Mort de Stanley Donen

par Selenie  -  24 Février 2019, 02:44  -  #Décès de star - Bio

Quel timing, entre les Césars et les Oscars on apprend que le réalisateur et chorégraphe Stanley Donen est mort ce 23 février à l'âge de 94 ans.

Né en 1924 en Caroline du sud d'un père gérant magasin de robes. Le futur cinéaste décrit son enfance comme malheureuse notamment à cause de l'antisémitisme vécu à l'école. Il passe beaucoup de temps au cinéma, et si il apprécie surtout les westerns, les comédies et les thrillers il est surtout marqué par une comédie musicale, "Flying Down to Rio" (1933) de Thornton Freeland avec Fred Astaire et Ginger Rogers qu'il déclare avoir vu près de 40 fois !

 

Le jeune Stanley commence à tourner quelques petits films grâce au lancement de la première caméra 8mm Kodak et, surtout, inspiré par Astaire il s'inscrit à des cours de danse à Columbia, capitale de Caroline du Sud. Il joue aussi de temps en temps au théâtre de la ville. Il profite que sa famille se déplace souvent à New-York pour voir des comédies musicales à Broadway et a la chance d'avoir comme prof de danse un certain Ned Wayburn qui a été le prof de Fred Astaire en 1910. Après un semestre à l'Université de Caroline du Sud pour étudier la psychologie il part finalement à New-York en 1940 pour tenter sa chance dans les spectacles de danse, encouragé par sa mère. Après quelques auditions il est recruté comme danseur pour le spectacle "Pal Joey" mis en scène par George Abbott avec Gene Kelly en tête d'affiche ; le succès de cette comédie musicale fait que Kelly est remarqué par le nabab Darryl F. Zanuck avec la suite que l'on connait...

 

Après plusieurs collaborations dont certaines avec George Abbott et Gene Kelly il collabore en tant qu'assistant chorégraphe sur son premier long métrage "Best Foot Forward" (1943) de Edward Buzzell, mais il n'est pas crédité mais qui lui permet de mettre un pied dans le milieu. Il signe un contrat de un an avec la MGM.

A la MGM il retrouve surtout Gene Kelly qui est alors en train de devenir une star. Ce dernier propose à Stanley Donen (ci-dessus Kelly à gauche et Donen à droite) d'être son assistant chorégraphe sur le film "La Reine de Broadway" (1944) de Charles Vidor avec Gene Kelly et Rita Hayworth. Donen est par ailleurs à l'origine de la célèbre scène où le reflet de Gene Kelly quitte une vitrine pour danser avec lui... Ce film fera de Kelly une star.

 

Ils enchaînent ensuite avec "Escale à Hollywood" (1944) de George Sidney avec également Frank Sinatra ; film dans lequel Donen a géré la séquence culte où Kelly danse avec la souris Jerry (sans Tom). Le duo Kelly-Donen quitte ensuite la MGM pour la Columbia, mais lorsque Kelly retourne vers la MGM Donen ne le suivra pas. A cette époque Gene Kelly effectue son service militaire, tandis que Stanley Donen se fait dispenser sur la base d'une pression sanguine trop forte. Il doit alors travailler sur plusieurs projets sans être crédité, mais cette période lui permet de gagner en expérience et lui permet d'expérimenter.

Stanley Donen sera chorégraphe sur une dizaine de films avant qu'il ne réalise son premier long métrage, qu'il co-signe avec son ami Gene Kelly. Ce sera "Un Jour à New-York" (1949 - ci-dessus). Sur ce film les deux compères purent tourner hors studio, chose inédite à l'époque (d'où une seule semaine autorisée), à New-York où ils ont tourné la séquence d'ouverture sur la chanson "New-York New-York". Ce film et surtout cette scène est en avance sur son temps au niveau technique dont plan panoramique, pas de raccord déplacement, acteurs non pros... etc... Des techniques qui seront notamment repris par la Nouvelle Vague française. Le film est un succès public et critique avec ne prime l'Oscar de la meilleure musique et de la Meilleure comédie musicale.

 

Le succès du film est tel que Donen signe un nouveau contrat de sept ans avec la MGM. Il doit d'abord réaliser "Pagan Love Song" (1950) avec Esther Williams mais un différent avec la star l'oblige à quitter le tournage. Heureusement pour lui, ce renvoi lui donne l'occasion de faire tourner son idole Fred Astaire pour "Royal Wedding" (1951 - ci-dessous)), un film inspiré de la propre vie de Fred Astaire alors qu'il travaillait avec sa soeur avant qu'elle n'épouse un lord anglais. Ce film offre sans doute la scène de danse la plus dantesque de Fred Astaire où il danse sur les  murs et le plafond !

