Les 39 Marches (1935) de Alfred Hitchcock
Après "L'Homme qui en Savait Trop" (1934) sous la houlette du producteur Michael Balcon chez Gaumont British, Alfred Hitchcock retrouve le succès, la reconnaissance, surtout la liberté de créer et surtout de nouveaux projets qui lui correspondant plus. Pour ce nouveau film il adapte le roman "Les 39 Marches" (1915) de John Buchan qui a attirer le cinéaste britannique pour une raison essentielle, le fait que l'auteur ait une idée que chérit le réalisateur à savoir de plonger un invididu lambda dans un un univers d'espionnage, un concept que Hitchcock amènera au firmament de son cinéma. À noter que le livre connaîtra d'autres adaptations avec les versions (1959) de Ralph Thomas et (1978) de Don Sharp. Le scénario est co-signé par Ian Hay qui signera dans la foulée les deux prochains Hitchcock "Quatre de l'Espionnage" (1936) et "Agent Secret" (1936) sur lesquels il retrouvera également son collègue Charles Bennett qui signera plusieurs films pour le maesto de "Chantage" (1929) au remake "L'Homme qui en Savait Trop" (1956)... À Londres, après un spectacle de cabaret, le canadien Richard Hannay rencontre par hasard une demoiselle qui prétend être poursuivie. N'y croyant pas franchement, mais si séduisante, il accepte de l'inviter chez lui mais après quelques minutes intrigantes où elle lui parle de "Les 39 Marches" et d'un lieu en Ecosse, elle est finalement assassinée. Craignant logiquement d'être accusé il décide de partir en Ecosse et de trouver la signification des 39 Marches pour tenter de comprendre. Tandis qu'il est bientôt poursuivi à son tour, par la police, mais aussi par des inconnus il fait la rencontre d'une autre femme, la blonde Pamela...
Le héros est incarné par Robert Donat vu dans "La Vie Privée d'Henry VII" (1933) de Alexander Korda, "Le Comte de Monte Cristo" (1934) de Rowland V. Lee ou encore "Fantôme à Vendre" (1935) de René Clair. La mystérieuse femme par qui tout arrive est incarnée par Lucie Mannheim révélée par les films "Le Trésor" (1923) de G.W. Pabst et "L'Expulsion" (1923) de F.W. Murnau. La blonde du train est interprétée par Madeleine Carroll grande star des années 30-40 de "J'étais une Espionne" (1933) de Victor Saville à "L'Eventail de Lady Windermere" (1949) de Otto Preminger en passant par "Le Prisonnier de Zenda" (1937) de John Cromwell, "Les Tuniques Ecarlates" (1940) de Cecil B. De Mille et sans compter qu'elle retrouvera Hitchcock pour "Quatre de l'Espionnage". Citons ensuite Peggy Ashcroft qui obtiendra un Oscar du meilleur second rôle féminin en fin de carrière pour "La Route des Indes" (1984) de David Lean, John Laurie qui retrouve le réalisateur après "Junon et le Paon" (1931) et qui sera un fidèle du réalisateur Michael Powell de "Red Ensign" (1934) à "Je Sais où je Vais" (1945) en passant par "Colonel Blimp" (1943), puis Helen Haye qui était déjà dans "The Skin Game" (1931) et qui jouera dans "Le Dictateur" (1935) de Victor Saville après lesquels elle retrouve ses partenaires Ivor Barnard après le premier et Frank Cellier après le second... Pour le film quelques libertés ont été prises, et pas des moindres, les deux plus grandes nouveautés sont deux personnages qui enrichissent considérablement le récit. D'abord Mr. Memory dont la le dernier acte saupoudré d'un besoin de reconnaissance désintéressé ne manque pas de sel, puis Pamela, qui annonce la récurrence des blondes Hitchcockiennes, mais c'est aussi par ce personnage que nous pouvons savourer quelques jolies joutes verbales avec notre héros. D'ailleurs ce duo plein de charmes n'est pas sans rappeler par moment le magnifique "New-York-Miami" (1935) de Frank Capra.
Pour l'anecdote, pour créer une osmose entre eux, Hitchcock tourna une séquence où les deux deux acteurs se devaient d'être menottés, puis après plusieurs prises quitta le plateau en laissant ainsi les deux acteurs liés plus que jamais pendant plusieurs heures ! Bien lui en a pris, il paraît que les deux acteurs ont bien pris la blague et ils forment un couple idéal qui fonctionne parfaitement. Il y aussi le fait que dans le livre le héros fait toujours des rencontres bienheureuses puisque les femmes l'aident naturellement et quasi systématiquement, dans le film c'est un peu plus compliqué (un peu !) ; en effet sur ce point on aurait aimé peut-être plus d'anicroches, mais malgré tout ces rencontres offrent quelques passages vraiment réussis. L'épouse du fermier puritain est particulièrement émouvante, et dans un autre registre, l'aubergiste est aussi drôle que touchante. On remarque que Hitchcock a sans nul doute été inspiré par "Les Espions" (1926) de Fritz Lang notamment vis à vis d'une certaine balle mortelle et du final sur les planches. Comme souvent désormais, le réalisateur use du macguffin (l'objet de l'intrigue est peu important, seul compte le moyen d'y parvenir), et donc ce qui compte c'est comment va évoluer le héros pour comprendre et se disculper. Si on est pas encore dans le pur chef d'oeuvre, ce film est assurément un grand film, le premier aussi universel et le premier qui comporte tous les ingrédients que Hitchcock va personnaliser de plus en plus et qu'il va améliorer encore avec les prochains films. En tous cas le succès est mondial, le film reçoit notamment un accueil triomphal outre-Atlantique. Le film entre à la postérité, il est classé 4ème dans le top 100 du British Film Institute seulment devancé par "Le Troisème Homme" (1950) de Carol Reed, "Brêve Rencontre" (1945) et "Lawrence d'Arabie" (1962) tous deux de David Lean. Plus anecdotique, l'intrigue du film est repris par un album BD de Blake et Mortimer avec "L'Affaire Francis Blake".
Note :