre "Hors les Murs" (2012) ou "Les Tortues" (2023), puis avec Chloé Léonil co-scénariste du film "Les Intranquilles" (2021) de Joachim Lafosse, puis créateur de la série TV "Ultra Loin" (2022-2023). Au vu du sujet des profs et de l'actualité brûlante inhérente rappelons aussi les films très récents "La Salle des Profs" (2024) de Ilker Catac et "Pas de Vagues" (2024) de Teddy Lussi-Modeste...

Enseignante dans un lycée à Bruxelles, Amal encourage ses élèves à s'exprimer librement et pour cela aborde tous les sujets jusqu'à heurter certains éléments, enfants comme adultes. Peu à peu Amal va se sentir harcelée, puis menacée mais Amal a bien l'intention de lutter pour ses droits dont celui de la liberté d'expression pour elle et ses élèves... Amal est incarnée par Lubna Azabal vue notamment dans "Incendies" (2010) de Denis Villeneuve, "Rock the Casbah" (2013) de Laila Marrakchi, "Le Bleu du Caftan" (2022) de Maryam Touzani ou "L'Air de la Mer rend Libre" (2023) de Nadir Moknèche. Citons ensuite Fabrizio Rongione vu récemment dans "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan mais surtout acteur fétiche des frères Dardennes pour six films de "Rosetta" (1999) à "La Fille Inconnue" (2016) dont aussi "Deux Jours, Une Nuit" (2014) après lequel avec aussi "Ca Rend Heureux" (2007) de Joachim Lafosse et "Ombline" (2012) de Stephane Cazes il retrouve sa partenaire Catherine Salée vue plus récemment dans "Maria Rêve" (2022) de Lauriane Escaffre et Yvo Muller ou "Le Prix du Passage" (2023) de Thierry Binisti, puis Babetida Sadjo qui était également dans "Ombline" (2012), vue entre temps dans "Dalva" (2022) de Emmanuelle Nicot ou "Temps Mort" (2023) de Eve Duchemin retrouvant ainsi sa partenaire Ethelle Gonzales Lartued. Citons encore Kenza Benboutcha aperçue dans la comédie "La Très Très Grande Classe" (2022) de Frédéric Quiring, puis Johan Heldenbergh particulièrement remarqué dans les films de Felix Van Groeningen dont le déchirant "Alabama Monroe" (2012), et vu plus récemment dans "Qu'un San Impur..." (2020) de Abdel Raouf Dafri ou "Couleurs de l'Incendie" (2022) de et avec Clovis Cornillac... Pour ce qui est de l'école, classe, élèves et professeurs le cinéaste  précise qu'il a évité de montrer trop frontalement les filles voilés et les garçons barbus : "J'ai également évité de céder à ce stéréotype en ce qui concerne le professeur de religion. Les individus les plus problématiques sont souvent des convertis qui s'habillent en costume-cravate. C'est de cette manière qu'aux yeux de la direction de l'école, ils donnent l'impression d'être sympathiques et ouverts. Il est important de noter que, en Belgique, les professeurs de religion sont nommés par un organe exécutif, et l'enseignement public n'a aucun pouvoir de contrôle sur le contenu des cours dispensés dans ces classes." Rien que cette explication fait froid dans le dos, et il faut insister sur le fait qu'en France ce n'est finalement pas beaucoup mieux, on se souvient alors forcément de Samuel Paty... Ce qui frappe dès le départ est la composition de la classe, une moitié de musulmans dont pas un de ces élèves ne semblent modérés dans sa foi et/ou opinions, qui semblent tous intolérants et racistes, leurs camarades noirs en prenant aussi pour leur grade. On constate aussi que le voile est une question primordiale mais le retirer dans l'école n'est pas un soucis.

Et enfin, le plus gênant, c'est ce professeur de religion en costard-cravate (impressionnant Fabrizio Rongione !) dont on perçoit tout le poison insidieux qu'il représente et dont l'extrême contrôle de soi, le calme et la sérénité sont à un point qui renvoie aux hommes violents pervers narcissiques qui font passer leurs victime pour hystériques, d'ailleurs deux scènes vont renvoyer à ce constat, l'une où la carapace de ce prof de religion va se fissurer, l'autre où c'est Amal qui craque devant sa directrice qi use d'une même position "moralisatrice" que le prof de religion. Le film est naturaliste, authentique et sincère, rien dans le film ne semble surréaliste ou inventé, bien au contraire on est dans le vif du sujet aujourd'hui chez nous. C'est effrayant et terrifiant, et même pessimiste malgré un sursaut de quelques élèves. Vis à vis des deux films "La Salle des Profs" (2024) de Ilker Catac et "Pas de Vagues" (2024), bien que sur des sujets légèrement différents, Amal est une prof vivante, battante, courageuse et loin d'être naïve ce qui donne du poids et plus de valeur à son combat car elle est un symbole plus palpable et universel. D'ailleurs son interprète, l'excellente et investie Lubna Azabal précise : "Malgré un sujet tabou et susceptible d'être mal interprété, il nous concerne tous, musulmans ou pas. La liberté d'expression est primordiale. Pouvoir développer un esprit critique et débattre sur une large variété de sujets restent essentiels à mes yeux. Sans cela, le vivre ensemble ne peut exister." Un film qui confirme que les islamistes restent une nébuleuse organisée et mortifère, sans doute le plus grand poison de notre civilisation occidentale - Nous conseillons pour en savoir plus les interviews du réalisateur ICI ou LA - Le réalisateur Jawad Rhalib signe un film pertinent, essentiel et courageux à voir et à conseiller jusque dans les écoles.

 

Note :                 

16/20
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