Taxi (1996) de Gérard Pirès

par Selenie  -  9 Novembre 2021, 10:08  -  #Critiques de films

réalisateur de quelques bijoux comme "Le Grand Bleu" (1988), "Nikita" (1990) ou "Léon" (1994) Luc Besson écrit un nouveau scénario  pour une comédie d'action centré sur l'amitié improbable entre un fou du volant et un inspecteur. Mais accaparé par le tournage de son film "Le Cinquième Elément" (1997) il décide de confier la réalisation de son projet au réalisateur Gérard Pirès qui n'avait pas tourner depuis "Rends-Moi la Clé" (1981). La production devait être assurée par la Gaumont comme les précédents films de Besson, mais celle-ci décide de se retirer trouvant le coût élevé entre un casting prévu trop onéreux, un tournage à Paris toujours compliqué vu le genre de film, et surtout vu que Besson n'assume pas la mise en scène. Après le refus, Besson s'entend avec Pierre-Ange Le Pogam alors n°3 de chez Gaumont, et fondent ensemble la société de production EuropaCorp. Malgré tout, le tournage sera finalement fait à Marseille, moins cher et où les autorisations sont plus aisées à obtenir, tandis qu'après les refus de star comme Patrick Bruel, Vincent Perez, Olivier martinez ou Yvan Attal (pour l'anecdote, comme un clin d'oeil il sera chauffeur de taxi dans "Rush Hour 3" en 2007 de Brett Ratner). Précisons qu'il s'agit de la seconde fois où Besson écrit pour quelqu'un d'autre donc après "Kamikaze" (1986) de Didier Grousset. Choisir une Peugeot 406 comme 3ème rôle principal tombe bien, l'auto vient de remporter la compétition Super Tourenwagen Cup 1997, et gérard Pirès a signé plusieurs clip publicitaires pour Peugeot les années précédentes. Malheureusement, le cinéaste doit chute de cheval juste avant le tournage, c'est donc Gérard Krawczyck, réalisateur notamment de "L'Été en pente Douce" (1987), qui tourne les premières scènes avant le retour de Pirès. Mais c'est bien Krawczyck qui signera les 3 suites du film ensuite...

Ex-livreur de pizzas en scooter, Daniel obtient enfin sa licence de taxi. Mais fou du volant et pilote autodidacte il doit faire face à Emilien, lieutenant de police recalé pour la énième fois au Permis de Conduire. Il doit accepté un marché, conserver son permis et son taxi en échange d'une aide pour démanteler un gang de braqueurs qui roulent à grandes vitesse à bord de mercédès... Pour des causes de budget avant, et suite au refus de plusieurs acteurs connus, la production décide de parier sur de jeunes acteurs peu connus. Ainsi le chauffeur de taxi est incarné par Samy Naceri, remarqué une première fois par Besson en tant que figurant encagoulé dans "Léon", et qui commence à se faire un nom avec des rôles dans "Raï" (1995) de Thomas Gilou et "Bouge !" (1997) de Jérôme Cornuau, tandis que le policier est interprété par Frédéric Diefenthal surtout aperçu dans la série TV "Le Juge était une Femme" (1993-2000) et sinon apparu dans de très petits rôles au cinéma dans "La Totale !" (1991) de Claude Zidi ou "Capitaine Conan" (1996) de Bertrand Tavernier. La petite amie de Daniel/Naceri est jouée par Marion Cotillard aperçue jusqu'alors dans des films comme "Comment je me suis Disputé... (ma vie sexuelle)" (1996) de Arnaud Depleschin et "La Belle Verte" (1996) de Coline Serreau. Citons ensuite les collègues de Emilien/ Diefenthal  avec son supérieur incarné par Bernard Farcy vu dans "Notre Histoire" (1984) et "Tenue de Soirée" (1986) tous deux de Bertrand Blier et plus récemment dans "Les Trois Frères" (1995) de et avec Les Inconnus, puis Edouard Montoute vu dans "La Haine" (1995) de Mathieu Kassovitz et qui retrouve Samy Naceri après "Bouge !", et n'oublions pas l'atout charme Emma Sjöberg, top model suédoise vue auparavant dans "Inferno" (1995) de Peter Keglevic mais qui ne persévérera pas franchement au cinéma à l'exception de la franchise "Taxi"... Besson a vu les choses en grand malgré un casting non bankable, un budget costaud, avec un atout musique non négligeable en engageant le célèbre groupe de rap IAM qui signe la B.O., il prévoit pas moins de 6 exemplaires de la Peugeot 406, et surtout engage plusieurs véritables pilotes de courses pour assurer les courses poursuites avec des noms aussi fameux que Jean-Louis Schlesser, Renaud Malinconi, Jean-Pierre Jabouille, Jean Ragnotti, Henri Pescarolo, Raymond Touroul... Mais très vite, le film s'avère une catastrophe à de trop nombreux niveaux pour en faire un grand film. La première fusillade est aussi stupide sur le fond que granguignolesque dans la forme. Les flics tirent sur les flics de façon si appuyés et de façon si appliqués que ça en est ridicule, et ce même si on devine que la police va être le bouc émissaire facile et gratuit du paramètre humour. D'autant plus incompréhensible ce capharnaüm que le véhicule suspect (mercédès rouge) disparaît par simple esprit. Cette séquence qui aurait dû être spectaculaire (pas dans sa bêtise s'entend !) est d'ailleurs pas isolée, il va y avoir pire avec la fusillade dans un hangar où le policier s'aperçoit qu'il tire sur personne avec une réplique de nanard cultissime : "ah ouais, ils sont plus là" avec l'intonation adéquate cela va de soit.

