En Cas de Malheur (1958) de Claude Autant-Lara

par Selenie  -  14 Avril 2025, 08:30  -  #Critiques de films

Un des grands réalisateurs de son époque, Claude Autant-Lara adapte avec ce film le roman éponyme (1956) de Georges Simenon, lui-même grand auteur maintes et maintes fois porté sur petit comme grand écran. Pour ce projet le réalisateur collabore à nouveau avec ses fidèles scénaristes Pierre Bost et Jean Aurenche, un des plus fameux duos de scénaristes de son temps dont plus d'une quinzaine de filsm avec Autant-Lara de "Douce" (1943) à "Le Franciscain de Bourges" (1968) en passant par les classiques comme "L'Auberge Rouge" (1951) ou "La Traversée de Paris" (1956). Notons que le roman aura une nouvelle adaptation avec "En Plein Coeur" (1998) de Pierre Jolivet... À Paris, la jolie Yvette Maudet, 22 ans, se prostitue occasionnellement et vole régulièrement. Mais quand un de ses vols se déroule mal elle est arrêtée. Elle engage alors Me André Gobillot, avocat quinquagénaire accepte de la défendre. Il obtient son acquittement mais séduit par la demoiselle il en tombe amoureux au grand dam de son épouse qui ferme les yeux. Il entame une liaison et l'entretient mais bientôt il va devoir faire avec un jeune étudiant que Yvette aime en secret tandis que l'avocat est bientôt soupçonné d'avoir usé d'un faux témoignage pour innocenter Yvette...

Yvette est interprétée par Brigitte Bardot qui, après quelques apparitions comme dans "Le Trou Normand" (1952) de Jean Boyer ou "Les Grandes Manoeuvres" (1955) de René Clair vient de devenir une star mondiale grâce au désormais culte "Et dieu créa la femme" (1956) de Roger Vadim. L'avocat est incarné par Jean Gabin qui retrouve son réalisateur de "La Traversée de Paris" (1956) et vu la même année dans plusieurs autres femmes dont "Les Misérables" (1958) de Jean-Paul Le Chanois ou "Les Grandes Familles" (1958) de Denys de La Patellière, l'acteur retrouve au casting un grand nombre des seconds rôles qui vont ou ont croisé sa route. Son épouse est jouée par la star Edwige Feuillère vue dans "Lucrèce Borgia" (1935) de Abel Gance, "L'Aigle à Deux Têtes" (1947) de Jean Cocteau ou "Adorables Créatures" (1952) de Christian-Jaque. Citons ensuite Franco Interlenghi aperçu dans "Les Vitteloni" (1953) de Federico Fellini ou "La Comtesse aux Pieds Nus" (1954) de Joseph L. Mankiewicz, Nicole Berger qui retrouve son réalisateur de "Le Blé en Herbe" (1954) et surtout remarquée ensuite dans "Les Dragueurs" (1959) de Jean-Pierre Mocky ou "Tirez sur le Pianiste" (1960) de François Truffaut, Madeleine Barbulée qui tourna surtout plusieurs films pour André Hunebelle entre "Métier de Fous" (1948) et "Les Mystères de Paris" (1962), Annick Allières qui retrouvera Autant-Lara dans "Journal d'une Femme en Blanc" (1965) et "Le Franciscain de Bourges" (1968), Jacques Clancy qui retrouve le même réalisateur après "Le Rouge et le Noir" (1954) et "Marguerite de la Nuit" (1955), Gabrielle Fontan qui retrouve aussi Autant-Lara après "Le Diable au Corps" (1946) et retrouve après "Trapèze" (1956) de Carol Reed son partenaire Hubert de Lapparent qui retrouve plusieurs camarades après "La Traversée de Paris" (1956), Julien Bertheau vu dans cinq films de Luis Bunuel de "Cela s'appelle l'Aurore" (1956) et "Cet Obscur Objet du Désir" (1977), Albert Michel fidèle de Autant-Lara sur 7 films entre "Sylvie et le Fantôme" (1946) et "Nouveau Journal d'une Femme en Blanc" (1966), Albert Rémy qui retrouve également dans "Le Diable au Corps" (1946) et "Le plus Vieux Métier du Monde" (1967) de Autant-Lara, puis Jacques Marin qui était également dans "La Traversée de Paris" (1956) et retrouvera son réalisateur dans les films à sketchs "Humour Noir" (1965) et "Le plus Vieux Métier du Monde" (1966)... Dès les premières minutes on est à la fois séduit, interloqué et amusé de cette jolie jeune femme qui s'avère aussi délurée que naïve mais sans nul doute aussi ambitieuse qu'inconséquente. Brigitte Bardot confirme d'emblée le magnétisme qui avait explosé aux yeux du monde dans le film "Et dieu créa la femme" (1956). L'histoire se déroule dans le centre de Paris, le tournage ayant eu lieu essentiellement sur les îles de la Cité et l'île Saint-Louis. 

On rencontre ensuite l'avocat, incarné avec un Gabin toujours aussi solide et charismatique, amoureux de son épouse alias Edwige Feuillère magnifique de dignité mais dont on perçoit pourtant un couple en crise. Puis arrive la scène culte, mythique où la jeune Yvette est prête à tout pour que l'avocat accepte de la défendre. Un plan où on aperçoit les fesses de Yvette/Bardot ne passe pas la censure, est coupé au montage mais cela n'empêche pas une interdiction du film au moins de 16 ans ! La séquence ne sera plus censurée qu'à partir de 1998. Malgré tout le film a un défaut, et une fois n'est pas coutume, cela est dû à un Jean Gabin trop timoré, voir mal à l'aise dans ce rôle de vieux bourgeois qui craque sur une jeune délinquante qui a l'âge d'être sa fille. Les scènes intimes entre eux restent alors les moins convaincantes du film. Mais le drame qui se dessine, la lucidité de l'épouse, la jalousie des deux hommes finalement tous deux manipulés par une jeune femme peut-être pas si ingénue, et cette procédure autour d'un faux témoins forment un récit efficace et vénéneux où personne en sort indemne. Un grand film qui ne pêche que par un monstre sacré déstabilisé sans doute pour la première fois de sa carrière. A voir.

 

Note :                 

17/20
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