Il signe ensuite "Love is Better than Ever" (1952) qui sera censuré un temps parce que la star Larry Parks a avoué au comité des activités anti-américaines (Maccarthysme) avoir été communiste.

En 1952, Gene Kelly est au sommet de sa gloire et propose à Stanley Donen de co-signer le film "Chantons sous la Pluie" (1952), d'après une histoire écrite par Betty Comden et Adolph Green et produit par Arthur Freed, la même équipe que pour "Un Jour à New-York". Freed voulait créer une satire sur le passage de l'époque du Muet au Parlant et notamment sur les soucis techniques qu'ont pu connaître les comédies musicales vis à vis de la sonorisation. Le film est un énorme succès mais, sortit juste après la rafle aux Oscars du film "Un Américain à Paris" (1951) de Vincente Minnelli avec Gene Kelly également chez MGM, le studio au Lion a préféré ressortir ce film plutôt que de croire à "Chantons sous la Pluie" ce qui l'a sans doute empêché de générer encore plus d'entrées. Néanmoins, au fil du temps, le film va s'imposer comme la plus grande comédie musicale de tous les temps !

Désormais installé et reconnu, le réalisateur-chorégraphe enchaîne ainsi avec la comédie "classique" "L'Intrépide" (1952). Mais sa spécialité reste bel et bien le musical, on peut citer "Les Sept Femmes de Barbe-Rousse" (1954) et "Beau Fixe sur New-York" (1955).

Il termine son contrat avec la MGM en tournant les quatre derniers jours du film "Kismet" (1955) de Vincente Minnelli, ce dernier ayant d'autres engagements. Il part ensuite chez Paramount où on lui propose de tourner "Drôle de Frimousse" (1957 - ci-dessous) avec les stars Audrey Hepburn et Fred Astaire. Sur ce film, ayant besoin d'une musique de Gershwin dont les droits appartenaient à Warner, il accepta en contre partie de réaliser "Jeu de Pyjama" (1957) pour Warner avec Doris Day. Ce dernier film reçut un éloge de Jean-Luc Godard qui écrivit : "Donen est sûrement le maître de la comédie musicale. "Jeu de Pyjama" existe pour le prouver."

Ensuite c'est la star Cary Grant qui le demande pour un projet que l'acteur portait alors qu'il était encore à la MGM. L'histoire n'est pas sans rappeler "Un Jour à New-York" à la différence près que l'histoire de ces trois marins en permission est une comédie plus noire. Stanley Donen accepte de tourner "Embrasse-la pour moi" (1957) à la condition que la Fox rachète son contrat à la MGM. Malgré un accueil mitigé du film, le réalisateur est désormais libre et devient producteur-réalisateur indépendant.

 

Il co-fonde avec Cary Grant la firme de production Grandon Productions avec un contrat de distribution via Warner. Les deux associés inaugurent leur société avec la comédie romantique "Indiscret" (1958) où Grant joue aux côtés de Ingrid Bergman. L'accueil public et critique est important à tel point que certains compare Donen à Ernts Lubitsh et George Cukor. Le film ayant été tourné en Angleterre, Donen en profite et s'installe là-bas où il restera jusqu'au début des années 70.

 

Après la comédie musicale "Cette satanée Lola" (1958) le réalisateur délaisse un peu le genre et explore d'autres genres. Le fait que l'Âge d'Or des comédies musicales soit déjà du passé n'y semble pas pour rien...

Si le musical n'est plus, Donen reste surtout attiré par la comédie avec notamment "Un cadeau pour le Patron" (1960) et "Ailleurs l'Herbe est plus Verte" (1960 - ci-dessus), ce dernier offrant un casting étoilé composé de Cary Grant, Jean Simmons, Robert Mitchum et Deborah Kerr.

 

Il tourne ensuite une comédie policière qui va devenir un de ses films les plus populaires. Pour "Charade" (1963 - ci-dessous) il retrouve Cary Grant et Audrey Hepburn. Donen avoua qu'il "avait toujours voulu faire un film comme l'un de ses favoris, "La Mort aux Trousses" de Alfred Hitchcock". Le succès est énorme, et connaîtra des années plus tard un remake avec "La Vérité sur Charlie" (2002) de Jonathan Demme.

Le succès du précédent pousse Donen à réaliser un autre film inspiré de Hitchcock avec "Arabesque" (1966) avec cette fois le couple Gregory Peck et Sophia Loren. Le film est un nouveau succès quoi un peu moindre que "Charade".

Il signe ensuite une comédie romantique, "Voyage à deux" (1967 - ci-dessous) avec Albert Finney et Audrey Hepburn. Le film est souvent cité pour la réussite de sa narration non linéaire, notamment le film est souvent pris en exemple dans les écoles de cinéma.

