Marie Madeleine (2018) de Garth Davis.
Nouveau film sur le thème inépuisable de Jésus, presque un sous-genre en soi tant ce personnage a inspiré le Septième Art ; citons entre autres "Golgotha" (1935) de Julien Duvivier, "Le Roi des Rois" (1961) de Nicholas Ray, "L'Evangile selon Saint-Mathieu" (1964) de Pier Paolo Pasolini, "La Plus Grande Histoire jamais contée" (1965) de George Stevens, "Jésus de Nazareth" (1977) de Franco Zeffirelli, "La Dernière Tentation du Christ" (1988) de Martin Scorcese, "La Passion du Christ" (2004) de Mel Gibson sans oublier les nombreux Peplums y faisant référence... Voici donc un nouveau film avec une autre version qui se veut plus féministe en replaçant Marie Madeleine à la place qu'elle mérite. En effet, Marie Madeleine n'a jamais été une prostituée, affirmation répandue depuis que le pape Grégoire en 591 l'a déclarée comme telle. Non Marie Madeleine est l'apôtre des apôtres et a toute sa place à priori auprès de Jésus puisque, de surcroît, le Vatican l'a officiellement reconnue en 2016...
En cette période de féminisme acharné, cette histoire de Jésus par le prisme d'une femme a donc tout pour surprendre certains et intéresser un temps soit peu le public. Le projet est signé de deux femmes scénaristes issues du théâtre : Helen Edmundson et Philippa Goslet tandis que le film est réalisé par Garth Davis qui a connu un premier succès avec "Lion" (2017) avec Rooney Mara qu'il retrouve pour l'occasion ici dans le rôle titre. Cette dernière a pour partenaire Joaquin Phoenix (Jésus) son compagnon à la ville depuis 2017, mais ils avaient déjà tourné ensemble pour le film "Her" (2013) de Spike Jonze et se retrouveront bientôt pour "Don't Worry, He Won't Get Far on Foot" (2018) de Gus Van Sant... Si c'est une production britannique, on a la bonne surprise d'avoir une belle brochette d'acteurs francophones au casting, car outre les deux américains dans les rôles principaux, le britannique Chiwetel Ejiofor (apôtre Pierre) qui délaisse les super-héros de "Doctor Strange" (2016) de Scott Derrickson, la plupart des autres personnages sont incarnés par des français. Citons Tahar Rahim (Judas), Ariane Labed (Rachel) et Denis Ménochet (Daniel) qui se retrouve après "Assassin's Creed" (2016) de Justin Kurzel, Tchéky Karyo (Elisha père de Marie Madeleine) et la belge Lubna Azabal (Suzanne). On suit donc Marie Madeleine, une jeune femme en proie aux mœurs et convenances de son époque, qui se cherche encore et qui pense trouver sa voie en suivant un homme nommé Jésus de Nazareth.
L'équipe s'est beaucoup documentée : outre les lectures des évangiles, ce sont les découvertes archéologiques récentes et la déclaration du Vatican en 2016 qui ont décidé les producteurs à se lancer dans un nouveau film sur ce sujet au combien délicat. Les derniers films (Scorcese et Gibson) ont prouvé que les tensions sont toujours bien palpables lorsqu'il s'agit de réécrire les évangiles. On suit donc Jésus dans son périple qui va le mener à Jérusalem et, surtout, à la crucifixion puis à sa réincarnation mais le tout du point de vue d'une femme, Marie Madeleine, qui retrouve ainsi toute sa place. Outre la place de la femme et du destin archi connu de Jésus, c'est aussi une grande réflexion sur la foi et non pas la religion. L'intelligence du film est de ne justement jamais marteler des idées trop religieuses, le film reste assez neutre et bienveillant sur ce point, insistant plus sur la foi avec d'ailleurs une conclusion que Marie Madeleine s'approprie de sublime manière. Certe le film est plutôt austère, très naturaliste voire pesant par moment mais on y est et on y croit avec une réalisation moins démonstrative que "la Passion du Christ" par exemple dont il pourrait être l'anti-thèse. En prime des acteurs impeccables dont le couple Rooney Mara - Joaquin Phoenix à la performance et au magnétisme inouï. Si le sujet et le style peuvent en rebuter plus d'un, il n'en demeure pas moins que ce film a une portée ludique non négligeable et qu'il pose sans doute les bonnes questions. A voir et à conseiller.
Note :