La Source (2025) de Meryam Joobeur
Premier long métrage canado-tunisienne Meryam Joobeur après plusieurs courts métrages dont surtout "Brotherhood" (2018) qui fut multiprimé à travers le monde. Ce court métrage lui a été inspiré par un voyage en Tunisie où elle rencontra deux frères bergers roux qu'elle a convaincu de tourner dans son court, inspiré alors par les jeunes hommes de la région qui étaient partis en Syrie pour combattre Daesh. Ainsi, pour son long métrage la réalisatrice-scénariste reprend comme base son court métrage, retrouve aussi ses acteurs dont ses deux jeunes turcs roux. Si elle aborde logiquement les mêmes thématiques cette fois la cinéaste met davantage l'accent sur la maternité et les violences faîtes aux femmes (ou victimisation ?!). Notons que le titre ne V.O. est "Mé el Aïn" qui signifie "Là d'où l'on vient"...
Dans un village reculé de Tunisie, Aicha et Brahim sont dévastés par le départ inexpliqué de leurs fils, partis pour une guerre indicible. Quand l'un d'eux revient avec une mystérieuse fiancée voilée et muette, les parents décident de taire ce retour. mais Bilal, un policier et ami de longue date, enquête sur des événements inquiétants. Ses suspicions ne tardent pas à le mettre sur la piste de la famille... La famille est donc incarnée par les mêmes acteurs que dans le court "Brotherhood" (20188), avec les parents joués par Salha Nasroui vue entre autre dans "Junun" (2005) de Fadhel Jaibi ou "Patience Amère" (2012) de Nasreddine Shili, Mohamed Grayaâ vu entre autre dans "Le Fil" (2009) de Mehdi Ben Atti, "Hors-la-Loi" (2010) de Rachid Bouchareb ou "Ashkal" (2022) de Youssef Chebbi, tandis que les enfants sont repris par les frères Malek et Rayene Mechergui. Citons ensuite Adam Bessa franco-tunisien vu récemment dans "Le Prix du Passage" (2023) de Thierry Binisti et "Les Fantômes" (2024) de Jonathan Millet, Dea Liane remarquée dans "L'Homme qui a vendu sa Peau" (2022) de Kaouther Ben Ania, Hélène Catzaras vue auparavant dans "Soleil des Hyènes" (1977) de Ridha Béhi, "Halfaouine, l'Enfant des Terrasses" (1990) de Férid Boughedir ou "Lilia, une Fille Tunisienne" (2016) de Mohamed Zran... Pour accentuer la dimension réaliste et actuelle de son histoire la réalisatrice a tourné dans un petit village (Louka) et a demandé aux habitants eux-mêmes d'apparaître dans le film. Le sujet des volontaires au Jihad est évidemment brûlant, et le retour de ces terroristes chez eux restent un sujet très peu abordé. Au départ, le film se situe dans entre drame social et thriller psychologique mais très vite le scénario s'avère brouillon et la réalisation se perd en parti pris peu convaincant pour un tel récit. En fait, la réalisatrice assure et assume une construction qu'elle voulait comme un conte : "Le langage des rêves et la communication avec le subconscient sont devenus le point central du voyage d'Aicha. Avec mon chef opérateur, nous avons trouvé notre propre façon de traduire cela à l'écran. Nous voulions évoquer quelque chose de sensoriel et d’émotionnel, pénétrer dans le cœur et l'esprit des personnages. Je reconnais que le mélange n'est pas commun, mais c'était une façon de souligner les aspects métaphoriques de l’histoire."
On comprend son choix ainsi expliquer mais ça ne fonctionne pas, le résultat reste un exercice de style qui omet l'ancrage dans notre actualité et surtout bloque toute empathie ou émotion. D'abord on n'a pas le temps de comprendre ou de s'attacher aux enfants jihadistes, puis ensuite les choix de mise en scène prennent de plus en plus de place. Ainsi les gros plans se font plus présents avec un arrière-plan flouté, le montage suggère des visions et/ou rêves qui virent le film vers un récit fantastique plus ou moins mystique. On ne comprend finalement pas grand chose à ce qui se passe avant un éclaircissement final qui ne convainc pas franchement tant l'onirisme ou le côté psycho-mystique prend une place qu'on n'attendait pas. Ces choix narratifs et visuels nous empêchent de placer l'histoire dans l'actualité et donc dans une triste réalité. Sur les même thématiques (terrorisme, victimisation, causes et conséquences du Jihad...) plusieurs films ont fait bien mieux ces derniers mois. De surcroît les acteurs n'offrent pas de performances qui pourraient compenser ; le père est trop monolithique et à l'écart entre autre, la belle aux yeux bleues ne prend sa place que dans le dernier acte, les fils restent trop en retrait et surtout la mère est parfois trop en état second et/ou en réaction trop détachée comme la découverte du mouton tué ou quand elle semble recevoir les confidences. En conclusion, le choix du conte ne convient clairement pas, ou du moins dans cet esthétisme flou et fouilli. Dommage...
Note :