Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau (1968) de Michel Deville
Le premier film de Michel Deville est une co-réalisation avec Charles Gérard, "Une Balle dans le Canon" (1958) mais il est passé en solo avec "Ce soir ou Jamais" (1961) qu'il a co-écrit avec Nina Companeez avec qui il va collaborer durant 12 films jusqu'aux films "L'Ours et la Poupée" (1970) et "Raphaël ou le Débauché" (1971) qui s'avèrent être les suites de "Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau". Ainsi, ce projet est leur 9ème film co-écrit ensemble; Deville en tant que réalisateur-scénariste et Nina Companeez en tant que scénariste-monteuse. Cette dernière quittera son acolyte pour se lancer en solo à son tour pour un film du même genre et style avec "Faustine et le Bel Été" (1971). Précisons que cette histoire est originale et non pas adaptée d'un roman comme on pourrait le penser... Au 18ème siècle, Benjamin jeune homme de 17 ans a été élevé à l'écart du monde sous la férule de son précepteur Camille. Mais désormais il doit aller vivre chez sa tante la comtesse de Valandry. Il va alors découvrir un univers merveilleux où la séduction est omniprésente, où les femmes prennent les choses en main, où les jeux de l'amour et du hasard forment les choses de la vie. L'amant de la comtesse, le comte de Saint-Germain le prend sous son aile cui va les amener à rencontrer la jolie et vierge Anne de Clécy. Mais si la chair n'a rien à voir avec les sentiments, la belle Anne de Clécy va chambouler les coeurs des deux hommes au grand dam des autres dames et demoiselles...
La comtesse de Valandry est incarnée par Michèle Morgan grande star dont on peut citer "Quai des Brumes" (1938) de Marcel Carné, "Les Orgueilleux" (1953) de Yves Allégret ou "Les Grandes Manoeuvres" (1955) de René Clair. Les trois autres personnages principaux se retrouvent après avoir tourné ensemble "Belle de Jour" (1967) de Luis Bunuel, Pierre Clementi qui retrouve Deville après "Adorable Menteuse" (1961), qu'on verra plus tard dans des films majeurs comme "Porcherie" (1969) de Pier Paolo Pasolini ou "Canicule" (1983) de Yves Boisset, et qui retrouve aussi après "Un Homme de Trop" (1967) de Costa-Gravas son partenaire et mentor Michel Piccoli vu dans "Compartiment Tueurs" (1965) de Costa-Gravas et "Dillinger est Mort" (1968) de Marco Ferreri et qui retrouve encore et également après "Les Demoiselles de Rochefort" (1966) de Jacques Demy sa jeune partenaire Catherine Deneuve déjà connue depuis "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) de Jacques Demy et "Répulsion" (1965) de Roman Polanski. Le précepteur est incarné par le grand Jacques Dufilho vu dans "Notre-Dame de Paris" (1956) de Jean Delannoy, "La Guerre des Boutons" (1962) de Yves Robert jusqu'à son dernier grand rôle avec "Pétain" (1993) de Jean Marboeuf. Puis enfin citons quelques -unes des jeunes aristocrates autres soubrettes du film avec Francine Bergé vue dans "La Religieuse" (1967) de Jacques Rivette et "Monsieur Klein" (1976) de Joseph Losey, Catherine Rouvel révélée dans "Le Déjeuner sur l'Herbe" (1959) de Jean Renoir, qui retrouve Michèle Morgan après "Landru" (1963) de Claude Chabrol, Cécile Vassort révélée dans "La Petite Vertu" (1968) de Serge Korber et vue plus tard dans "Le Juge et l'Assassin" (1975) et "Capitaine Conan" (1996) tous deux de Bertrand Tavernier, et citons encore les Simone Bach, Madeleine damien, Diane Lepvrier ou Lyne Chardonnet... On rappelle encore qu'il ne s'agit pas d'une adaptation de roman, ce qui peut surprendre tant le film est littéraire dans le style comme dans les dialogues inspirées et même parfois poétiques. Et surtout au vu du sujet et du genre, on pense par exemple à un Benjamin qui aurait grandit et évolué pour être dans "Mon Oncle Benjamin" (1969) de Edouard Molinaro, mais surtout on peut y voir une variation moins vénéneuse de l'oeuvre culte de Choderlos de Laclos merveilleusement adaptée au cinéma avec "Les Liaisons Dangereuses" (1989) de Stephen Frears.
Le film débute avec un jeune nobliaux, et puceau donc, qui arrive dans une aristocratie aux codes libertaires et libertins auxquels il va goûter avec gourmandises. Michel Deville et Nina Companeez signe un film qui joue sur les fantasmes d'une époque, qui fait de l'érotisme une image d'épinal bucolique pour ce qui reste un conte érotico-soft un brin suranné et même... puritain ! En effet, si on est entouré de jeunes femmes affriolantes dignes aïeules de nos soubrettes, que les situations sont à mettre à un niveau erotico-cocasse,, en vérité on ne voit rien de rien, pas une scène scabreuse et/ou sexuellement explicite. On effleure, on embrasse, on caresse timidement mais aucune scène réellement sexuelle. Pas d'inquiétude c'est tout public, peut être à l'exception d'une petite goutte de sang délicatement léchée par un Saint-Germain/Piccoli qui s'offre ainsi une jeune Anne de Clécy/Deneuve toute en beauté virginale et diaphane. On retrouve un amour des mots et du verbe à la mode de la littérature romantique avec des dialogues aussi poétique que savoureux tout à l'honneur de l'amour à "l'heure charmante où les femmes se déshabillent". Les auteurs y ajoutent aussi le côté bucolique et champêtre s'inspirant des arts comme on le constate avec le le foisonnant déjeuner sur l'herbe. Le réalisateur offre toute en adéquation une mise en scène élégante pour envelopper ces histoires volages souvent amusantes, parfois moins, à la sensualité douce et inoffensive. Malgré un petit manque d'audace et un côté kitsh (même en 1968 !) ça reste un bon moment.
Note :