Agent Secret (1936) de Alfred Hitchcock
Attention à la confusion car le titre en français est très similaire à celui en V.O. "Secret Agent" du précédent film du réalisateur "Quatre de l'Espionnage" (1936), et par là même, le titre en V.O. de "Agent Secret" est "Sabotage" qui ne doit pas être confondu avec "Saboteur" (1942) titre en V.O. de "Cinquième Colonne" !... Pourtant, le film est adapté du roman "The Secret Agent" (1907) de Joseph Conrad qui s'est inspiré d'un fait divers réel, un français nommé Martial Bourdin (Tout savoir ICI !)qui fût tué en 1894 alors qu'il transportait une bombe à l'observatoire de Greenwich. Le scénario est signé de madame Hitchcock, Alma Reville et de Charles Bennett qui signe là son 5ème film sur les 9 qu'ils feront ensemble de "Chantage" (1929) à l'auto-remake "L'Homme qui en savait Trop" (1956) en passant par les trois films "agent secret" sus-cités... Carl Verloc tient un cinéma de quartier, et vit avec son épouse et le jeune frère de celle-ci. Mais son activité cache en fait une autre plus criminelle. Ainsi il provoque une panne d'électricité géante mais il n'obtient pas les résultats escomptés, avec ses acolytes ils décident donc de frapper plus fort avec une bombe mais il s'aperçoit qu'il désormais surveillé par un agent de Scotland Yard qui se rapproche de l'épouse pour en savoir plus...
Au départ, Hitchcock désirait son acteur du film "Les 39 Marches" (1935) Robert Donat pour le rôle du détective mais le calendrier ne sera pas raccord. Il est finalement remplacé par John Loder vu dans "Le Corsaire de l'Atlantique" (1931) de John Ford et "La Vie Privée d'Henry VIII" (1933) de Alexander Korda et qu'on verra aussi dans des films comme "Les Mines du Roi Salomon" (1937) de Robert Stevenson et "Qu'elle était Verte ma Vallée" (1941) de John Ford. Verloc est incarné par acteur allemand qui a fui l'Allemagne nazie à l'instar d'un certain Peter Lorre, Oskar Homolka vu entre autre dans "1914, Fleurs Meurtries" (1931) de Richard Oswald et qui poursuivra une jolie carrière de seconds couteaux à Hollywood avec des films comme "Boule de Feu" (1941) de Howard Hawks, "Sept Ans de Réflexion" (1955) de Billy Wilder ou "Les Drakkars" (1963) de Jack Cardiff. L'épouse est interprétée par Sylvia Sidney grande star de "Les Carrefours de la Ville" (1931) de Rouben Mamoulian à "Mars Attacks !" (1996) de Tim Burton en passant par "Furie" (1936) de Fritz Lang et "Les Inconnus dans la Ville" (1955) de Richard Fleischer, puis le jeune frère est interprété par le jeune Desmond Tuster qui aura une petite carrière dont on peut citer "Alerte aux Indes" (1938) de Zoltan Korda et "Sous le Regard des Etoiles" (1940) de Carol Reed. Citons ensuite Matthew Boulton vu dans "La Proie du Mort" (1941) de W.S. Van Dyke et "La Femme en Vert" (1945) de Roy William Neill, puis Torin Thatcher qui retrouvera Hitchcock dans "Jeune et Innocent" (1937) avant de retrouver l'espionnage dans "L'Espion Noir" (1939) et "Espionne à Bord" (1940) tous deux de Michel Powell... Pour commencer, le film est très différent du roman, surtout en ce qui concerne l'épouse qui prend plus d'importance et dans sa conclusion. Hitchcock enchaîne un film d'espionnage avec un autre, mais outre les titres peu originaux vus plus haut, il faut une nouvelle fois faire attention à ne froisser certaines communautés ou pays, la Censure veille à ne pas ouvrir une porte à un soucis diplomatique.
Le film s'ouvre d'emblée sur la définition même de sabotage, mais cette fois il manque deux choses, d'abord cette fois pas de place pour l'humour le film est sombre et pessimiste, et à force d'épurer le scénario se retrouve avec un trou béant qui finit par frustrer . En effet, le policier surveille un suspect sans qu'on sache ce qui à réellement aiguiller Scotland Yard, mais le plus gênant c'est qu'on ne sait jamais le pourquoi du comment des attentats, on ne connaît jamais les enjeux ou le but de ces terroristes. Ce qui est quand même gênant puisqu'on ne peut pas être émotionnellement investi vis à vis de ces individus. Mais le plus gênant est qu'on peine à croire à plusieurs passages qui brisent la vraisemblance de l'intrigue. Par exemple Verloc parle de la cage à oiseaux sans précaution, le policier agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine comme quand il interroge l'épouse alors que le premier concerné est juste à côté... etc... Mais heureusement le réalisateur signe plusieurs scènes marquantes qui compensent, des scènes admirables qui font que la forme sauve le fond. Il y a le parallèle avec les animaux, comme pour bien montré la bêtise humaine, ainsi ils sont en captivité, en adoption voir même source de moquerie (les huîtres !). Mais il y a surtout trois séquences qui ne peuvent laisser de marbre, l'aquarium ou Verloc à une vision, la scène très découpée ou le petit frère livre le colis avec ses cadrages sur l'horloge et les bobines dans une ville en pleine effervescence, puis évidemment la scène du meurtre (ou de l'accident ?!) qui impose une tension sans dialogue avec pas moins de 32 plans en 3mn. Il est dommage que l'intrigue manque de cohérence tant la mise en scène de Hitchcock est inspirée, on frôle le gâchis mais les passages réussis touchent elles-mêmes au génie et elles valent de toute façon le détour. A voir, forcément.
Note :