Free Fire (2017) de Ben Wheatley
Certainement un des meilleurs cinéaste et auteur du cinéma britannique depuis une dizaine d'année avec "Down Terrace" (2009), son chef d'oeuvre "Kill List" (2011), l'excellent "Touristes" (2012), le film historique expérimental "English Revolution" (2013) et le film d'anticipation dystopique "High Rise" (2015)... Des films à forte personnalité qui couvre à chaque fois un genre différent, tous co-écrit avec sa compagne Amy Jump (à l'exception du premier), son film le plus décevant reste "High Rise" qui est aussi sa première incursion dans une production plus "hollywoodienne" avec la star Tom Hiddelston en tête d'affiche. Mais il semble que ce film ait ouvert l'appétit au réalisateur puisque cette fois il s'offre un casting prestigieux et particulièrement savoureux pour explorer un autre genre, le pur film d'action sur lequel Wheatley avoue ses références, à savoir Quentin Tarantino et Sam Peckinpah. Il semble qu'une rencontre particulière est aussi poussé le réalisateur à se lancer : "C'est tout bonnement extraordinaire. Quand Martin Scorcese tournait "Hugo Cabret", il s'est intéressé à plusieurs films britanniques, dont "Kill List". Nos agents respectifs sont entrés en contact et j'ai pu aller le voir à New-York..."
Scorcese dont a apprécié le scénario et a décidé d'entrer dans la production du film. Sans doute pas mal pour un appel d'air, et en prime un casting à faire saliver n'importe qui avec Cillian Murphy (en ce moment à l'affiche dans "Dunkerque" de Christopher Nolan), Brie Larson (explose dans "Room" en 2016 de Lenny Abrahamson et future "Captain Marvel" en 2019 de Anna Boden et Ryan Fleck), Armie Hammer (vu dans "Agents très Spéciaux" en 2015 de Guy Ritchie), Sharlto Copley (révélé par "Elysium" en 2013 de Neill Blomkamp), Sam Riley (sa meilleure performance dans "Control" en 2007 de Anton Corbijn), Jack Reynor (remarqué dans "Sing Street" en 2016 de John Carney), Michael Smiley (4ème film avec Wheatley dont "Kill List" en 2012) mais aussi les plus expérimentés comme Noah Taylor (meilleure performance dans "Max" en 2002 de Menno Meyres et dernièrement vu dans "Edge of Tomorrow" en 2014 de Doug Liman) et enfin le vétéran Patrick Bergin (has been depuis longtemps malgré un début de carrière solide avec le chef d'oeuvre "Aux Sources du Nil" en 1990 de Bob Rafelson et "Robin des Bois" en 1991 de John Irvin)... L'idée du film est venu au cinéaste après avoir lu des récits de fusillades dans les annales du FBI et notamment celle impliquant des braqueurs et des agents fédéraux à Miami en 1986 : "Ce qui ressortait, c'était l'impression de chaos et d'horreur. Ces types étaient surentrainés et il semblait que personne n'était arrivé à tirer droit... C'est complètement fou de lire ça et ce témoignage m'a hanté pendant longtemps, au point que j'ai eu envie d'en faire un film. Quand vous étudiez les transcriptions des témoignages et les rapports balistiques, vous comprenez qu'on ne meurt pas forcément tout de suite quand on a été touché ailleurs que dans des organes vitaux. Un autre point important, c'est que dans le cadre d'échanges de coups de feu, la plupart des tireurs ne sont pas très bien entrainés. Je me suis intéressé à ce que cela donne dans la réalité - tout en restant bien sûr dans le cadre divertissant."... Ben Wheatley a pratiquement tout dit.
En effet, au cinéma on montre trop souvent des protagonistes qui semblent tous des tireurs d'élite alors qu'en vérité rares sont les hommes maitres en la matière. Outre les points soulevés par Wheatley on peut ajouter un facteur déterminant : le stress ! En de pareil circonstance même un bon tireur peut et va être beaucoup moins précis, c'est autre chose de tirer au stand de tir que sur des gens en pleine panique. Le scénario de Wheatley-Jump repose donc quasiment entièrement sur cet aspect, et pour les y aider il se sont également inspiré du jeu vidéo "Counter-Strike" (jeu de tir multijoueur). Pour accentuer la pression dans ce huis-clos macabre le réalisateur a décidé de situer l'histoire dans les années 70 (époque déjà idéale pour les marchands d'armes avec justement l'IRA, absence de téléphone portable et d'une technologie encore limitée accentuant l'isolement...) et surtout, le film a été tourné à 99% sans effets numériques en favorisant les effets mécaniques "à l'ancienne" ce qui a obligé à un travail en amont particulièrement précis pour la sécurité des acteurs (500 explosions et plus de 6000 tirs de munition !). Le soucis c'est que Wheatley part sur une inspiration à base de faits réels mais décide ensuite d'en faire une sorte de comédie macabre teintée d'absurde, résultat on peine à y croire car ces personnages font beaucoup trop pieds nickelés. Sans compter la fusillade, dès le marchandage (il s'agit de trafic d'armes) on a l'impression d'être avec des amateurs (autant d'un côté que de l'autre). Des dialogues pour l'humour qui ne fonctionnent malheureusement pas toujours. Il manque le côté Wheatley de l'époque bénie des "Kill List" et "Touristes", il manque ce côté humour noir. Malgré tout il y a bien un vrai délire pyrotechnique, parfois jouissif parfois agaçant, un film d'action expérimental qui ne manque pas de sel, souvent efficace et complètement décomplexé. Très bon point pour les acteurs qui semblent en tous cas prendre plaisir à ce jeu, des personnages plutôt bien croqués avec une mention spéciale à Brie Larson. Wheatley fait un pas de plus vers Hollywood et ça ne parait pas spécialement une bonne chose. Attention au prochain film...
Note :