L'Immensita (2023) de Emanuele Crialese
5ème long métrage du réalisateur italien Emanuele Crialese après "Once we were Strangers" (1997), "Respiro" (2002), "Golden Door" (2007) et "Terraferma" (2011). Le cinéaste revient donc après plus d'une décennie et avec un projet qu'il avait pourtant en tête depuis de nombreuses années comme il l'explique : "Ca a toujours été "mon prochain film", mais à chaque fois, il cédait sa place à une autre histoire, comme si je n'avais pas encore la maturité nécessaire pour me sentir prêt. C'est mon film le plus personnel, un voyage dans la mémoire à travers des souvenirs, tantôt précis, tantôt vagues, et des impressions d'un temps passé, revisitées et retravaillées à travers le prisme de l'expérience que j'ai acquise aujourd'hui." Dans cette histoire le réalisateur-scénariste aborde pourtant des thématiques inhérentes à son cinéma avec la famille fragmentée ou dysfonctionnelle. Emanuele Crialese co-signe son scénario avec Vittorio Moroni qu'il retrouve après "Terraferma" (2011), et avec Francesca Manieri à laquelle on doit les scénarios des films "Vierge sous Serment" (2015) et "Ma Fille" (2018) tous deux de Laura Bispuri, "Fortunata" (2018) de Sergio Castellito et "Rose Island" (2020) de Sydney Sibilia. Précisons que le film fut présenté à la Mostra de Venise 2022, cérémonie durant laquelle Emanuele Crialese a fait son coming-out en tant que transexuel... À Rome dans les années 70, l'espagnole Clara et son mari sicilien Felice ne s'aiment plus. Clara se réfugie encore plus dans son rôle de maman mais la crise conjugale arrive au même moment que la crise d'identité sexuelle de sa fille de 12 ans, Adriana qui veut désormais qu'on l'appelle Andrea...
Le couple en crise est incarné par la star Penelope Cruz vue tout récemment dans "Madres Paralelas" (2021) de Pedro Almodovar, "355" (2022) de Simon Kinberg et "Competition Officielle" (2022) de Mariano Cohn et Gaston Duprat, puis Vincenzo Amato vu notamment dans "Invicible" (2014) de Angelina Jolie ou "Red Notice" (2021) de Rawson Marshall Thurber mais qui retrouve surtout le réalisateur après "Respiro" (2002) et "Golden Door" (2006) à l'instar de son partenaire Filippo Pucillo qui était aussi dans "Terraferma", puis Aurora Quattrocchi qui était dans "Golden Door" (2006) vue aussi dans "Marchand de Rêves" (1995) et "Malena" (2000) tous deux de Guiseppe Tornatore. Citons ensuite Elena Arvigo vue dans "Senza Distanza" (2018) de Andrea Di Lorio et "La Scuola Cattolica" (2021) de Stefano Mordini, Rita De Donato vue dans Uno per Tutti 2015 Mimmo Calopresti et Emma 2017 Silvio Soldini, Alvia Reale vue dans "Gas" (2005) de Luciano Melchionna et "Fortunata" (2018) de Sergio Castellito, Mariangela Granelli vue dans aurora notte 2013 Giulia Caruso et italian race 2016 Matteo Rovere, Carlo Gallo vu dans "Grande Sud" (2014) de Daniele Cribari et "Calibro 9" (2020) de Toni d'Angelo, puis enfin la frenchy Clara Ponsot vue entre autre dans "Complices" (2009) de Frédéric Mermoud, "Des Gens qui s'embrassent" (2013) de Danièle Thompson ou "Les Héroïques" (2021) de Maxime Roy. Et n'oublions pas les enfants du couple qui apparaissent pour la première fois au cinéma joués par Patrizio Francioni, Maria Chiara Goretti et surtout Luana Giuliani 15 ans, sans oublier une amie interprétée par Penelope Nieto Conti... Le film n'est pas vraiment ce qu'il vend via le dossier presse ou la bande-annonce, à savoir une comédie dramatique sur une ado qui pense au fond d'elle être un garçon au sein de la société italienne des années 70. En vérité on constate que si le personnage de Adriana/Giuliani a effectivement des conflits intérieurs et se questionne sur son "genre sexuel" le film traite des autres personnages, de la famille au sens le plus large dont évidemment la maman/Cruz.
On constate donc que le film est plus une chronique familiale, et qui dit famille dit conflit, malheur, mais aussi bonheur et amour. On est plutôt bluffé par l'écriture de Emanuele Crialese qui réussit à entremêler plusieurs thématiques de façon intelligente et subtile même si sur certains points cela oblige à seulement effleurer le sujet. Ainsi le cinéaste aborde la question du genre évidemment mais aussi les violences conjugales, la dépression, à moindre mesure le racisme ou la boulimie. Par contre le plus décevant est que le réalisateur insiste assez sur le mal être de l'adolescente pour au final délaisser le sujet en dernière partie. Par là même on peut se poser la question de la crédibilité quant à son mensonge, faire croire qu'on est une fille à une autre fille quand on a 15 ans (et donc avec la métamorphose logique) est maladroit. On aime la reconstitution seventies, décors et costumes mais surtout le réalisateur n'omet pas qu'à cette époque une claque comme punition était une norme universelle ou que le patriarcat était fort. Le cinéaste touche du doigt cette période souvent surnommée "Parenthèse enchantée", occulte le contexte géo-politique des années de Plombs pour se focaliser uniquement sur l'intimité au sein d'une famille bourgeoise en crise. Tous les acteurs sont impeccables, et mêmes assez épatants mais ce sont surtout les femmes qui emportent le morceau et logiquement le duo mère-fille, la performance de Penelope Cruz est juste sublimissime et fabuleuse c'est assurément un de ses meilleurs rôles, tandis que la jeune Luana Giuliani s'impose comme une jolie révélation. Outre les acteurs, le réalisateur fait montre d'une jolie fantaisie avec des séquences en Noir et Blanc qui impose les songes de l'ado dans des instants aussi grâcieux que drôles. La fin laisse un petit goût amer d'inachevé surtout concernant surtout la jeune fille, c'est dommage car on frôle le grand, très grand film.
Note :