The Skin Game (1931) de Alfred Hitchcock

par Selenie  -  20 Septembre 2021, 11:22  -  #Critiques de films

Après le succès de "Meurtre" (1930) la société de production BIP propose aussitôt à leur poulain un autre tournage, adapter la pièce de théâtre "The Skin Game" (1920) de John Galsworthy. Signifiant "Jeux de Dupes" cette oeuvre avait déjà été portée à l'écran avec le film éponyme (1921) de BE Doxat-Pratt dont on va retrouver ici des acteurs. En tous cas ça tombe plutôt bien puisque Hitchcock connaît personnellement l'auteur, qu'il admire et qu'il visite régulièrement. Comme souvent à l'époque, par contrat il est impossible de modifier les dialogues sans l'aval de l'auteur afin d'assurer la fidélité de l'adaptation. Mais si le cinéaste apprécie l'auteur et son oeuvre on constate pourtant qu'après une réussite dans la genre policier il est de nouveau aux commandes d'un drame familial et social. Pour une nouvelle fois depuis peu, c'est son épouse Alma Reville qui signe le scénario du film... La famille Hillcrist sont des aristocrates, notables depuis des générations, mais ils voient leur position dominante menacée depuis quelques temps avec l'arrivée des Hornblower, des entrepreneurs devenus riches grâce à leurs usines. La rivalité entre les deux familles devient encore plus frontale lorsque la Gentry, une propriété mitoyenne est mise en vente aux enchères remportées par Hornblower. Mais madame Hillcrist engage un détective privée afin de trouver une faille chez les Hornblower...

Dans la famille des Hillcrist il y a d'abord le patriarche incarné par C.V. France vu de "L'Oiseau Bleu" (1910) à "It Happended One Sunday" (1944) de Karel Lamac en passant par "Le Lys Brisé" (1936) de John Brahm et "Le Roi des Gueux" (1938) de Frank Lloyd. Une de ses filles est interprétée par Jill Esmond vue ensuite dans des films comme "Hypnose" (1932) de George Archaimbaud ou "Prisonniers du Passé (1942) de Mervyn LeRoy, puis l'épouse jouée par Helen Haye qui retrouvera Hitchcock pour "Les 39 Marches" (1935) et surtout qui reprend son rôle après la première version de 1921, elle retrouve donc aussi son partenaire M. Hornblower incarné par Edmund Gwenn qui était aussi dans la première version et qui retrouvera Hitchcock également dans "Correspondant 17" (1940) et "Mais qui a tué Harry ?" (1955). L'un des fils Hornblower est joué par John Longden vu chez Hitchcock dans "Chantage" (1929) et "Junon et le Paon" (1930), et ensuite dans "Jeune et Innocent" (1937) et "La Taverne de la Jamaïque" (1939), il retrouvera également Helen Haye dans le magnifique "Anna Karénine" (1948) de Julien Duvivier. Un second fils est joué par Frank Lawton vu plus tard dans quelques bijoux comme "David Copperfield" (1935) de George Cukor et "Les Poupées du Diable" (1936) de Tod Browning. Puis citons les seconds rôles Edward Chapman qui était aussi dans "Junon et le Paon" (1930) et "Meurtre" (1930), ainsi que R.E. Jeffrey qui était le porte-parole du jury dans "Meurtre"... Comme trop souvent pour Hitchcock durant sa période britannique et depuis ses débuts, il s'attache à soigner sa mise en scène malgré qu'il soit peu passionné par l'histoire qu'il porte à l'écran. Le drame repose sur une rivalité entre riches, un aristo attaché à sa terre de façon traditionnelle face à un parvenu, un nouveau riche.

Au début on a bien du mal à s'intéresser à l'histoire trop convenue mais qui prend toute son ampleur dans le dernier acte où les ennemis sont à la fois perdants et gagnants d'une lutte qui va les dépasser. Le vrai soucis c'est que le dernier acte est un peu trop vite expédié alors qu'il aurait pu être plus exploité afin de faire monter la tension. Sans doute l'obligation d'être fidèle à l'oeuvre originale. Le réalisateur est fidèle à lui-même et nous offre quelques passages inspirés, comme la vente aux enchères rythmé aux gros plans sur les enchérisseurs qui sera repris pour une séquence phare dans "La Mort aux Trousses" (1959), ou la scène dramatique de l'entretien entre M. Hillcrist et sa belle-fille entrecoupé d'un plan de p orte suggérant fortement l'arrivée impromptue d'une autre protagoniste. Le réalisateur tente donc encore de rompre la monotonie d'un récit très théâtral. Mais n'oublions pas les dialogues de Mme Hitchcock qui marquent idéalement la lutte entre les deux familles dont cette réplique bien sentie : "votre espèce est appelé à disparaître avec votre goutte et votre dignité". Pour l'anecdote, la scène terrible de l'étang a obligé l'actrice à plonger plusieurs fois, une petite torture que Hitchcock réitérera des années plus tard avec Kim Novak dans "Sueurs Froides" (1956). Précisons que le réalisateur ne fait pas de caméo dans ce film. Sans doute parce qu'il n'avait que peu d'enthousiasme sur ce projet sur lequel il dira à Truffaut "qu'il n'y a rien à en dire" ! Malgré tout, à sa sortie si l'accueil critique est mitigé, le public lui sera au rendez-vous pour un succès en salle qui étonnera même son réalisateur.

 

Note :            

 

11/20

 

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