Le Redoutable (2017) de Michel Hazanavicius

par Selenie  -  13 Septembre 2017, 17:24  -  #Critiques de films

Retour de Michel Hazanavicius dans la légèreté après son intermède dramatique avec "The Search" (2014) qui n'avait pas rencontré le succès escompté malgré ses qualités. Le réalisateur du diptyque des "OSS..." (2006-2008) et de "The Artist" (2011) revient donc vers un genre qui lui réussit depuis ses débuts en s'attaquant par la même à une icône du 7ème Art, Jean-Luc Godard. C'est en lisant le livre "Un an après" (2015) de Anne Wiazemsky que le cinéaste a eu l'idée d'en faire un film sur un ton décalé et léger. Il ne s'agit non pas de faire un biopic sur l'un des fondateurs de la Nouvelle Vague mais de raconter une histoire d'amour qui s'est déroulée entre Godard et sa muse de l'époque, (justement) Anne Wiazemsky, à une période charnière de la carrière du réalisateur de "A Bout de Souffle" (1959) et de "Le Mépris" (1964)... Outre les guest-stars (on vous laisse les reconnaître) et les nombreux figurants, le casting est assez restreint. Godard lui-même est incarné par l'excellent Louis Garrel, son égérie Anne est incarnée par Stacy Martin (révélation de "Nymphomaniac" en 2014 de Lars Von Trier) tandis que Bérénice Béjo joue une amie, Bérénice Béjo qui joua avec Stacy Martin dans "L'Enfance d'un Chef" (2015) de Brady Corbet et qui conseilla à son époux Michel Hazanavicius de prendre cette jeune actrice pour le rôle de Anne Wiazemsky.

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En fait le film se focalise sur la période 1967-1968 :  Godard connait son premier gros échec avec le film "La Chinoise" fin 1967. Il épouse son actrice Anne Waziemsky et peu de temps après, se remettant en question suite à son échec, arrive Mai 1968 qui scellera définitivement le nouveau Jean-Luc Godard, ce qui scellera tout aussi définitivement la fin de leur amour... Cette courte mais essentielle période est donc racontée par Hazanavicius via le livre de l'actrice, dans un style qui n'appartient qu'au cinéaste, à la fois drôle et caustique, irrévérencieux et léger. Le titre déjà nous ouvre l'appétit, faisant écho à plusieurs films de Bébel (comme "Le Marginal" ou "Le Magnifique", donc hors Nouvelle Vague justement et donc hors "A Bout de Souffle") et surtout ce mot "peut être aussi bien un compliment qu'on reproche." (dixit Hazanavicius). Le réalisateur-scénariste précise : "... ce n'est pas un film "sur Godard", c'est une histoire d'amour. Il ne s'agissait pas de faire une thèse sur Godard, ni même un biopic."... Néanmoins si on comprend pourquoi on ne voit pas vraiment Godard au travail sur un plateau de tournage, ce film reste bel et bien un film "sur Godard" mais aussi sur une histoire d'amour qui a eu sans doute le malheur d'être vécue sur l'échec de "La Chinoise" suivi de Mai 1968 qui a chamboulé le maître de la Nouvelle Vague au point de changer en tant qu'homme et en tant que cinéaste.

Si le film est adapté du livre de Anne Wiazemsky, il n'en demeure pas moins que Hazanavicius (qui admire le cinéaste Godard sans être adorateur de l'individu) s'approprie le livre et crée un univers à son image et en profite pour mettre en scène de façon originale en désacralisant celui que beaucoup encore considèrent comme un des plus grands réalisateurs du cinéma. Entre quelques interludes où les personnages interpellent le spectateur, aux sous-titres lors d'un dialogues de sourd en passant par les propos plus ou moins philosophiques, Hazanavicius signe un film pétillant, vivant et diablement intelligent dans lequel, mine de rien, on apprend beaucoup de choses sur Godard, l'homme et sa pensée. Finalement, on est dans une thèse (n'en déplaise à son auteur) fascinante et intéressante, bien que le fil conducteur reste une histoire d'amour éteinte en plein vol. On salue les performances des deux acteurs principaux. Louis Garrel est bluffant en Godard jaloux et obnubilé par le fait qu'il n'est peut être pas l'homme qu'il aimerait être. Stacy Martin, jolie comme un cœur, incarne idéalement l'égérie chamboulée par la métamorphose spirituelle et politique de l'homme dont elle est tombée amoureuse. On est plus déçu par le manque de charisme de l'acteur Micha Lescot, complètement effacé face aux autres acteurs. Précisons que Les Cahiers du Cinéma n'ont pas aimé le film, étonnant et finalement c'est une bonne chose à savoir car rappelons qu'un film d'auteur peut aussi être un bon divertissement. Laissons le mot de la fin à Hazanavicius : "Au final, le personnage est un croisement entre le vrai Godard, la vision qu'en a eue Anne Wiazemsky, la mienne, et l'incarnation de Louis."

 

Note :           

15/20

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