Les Méchants (2021) de Mouloud Achour et Dominique Baumard

Premier long métrage pour le duo Mouloud Achour et Dominique Baumard, réalisateurs-scénaristes réunis de façon presque par hasard tant il ne semble rien à voir ensemble. En effet, Mouloud Achour est connu pour être animateur sur Canal+ et surtout populaire pour son émission "Clique" (2013-...) et pour être apparu dans quelques films dont "Sheitan" (2005) et "La Crème de la Crème" (2014) tous deux de Kim Chapiron, tandis que Dominique Baumard est réalisateur entre autre du documentaire "Tu doutes, tu Perds" (2016) et scénariste du film "La Troisième Guerre" (2021) de Giovanni Aloi. Les deux hommes se rencontrent via deux producteurs, notamment du film "Roulez Jeunesse" (2018) de Julien Guetta écrit par Baumard, suite à quoi Mouloud Achour propose une collaboration pour un projet qu'il a en tête depuis les attentats de 2015 : "Entre le 7 janvier et le 13 novembre 2015, dans cette période extrêmement sombre, le seul truc quime faisait encore un peu rire, c'était d'observer la rue Jean-Pierre Timbaud. Une rue qui commence dans le Marais branché et finit en haut par une mosquée, où souvent, les barbus du haut de la rue avaient les mêmes looks que les barbus du bas de la rue qui sortaient de la fashion week. Là, j'ai commencé à me dire "Et si deux barbus hipsters étaient pris pour des terroristes ?" L'idée des fermes de clics et tout le méta discours sur le spectacle, la musique, la cultire, est alors née. J'avais envie de me demander comment on cristallise cette époque où, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le problème n'est pas que les valeurs sont inversées, mais que tout le monde est devenu le méchant de quelqu'un." Pour ce film, les deux compères avouent avoir pris pour référence quelques classiques : "Networks" (1976) de Sidnet Lumet, "Hamburger Film Sandwich" (1979) de John Landis, "Piège de Cristal" (1988) de John McTiernan, "Reservoir Dogs" (1992) de Quentin Tarantino, "Chute Libre" (1993) de Joel Schumacher, "Clerks" (1994) de Kevin Smith, "Get Shorty" (1996) de Barry Sonnenfeld, "Kids Return" (1997) de Takeshi Kitano. Achour et Baumard réalisent et écrivent le film ensemble... La rappeur Carcéral sort de prison et est attendu pour une interview télévisée. Sur le trajet, il rencontre Sébastien qui vole une boule de Dragon Ball pour le rappeur au préjudice de Patrick. Ce dernier menace Sébastien pour récupérer la boule, après une prise stupéfiants Sébastien frappe Carcéral cérant un buzz monté de toute pièce par la présentatrice pour créer de l'audimat. Patrick et Sébastien deviennent rapidement les méchants les plus recherchées de France...

