Le Passager de la Pluie (1970) de René Clément
Ce projet est parti d'un scénario original de Sébastien Japrisot romancier qui a été porté à l'écran dès ses premiers romans notamment avec "Compartiment Tueurs" (1965) de Costa-Gravas ou "La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et une Fusil" (1970) de Anatole Litvak qui connaîtra une seconde version (2015) de Joann Sfar, un auteur de plus en plus apprécier comme en témoigne le chef d'oeuvre "L'Eté Meurtrier" (1983) de Jean Becker et "Un Long Dimanche de Fiançaille" (2004) de Jean-Pierre Jeunet. Et notons que l'auteur avait déjà signé un scénario original pour le cinéma, c'était pour "Adieu l'Ami" (1968) de Jean Herman avec un certain Charles Bronson ! Au départ, le projet devait être signé par Eddy Matalon, avant que le projet revienne à René Clément dont le dernier film était la superproduction internationale "Paris Brûlet-t-il ?" (1966). Ce projet permet au réalisateur de revenir à un genre qu'il avait abordé avec des films "Plein Soleil" (1960) et "Les Félins" (1964). Le film sera primé notamment du Golden Globe du meilleur film étranger... Un soir, alors que son époux est absent, Mélancolie est violée chez elle. Après son réveil, effrayée elle s'aperçoit que son agresseur est encore dans la maison mais elle parvient à le tuer. Mécaniquement, elle se débrasse du corps juste avant le retour de son mari qui est particulièrement jaloux. Mais arrive en ville un homme mystérieux qui la harcèle de questions sur son agresseur, bien qu'elle nie connaître cet homme le fait qu'il semble savoir pour le meurtre la fait douter de tout...
L'homme mystérieux est donc incarné par Charles Bronson qui est devenue une vraie star mondiale grâce au mythique "Il était une Fois dans l'Ouest" (1968) de Sergio Leone, mais qui poursuit en Europe où cette même année il enchaîne avec "La Cité de la Violence" (1970) de Sergio Sollima et "De la Part des Copains" (1970) de Terence Young. Il joue avec ce film pour la première fois avec son épouse Jill Ireland (mariés en 1968), cette dernière ne tournera plus qu'avec son époux jusqu'à "Protection Rapprochée" (1987). Mélancolie est incarnée par Marlène Jobert révélée dans "Masculin Féminin" (1966) de Jean-Luc Godard, et qui est alors en pleine ascension avec des films comme "Le Voleur" (1967) de Louis Malle ou "Dernier Domicile Connu" (1970) de José Giovanni, tandis que sa mère est jouée par Annie Cordy, plus connue comme chanteuse mais pourtant déjà vue au cinéma notamment dans "Si Versailles m'était Conté..." (1954) de Sacha Guitry et "Cigarettes, Whisky et P'tites Pépées" (1959) de Maurice Régamey. Dans les seconds rôles, on remarque plusieurs grands seconds couteaux du cinéma français avec entre autre Ellen Bahl et Marcel Pérès vus tous les deux dans "La Voie Lactée" (1969) et "Le Fantôme de la Liberté" (1974) tous deux de Luis Bunuel, avec Jean Piat vu dans le premier également et Marc Mazza dans le second et qui retrouve aussi René Clément après "Les Félins". Citons encore Corinne Marchand révélation des films "Lola" (1961) de Jacques Demy et surtout "Cléo de 5 à 7" (1962) de Agnès Varda, Jean Gaven qui sera justement dans "L'Eté Meurtrier", puis Marika Green révélée dans "Pickpocket" (1959) de Robert Bresson et qui va devenir la belle-soeur de sa partenaire Marlène Jobert qui épousera son frère Walter Green, père de la future star Eva Green... Le film n'aurait sans doute pas déplu à un certain Alfred Hitchcock auquel René Clément emprunte le célèbre concept du macguffin (tout sacoir ICI !), à savoir qu'ici il s'agit pas d'un objet ou d'un secret mais d'un homme, un violeur dont l'agression n'est qu'un point de départ à une autre intrigue, le viol n'étant finalement que secondaire. Plus que le viol, c'est donc l'homme mystérieux/Bronson qui arrive après qui devient le fil conducteur. Qui est-il ?! Que veut-il vraiment ?! Et surtout comment sait-il autant de chose sur le drame qu'a vécu Mélancolie/Jobert ?!
Le face à face façon jeu du chat et de la souris peut alors commencer, bien qu'au final il s'agit surtout d'une blanche colombe souillée par un vautour avant l'arrivée d'un aigle solitaire. Une blanche colombe que le réalisateur nous montre belle, bourgeoise entretenue, sensuelle, pour mieux nous placer dans la position du voyeur, pour mieux imposer le malaise avant le drame qui est filmée de façon à être foudroyé par le regard effrayé de la victime. Ensuite tout repose sur le climax, ce mystère omniprésent autour de ce nouveau venu qui semble à la fois trop en savoir et ne pas en savoir assez. Mais dans ce face à face il y a un défaut malencontreux, la victime est montrée comme une femme-enfant, sorte d'ado attardée pourrie gâtée qui fini souvent par être surtout agaçante. On passe donc de la femme fatale avant l'agression à une femme-enfant dont le prénom Mélancolie cache un secret d'enfance encore lourd à porter semble-t-il. Le soucis est que ce côté femme-enfant est trop appuyé, trop caricatural, surjoué par un Marlène Jobert pourtant adorable. Sans doute une direction d'acteur ici peu judicieuse. A ses côtés, Bronson joue une partition moins musclée, une force tranquille dans laquelle il est toujours bien meilleur, et en prime n'oublions pas une surprenante Annie Cordy un peu sous-exploitée mais si marquante. La quête de l'homme semble parfois hors sujet (savoir comment l'autre est mort est-il nécessaire à la recherche du sac ?!), mais le récit vire doucement vers une autre voie qui, là aussi, n'aurait sans doute pas déplu à Hitchcock, à savoir un autre jeu, à la fois plus drôle et plus lubrique comme quand l'homme/Bronson menace la femme/Jobert d'une "bonne fessée" tandis qu'il se met à la surnommer "Love Love". Dans le même temps, le film fait étonnament écho à une actualité récente, se positionnant ainsi dans une modernité qu'on attendait pas forcément lors d'un dialogue sur le viol : "La femme à qui ça arrive ne se rend pas à la police. - C'est de la psychologie ? "non, de la statistique" ... René Clément signe un thriller psychologique bien ficelé, à l'atmosphère prenante, qui ne manque pas d'une certaine légèreté mais il manque pourtant un suspense plus tendu et, surtout, une femme moins "fragile". Un très bon moment néanmoins.
Note :