Trois Kilomètres jusqu'à la Fin du Monde (2024) de Emanuel Parvu

par Selenie  -  30 Octobre 2024, 14:31  -  #Critiques de films

Après ses premiers films "Meda or the Not so BrightSide of Things" (2017) et "Marocco" (2021), tout en faisant l'acteur notamment dans "Baccalaureat" (2016) de Cristian Mungiu ou "Dédales" (2021) de Bogdan George Apetri, le réalisateur roumain Emanuel Parvu revient avec le sujet encore très tabou en Roumanie de l'homosexualité. Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec Miruna Berescu avec qui il collabore donc pour la troisième fois. Le film a été présenté au dernier Festival de Cannes 2024 où il a obtenu la Queer Palm... Adi, 17 ans, passe l'été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé par un rumeur persistante. Ses parents ne le regardent plus comme avant tandis que la quiétude du village n'est plus si évidente...

Adi est interprété par Ciprian Chiujdea pour son premier rôle au cinéma, tandis que ses parents sont joués par Laura Vasiliu remarquée dans la Palme d'Or "4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours" (2007) de Cristian Mungiu puis vue dans "Il Resto Della Notte" (2007) de Francesco Munzi ou "Fiore" (2017) de Claudio Giovannesi, puis Bogdan Dumitrache vu dans "La Mort de Dante Lazarescu" (2005) de Cristi Puiu ou "Spiral" (2020) de Cecilia Felmeri et retrouve après "Mère et Fils" (2013) de Calin Peter Netzer son partenaire Adrian Titieni vu dans "Puzzle" (2013) de Paul Haggis, l'excellent "Illégitime" (2016) de Adrian Sitaru et retrouve après "Baccalaureat" (2016) son réalisateur Emanuel Parvu à l'instar de Valeriu Andriuta mais après "Dédales" (2021), puis vu aussi dans "Une Femme Douce" (2017) de Sergei Loztnitsa ou "Tatami" (2024) de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv et retrouve après "Au-Delà des Collines" (2012) de Cristian Mungiu ses partenaires Dionisie Vitcu et Alina Madalina Brezunteanu qui retrouve Bogdan Dumitrache après "La Mort de Dante Lazarescu" (2005) et "Alice T." (2019) de Radu Muntean. Citons encore Richard Bovnoczki vu auparavant dans "Le Cardinal" (2023) de Nicolae Margineanu, Vlad Brumaru apparu dans la série TV "Hackerville" (2018), Vlad Ionut Popescu aperçu dans  "Voyagers" (2021) de Neil Burger, et enfin Crina Semciuc vu dans "La Tête à l'Envers" (2018) de Josef Hader, "L'Histoire d'un Faineant" (2022) de Paul Negoescu et "Mikado" (2022) de Emanuel Parvu... Ex-pays de l'union soviétique dont les stigmates restent malgré tout encore vivace, l'histoire se déroule dans un des pays pauvres de l'Europe, et de surcroît dans une région quasi insulaire. Ainsi, l'enfant prodigue qui fait des études revient voir ses parents pour l'été, pour des vacances qui vont changer à jamais les choses. La mise en scène est académique mais met en valeur le contexte social et environnemental avec une certaine élégance. 

Lorsque le drame au centre du récit arrive on est partagé par deux choses, la première on est évidemment outré par l'agression qu'on sait d'emblée homophobe et donc gratuite et lâche, mais on est aussi perplexe quand on a l'impression qu'il s'agit d'une grande affaire criminelle sur le fond comme la forme... ATTENTION SPOILERS !... ok il s'est fait passer à tabac mais ça reste objectivement un petit fait divers sans grande conséquence physique, pas de séquelles, pas de cicatrices défigurantes, bref ça reste léger bien que scandaleux, mais c'est aussi peut-être ça la différence : la justice roumaine aurait des leçons à donner à la justice française sur la sévérité des peines, moins en ce qui concerne la corruption !..FIN SPOILERS !... Mais nous sommes dans une petite communauté, où tout le monde se connaît, où tout se sait, et où la religion a encore un poids non négligeable. Bref, on est dans un microcosme réac et conservateur, voir juste archaïque pour une société occidentale du 21ème siècle ; la même histoire en France aurait plus sa place dans les décennies précédentes. Ce qui est intéressant c'est aussi et surtout que même les parents semblent comprendre les agresseurs finalement, souffrir parce que leur fils souffrent, mais tout en se disant que cela a permis peut-être de prendre conscience qu'il fallait l'aider à guérir, de ses blessures physiques mais aussi et surtout de ses blessures morales. Le rythme est un peu trop lancinant, le manque de passion dans les émotions paraît parfois trop "contrôlé". Mais certains passages restent une force de réflexion pleine d'acuité (une scène forte et choquante, puis un twist bien venu), les acteurs sont bons, justes et crédibles pour un film solide et intéressant. A conseiller.

 

Note :                 

14/20
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