The Innocents (2022) de Eskil Vogt
2nd film seulement pour le réalisateur-scénariste Eskil Vogt après "Blind" (2014). Ce cinéaste norvégien formé en France à la Fémis est surtout connu jusqu'ici comme étant le co-scénariste de tous les films de Joachim Trier de son court métrage "Still" (2001) au tout récent "Julie (en 12 Chapitre)" (2021) en passant par "Oslo, 31 Août" (2011) et "Thelma" (2017). Dans le genre ados super-héros malgré eux on pense forcément à l'excellent "Chronicle" (2012) de Josh Trank. Le film a été sélectionné dans plusieurs festival en 2021 et multi-primé dont une sélection Un Certain Regard à Cannes, Prix de la Critique et Prix du Public au Festival du film Fantastique de Géradmer et Grand Prix Nouveau Genre à l'Etrange Festival 2021...
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Lors d'un joli été nordique, quatre enfants se découvrent des pouvoirs surnaturels et décident de les découvrir en secret et hors de la vue de leurs parents. Si au début ils sont comme des amis qui jouent ensemble, plus ils apprivoisent leurs pouvoirs respectifs plus leur secret est difficile à garder... Les quatre enfants sont interprétés par quatre jeunes acteurs débutants et inconnus, Rakel Lenora Flottum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf etMina Yasmin Bremseth Asheim. Ils sont entourés de quelques acteurs adultes plus connus avec Marius Kolbenstvedt qui retrouve Eskil Vogt après "Blind", Ellen Dorrit Petersen qui retrouve également le cinéaste après "Thelma" et vue entre autre dans "Les Révoltés de l'Ile du Diable" (2011) de Marius Holst et "Shelley" (2020) de Ali Abassi, puis enfin Morten Svartveit vu dans "La Traversée" (2021) de Johanne Helgeland... Pour commencer notons la magnifique photographie signée de Sturla Brandth Grovlen déjà remarqué pour son travail sur les films "Victoria" (2015) de Sebastian Schipper, "Drunk" (2020) de Thomas Vinterberg ou "Wendy" (2020) de Benh Zeitlin... un film à ne pas confondre avec le classique de l'horreur "Les Innocents" (1961) de Jack Clayton bien qu'on pourrait y voir une filiation, entre ce film et "Chronicles" (2012) de Josh Trank par exemple où des enfants se retrouvent avec des pouvoirs sans trop y comprendre quelque chose mais qui leur offre une singularité qui les amuse puis qui les séduits avant de de voir assumer des rapports de force inédits. Dans une ville impersonnelle de béton et d'acier des enfants découvrent petit à petit qu'ils ont des pouvoirs qui ne demandent qu'à évoluer, des pouvoirs qui les connectent entre eux. Des pouvoirs qui sont d'abord des nouveaux paramètres de jeu, mais à l'instar des règles de jeu les enfants vont devoir les apprivoiser, apprendre à les contrôler mais surtout les enfants vont comprendre que de tels pouvoirs vont changer leurs rapports les uns aux autres, que de tels pouvoirs les poussent à donner une autre dimension au bien et au mal.
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Le réalisateur choisit une mise en scène lancinante, presque contemplative, où on suit des enfants singuliers, presque en marge, dans un quotidien de vacances estivales où la cité est désertée. Des enfants qui se rapprochent grâce à un secret qui s'éveille doucement, insidieusement et le rythme du récit se calque à la vitesse d'apprentissage, subrepticement. Les pouvoirs s'éveillent donc de façon très lente, on frôle l'ennui mais jamais il ne s'installe car il se passe toujours quelque chose ; d'abord un nouveau pouvoir, une nouvelle connection, puis ensuite une première action, une bêtise, une pulsion qui va mener vers un premier drame... On pense aux enfants "X-Men" ou aux "Young Avengers" de chez Marvel, mais le réalisateur-scénariste est dans un style anti-blockbuster, dans l'anti-thèse totale, s'intéressant plus à la psychologie des enfants plutôt qu'à l'action pure. On aime aussi les pouvoirs eux-mêmes, d'abord par le mystère des origines, ensuite par le rapport entre idées et matérialisation de ces pouvoirs. Le film ne cherche ni l'esbroufe ni le spectaculaire mais instille une tension presque imperceptible qui monte aussi doucement que l'angoisse envahit l'esprit des ces petites têtes blondes jusqu'à ce qu'arrive le pire. Eskil Vogt signe un film de super-héros original et intelligent, psychologiquement insidieux, un film d'horreur judicieux et pertinent avec cette dose d'inconnue qui permet d'instiller une peur viscérale. Une très bonne surprise à voir et à conseiller.
Note :