Le film bat surtout des records de foutage de gueule, là où des précédents films faisaient rire avec une certaine empathie de la police comme  "Inspecteur la Bavure" (1980) de Claude Zidi ou "Pinot, Simple Flic" (1984) de et avec Gérard Jugnot, "Taxi" se moque de façon littéral et sans nuance à l'image d'ailleurs de Emilien officier bêta et maladroit. Mais le film oublie (pour être gentil, nous !) qu'il faut aussi un minimum de réalisme pour que ça fonctionne, dans la même logique qu'on dit qu'il faut du drame derrière un gag. Par exemple rappelons qu'on ne peut être policier sans avoir son permis de conduire, qu'il faut être de nationalité française (Petra/Söjberg ?!), que si il y a un barrage qui recherche une mercédès rouge avec des individus à l'intérieur toutes les mercédès seront évidemment contrôlées, ou que le GIGN n'est pas le GIPN... Des détails diront certains, mais les détails sont, à force, comme des gouttes d'eau ! Les incohérences et autres invraisemblances pullulent avec entre autre : le boucher doit connaître Emilien pour l'appeler "monsieur le Commissaire" (?!), Emilien est aussi magicien sortant une seconde arme s'il le faut, une même plaque d'immatriculation apparaît sur deux voitures différentes à des passages tout aussi différents, où Emilien qui propose de tutoyer Daniel alors que c'était déjà le cas... etc... Mais surtout rien n'est drôle, à l'exception du commissaire/Farcy qui est de loin le personnage le plus barré tout en étant très "professionnel". Sami Naceri est mauvais acteur, le prouvera à de nombreuses reprises ensuite, Diefenthal l'est tout autant mais il est de surcroît peu aidé par son personnage, Mario Cotillard est mignonne mais pas non plus aidée par un personnage caricatural soit trop sérieuse soit trop conne (?!). Les scènes d'action ne fonctionnent jamais car tout est focalisé sur la tôle froissée et les cascades à répétition sans la moindre once d'efficacité. Un fatras rarement été aussi mal filmé. Et pourtant, ridiculiser la police est effectivement un plaisir immense, l'humour bête et moqueur où tout le monde est soit idiot soit incompétent est un marché porteur. Résultat un succès monstre avec pas moins de 6 millions d'entrées France ! En prime plusieurs nominations aux Césars dont deux statuettes pour le montage et le son. Quelques conséquences tout de même, plusieurs suites aussi nanardesques jusqu'à la "nouvelle génération" "Taxi 5" (2018) de et avec Franck Gastambide dont l'échec nous sauvera peut-être d'un n°6, deux acteurs qui ne vont exister pratiquement que par cette franchise avant de tomber dans les limbes de l'oubli (ouf !), alors que seule Marion Cotillard saura sortir de ce piège pour devenir une star internationale. 

 

Note :                

 

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