Il réalise ensuite la comédie "Fantasmes" (1967), une réécriture du mythe de Faust. Si le film est un succès l'accueil critique est mitigé mais ce film est cité par Donen lui-même comme un de ses favoris.

 

Il signe ensuite la comédie dramatique "L'Escalier" (1969) où Rex Harrison et Richard Burton forment un couple gay vivant un "mauvais mariage". Le film ne rencontre pas le succès mais il semble que depuis un éloge du critique Armond White en 2007 le film est peu à peu réhabilité.

 

Après un divorce et son retour aux Etats-Unis, le producteur Robert Evans lui propose l'adaptation du célèbre livre de St Exupéry "Le Petit Prince" (1974). Il s'agit du premier film musical depuis 1958 et est malheureusement un échec important.

Il réalise ensuite "Les Aventuriers du Lucky Lady" (1975) avec Liza Minnelli et Burt Reynolds, mais c'est un nouvel échec cuisant. Jamais Donen n'aura connu une période aussi désastreuse, ce qui confirme un déclin évident.

 

Le réalisateur ne tournera plus que trois longs métrages. Une comédie musicale avec "Jolie Jolie" (1977), qui est en fait deux moyen métrages assemblés, un hommage à la boxe en Nb suivi d'un hommage aux comédies musicales de Busby Berkely. Le film est un nouvel échec. Enuite, plutôt surprenant, il signe un film de science-fiction, "Saturn 3" (1980 - ci-dessous) avec Kirk Douglas et Farrah Fawcett mais le film est un naufrage critique et public, à tel point que Donen ne voulait pas être crédité. Il réalise ensuite "La Faute à Rio" (1984) qui est le remake de "Un Moment d'Egarement" (1977) de Claude Berri, ce film qui reste le dernier de Stanley Donen est une nouvelle un échec.

Précisons que Donen était pressenti pour réaliser "Dead Zone", adaptation de Stephen king qui sera finalement signé David Cronenberg en 1983. Le scénariste Jeffrey Boam déclarera plus tard que Donen souhaitait "se connecter avec un public jeune et contemporain"... Malheureusement les derniers échecs successifs finissent par pousser Stanley Donen vers la retraite.

 

En 1986, lors de la 58ème cérémonie des Oscars il produit une séquence musicale avec la chanson "Once a Star, Always a Star" avec plusieurs stars de l'Âge d'Or dont Cyd Charisse, Esther Williams, Leslie Caron, Debbie Reynolds et June Allyson. Cette même année il réalise le clip de la chanson "Dancing on the Ceiling" de Lionel Richie.

 

En 1993, Donen devait produire et réaliser une adaptation du "Docteur Jekyll and Mister Hyde" avec en tête d'affiche Michael Jackson, mais le scandale pédophile autour de la pop star a eu pour conséquence d'enterrer le projet.

 

La dernière oeuvre de Stanley Donen sera un téléfilm avec "Le Dernier Aveu" (1999).

 

Stanley Donen a été marié 5 fois et a eu 3 enfants. Avec l'actrice Jeanne Coyne (1948-1951), avec l'actrice Marion Marshall (1952-1959) avec qui il a eu Peter et Joshua, avec Adelle comtesse Beatty (1960-1971) avec qui il a eu Mark, avec l'actrice Yvette Mimieux (1972-1985), avec Pamela Braden (1990-1994) de 36 ans sa cadette à qui il proposa le mariage 4 jours après leur rencontre. Le cinéaste connut de nombreuses autres relations dont Judy Holliday et Elizabeth Taylor. Sa dernière compagne a été Elaine May (1999-2019) scénariste. Les trois enfants Donen travaillent tous dans le cinéma.

 

Stanley Donen a souvent été considéré comme le rival de Vincente Minnelli, autre grand maître de la comédie musicale. Donen a été longtemps l'alter ego de Gene Kelly jusqu'à un désaccord survenu vers 1955, un conflit qui a des origines lointaines, aussi bien professionnelles (Kelly ne traitait pas Donen comme son égal) que personnelle (ménage plus ou moins à 3 avec Jeanne Coyne). Le partage des contributions et leur importance sur chacune de leurs collaborations a longtemps été débattue par les critiques mais sans résultat concret et définitif. Il faut rester sur le fait que les deux hommes ont offert une des plus belles pages de l'Âge d'Or hollywoodien.

Stanley Donen demeure un maître de la comédie musicale, ayant prouvé également qu'il pouvait explorer d'autre domaine même si ces derniers films laissent un goût amer après une telle carrière.

 

Stanley Donen est mort ce samedi 23 février 2019 à l'âge de 94 ans.

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Je ne connaissais pas cette version du Petit prince. Et au passage, superbe affiche d'On the town.
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