L'Echange des Princesses (2018) de Marc Dugain
On doit cette histoire à Chantal Thomas (non non pas la présentatrice TV), spécialiste du 18ème siècle et directrice de recherche au CNRS à qui on doit le roman adapté merveilleusement au cinéma avec "Les Adieux à la Reine" (2012) de Benoit Jacquot. Cette fois, ce film-ci est adapté de son livre éponyme (2013) qui retrace la période 1721-1725 où les monarchies d'Espagne et de France organise le mariage avancé de (très) jeunes princes et princesses afin de conclure une alliance comme l'Histoire en a connu tant. Le réalisateur qui dirige cette adaptation est Marc Dugain, lui-même romancier déjà adapté au cinéma aussi avec "La Chambre des Officiers" (1999) adapté en 2001 de François Dupeyron. Un réalisateur-auteur qui s'intéresse à l'Histoire comme il l'a prouvé avec son précédent et premier long métrage "Une Exécution Ordinaire" (2010)...
Le cinéaste a fait appel à des acteurs expérimentés avec Lambert Wilson, Olivier Gourmet, Maya Sansa, Catherine Mouchet et Andréa Ferréol. Les princes et princesses à marier sont incarnés par Kacey Mottet-Klein en ce moment en salle dans "Comme des Rois" (2018) de Xabi Molia, la jolie Anamaria Vartolomei révélation de "My Little Princess" (2011) de Eva Ionesco, puis les deux plus jeunes Igor Van Dessel et Juliane Lepoureau qui se retrouvent tous les deux après "Le voyage de Fanny" (2016) de Lola Doillon, la demoiselle ayant été vue il y a peu dans "La Ch'tite Famille" (2018) de Dany Boon... Le récit se focalise sur les princesses mais aussi sur leur prince respectif. Où comment le jeune Louis XV 11 ans et Louise-Elizabeth d'Orléans 12 ans fille du Régent de France se voient forcer de se marier respectivement avec Marie-Anne Victoire 3 ans (!) et Don Luis 14 ans tous deux enfants du roi d'Espagne. Rien que ces précisions nous indique que le film s'intéresse surtout au fait que les enfants sont les pions géo-politiques au mains des dynasties. On comprend alors que ces enfants, bien qu'aimés, ne sont que les enjeux d'une stratégie globale diplomatique. Une autre époque pourrait-on dire si ce n'est que Chantal Thomas précise : "Aujourd'hui, on dit partout que leur bonheur est une finalité, mais je pense que souvent les enfants continuent à être des enjeux dans une stratégie décidée par les parents, des pions dans la confusion de leurs sentiments. Les choses ne se jouent plus au niveau politique mais familial. Et aussi économique, car ce qui a été découvert dans les dernières décennies, c'est que l'enfant est un marché, une richesse de consommation à exploiter. Et si on étend le débat au-delà de notre culture, l'actualité brûlante de cette histoire est le mariage forcé, admis sur des continents entiers. On s'indigne de ces horreurs pratiquées au XVIIIème siècle mais que dire de ce qui se passe aujourd'hui en Afrique, en Inde ou en Afghanistan pour des millions de femmes ?"... Le prologue manque sans doute un peu de mise en place, on entre trop vite dans le mariage sans que le contexte politico-historique soit compris. Pas de soucis pour les historiens en herbe (comme votre serviteur) mais les néophytes peuvent prendre un certain temps avant de comprendre les tenants et aboutissants d'un tel compromis diplomatique.
Néanmoins on s'immerge sans soucis grâce à une reconstitution historique soignée bien que peu étoffé. Il semble que Dugain ait voulu insisté sur les prémices d'une décadence de la monarchie, omettant complètement la grandeur de deux monarchies majeures. D'ailleurs, outre le propos sur le mariage forcé de ces princesses, la réussite de ce scénario est aussi sa réflexion sous-jacente sur le rapport à la mort en cette époque particulièrement croyante. Il y a surtout deux bémols. Une photographie un peu trop sombre, signée du directeur photo Gilles Porte (également co-réalisateur-scénariste du film "Quand la Mer Monte" en 2004 avec Yolande Moreau) il semble pourtant que ce soit un choix voulu pour accentué la dramaturgie. Enfin et surtout, il manque un peu des coulisses et des tractations qui ont mené à ces mariages (choix des princes et princesses, problématique de l'âge/puberté). Tous les acteurs jouent magnifiquement bien, impressionné par les jeunes princesses notamment, à l'exception notable de Thomas Mustin (Duc de Condé) qui cabotine et surjoue beaucoup trop. On notera quelques libertés prises sans utilité la plupart du temps (par exemple, justement, le Duc de Condé qui était laid et borgne). Marc Dugain signe un film historique assez fascinant, bien construit auquel il manque un peu de souffle et de précisions factuelles. A voir et à conseiller.
Note :