Le casting est composé essentiellement d'amis, de proches, de confrères. Ainsi le duo Patrick et Sébastien (oui oui ! Et ce n'est pas fini dans l'originalité !) est incarné par Roman Frayssinet et Djimo, tous deux collaborateurs sur l'émission "Clique", le premier trouve ici son premier rôle sur grand écran, le second a pu être vu dans quelques petits rôles notamment dans le navrant "Rendez-Vous chez les Malawas" (2019) de James Huth. Parmi les autres rôles principaux citons surtout Mathieu Kassovitz vu récemment dans "Lui" (2021) de et avec Guillaume Canet et "Les Choses Humaines" (2021) de Yvan Attal, l'humoriste Alban Ivanov vu dans "Une Belle Equipe" (2020) de Mohammed Hamidi et "Lucky" (2020) de Olivier Van Hoofstadt, Ludivine Sagnier vue dernièrement dans "La Forêt de mon Père" (2020) de Vero Cratzborn et "Adieu Paris" (2022) de et avec Edouard Baer, Anthony Bajon qui retrouve Baumard après "La Troisième Guerre" et vue récemment dans "Une Jeune Fille qui va Bien" (2022) de Sandrine Kiberlain. Citons aussi l'humoriste Kyan Khojandi vu dans "Au Revoir Là-Haut" (2017) et "Adieu les Cons" (2020) tous de et avec Albert Dupontel, puis le has been qui s'accroche Samy Naceri. On remarque encore de nombreux artistes connus dans de petits rôles ou des caméos, des humoristes comme Bun Hay Mean, Pierre Palmade, Elie Semoun ou Redouane Bougheraba, certains de la famille Canal+ avec Omar Sy ou Olivier Barthelemy mais surtout on sent le soutien des membres de Kourtrajmé, outre Kassovitz, citons Kim Chapiron, conjoint de Ludivine Sagnier ça a dû aider à avoir cette dernière, Romain Gavras, Vincent Cassel, Oxmo Puccino, et Ladj Ly réalisateur remarqué pour son remarquable "Les Misérables" (2019) après lequel il retrouve son acteur Alexis Manenti. Dans tout ça, le plus fort (ou le plus triste c'est selon !) c'est le caméo de l'artiste aux mille facettes Alejandro Jodorowski. Précisons que la musique est signée du groupe de rap La Caution, amis d'enfance de Mouloud Achour... On sait d'emblée, vu le casting et la bande-annonce, que le film se veut une comédie délirante, assumant un n'importe nawak dans l'absurdie ++ . Pourtant il semble que les deux cinéastes ne voyaient pas vraiment ça ! Mouloud Achour affirme par exemple : "quand on bosse ensemble, on met un point d'honneur à assurer. Notre amitié demande de l'exigence. On est tous dans une sorte de compétition où on se tire vers le haut." Mais l'incompréhension se confirme surtout avec d'autres déclarations, Baumard par exemple ajoute : "On n'a pas essayé d'écrire des blagues, on a juste laissé les personnages s'exprimer sincèrement. On se répétait sans cesse qu'on ne voulait pas faire de parodie."

Et Achour s'enfoncer le clou : "Le film est très premier degré. Tous les films que j'aime sont premier degré, que ce soient des comédies, des films d'action, des dramas ou même Citizen kane ! Patrick incarne le héros pur. Jacques Villeret dans Le Dîner de Cons ou La Soupe aux Choux, c'était ça." (?!?!) On se dit que les deux camarades on fait exactement l'inverse de ce qu'ils voulaient ! Le film est clairement pas au 1er degré, et heureusement ! Les deux cinéastes signent une comédie où se mêlent délires en tous genres, aux gags absurdes de bout en bout sur un fond qui se veut, par contre, assez sérieux qui tombent justement trop dans le 1er degré dans son dernier acte particulièrement lourd et moralisateur, comme une conclusion didactique pour rattraper les conneries de l'heure précédente. Le film débute pourtant pas trop mal, 20mn qui installent le concept, deux loosers qui s'embringuent dans une aventure sans queue ni tête avec des répliques et des situations souvent drôles et des personnages plus ou moins attachants. Gros point pour carcéral/Bajon qui à l'air de trop triper son personnage. Mais après l'opération buzzz et réseaux sociaux organisés par la sainte trinité le film s'engonce dans un point de non retour. Les dialogues perdent vite en consistance, l'inspiration s'envolent comme neige au soleil, les allers-retours constants avec l'émission télé sont trop redondants, ça tourne en rond, ça devient long car les gags s'essoufflent, il n'y a plus matière à jusqu'à ce dénouement où on tape encore et toujours sur les meilleurs boucs-émissaires de France, ceux qui ne peuvent rien dire, la police. On touche le fond. Puis soudain, comme par magie, un sursaut avec un épilogue plutôt sympa. Bref, 20mn vaguement prometteuses au début, 5mn amusantes au dernier round puis au milieu du néant, de la satire qui ne s'assume pas, de la parodie qui ne s'assume pas, du corrosif trop démagos... etc... Et quand on relit les propos des deux cinéastes on se dit que, effectivement, il y avait de l'idée, mais que l'idée. Le film a obtenu moins de 140000 entrées au box-office France, c'est déjà beaucoup...   

Note :      

Pour info bonus, Note de mon fils de 12 ans :