Nosferatu, Fantôme de la Nuit (1979) de Werner Herzog
On pourrait se dire que c'est une énième film sur le mythique personnage de "Dracula" (1897) de Bram Stoker, qui a été effectivement maintes fois transposé sur grand écran. Mais cette fois le réalisateur de "Signes de Vie" (1968) ou de "Coeur de Verre" (1976) n'adapte pas le roman mais préfère opter pour une version "officieuse" et mythique avec un remake du chef d'oeuvre "Nosferatu le Vampire" (1922) de F.W. Murnau. Malheureusement le film va connaître un succès plus confidentiel que son concurrent hollywoodien, "Dracula" (1979) de John Badham. Le film est le premier de Werner Herzog dont le casting est composé de stars. Le film est interdit au moins de 12 ans, essentiellement pour sa dimension psychologique et son atmosphère mortifère plus que pour la violence ou le gore... Fin 19ème siècle, Jonathan Harker est envoyé par son patron M. Reinfield en Transylvanie pour finaliser une vente immobilière avec le comte Dracula. A peine arriver, des villageois mettent en garde le jeune agent qui a délaissé sa fiancée pour ce voyage. Mais lors de leur entretien le comte aperçoit la photo de la fiancée de Harker qui ressemble étrangement à sa défunte épouse. Alors que Harker apprend qui est vraiment le comte il constate que le comte Dracula a embarqué en secret sur un navire en partance pour l'Angleterre...
Nosferatu est incarné par Klaus Kinski, acteur fétiche du cinéaste et au combien hors norme depuis "Aguirre la Colère de Dieu" (1972), et qui poursuivra aussitôt avec "Woyzeck" (1979), puis plus tard avec "Fitzcarraldo" (1982) et "Cobra Verde" (1987), et rappelons que l'acteur a déjà côtoyé l'univers des Carpates puisqu'il a joué Renfield dans "Les Nuits de Dracula" (1970) de Jesus Franco, il est pour ce nouveau film remplacé pour ce personnage fourbe par Roland Topor artiste français multi-facettes rarement vu sur grand écran mais dont on peut citer "Qui Êtes-Vous, Polly Maggoo ?" (1966) de William Klein et "Un Amour de Swann" (1984) de Volker Schlöndorff. Harker est interprété par l'acteur allemand Bruno Ganz vu entre autre dans "La Marquise d'O" (1976) de Eric Rohmer, "L'Ami Américain" (1977) de Wim Wenders ou "Ces Garçons qui venaient du Brésil" (1978) de Franklin J. Schaffner, sa fiancée est jouée par la star française Isabelle Adjani alors en pleine reconnaissance internationale après des films comme "L'Histoire d'Adèle H." (1975) de François Truffaut, "Le Locataire" (1977) de Roman Polanski ou "Les Soeurs Brontë" (1979) de André Téchiné. Citons ensuite Jacques Dufilho acteur merveilleux vu notamment "Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau" (1968) de Michel Deville, "Le Crabe-Tambour" (1976) de Pierre Schoendoerffer ou "La Victoire en Chantant" (1976) de Jean-Jacques Annaud, suivent ensuite plusieurs acteurs allemands avec "Walter Ladengast qui retrouve Klaus Kinski après "Hanussen" (1955) de O.W. Fisher et Georg Marischka ainsi que Werner Herzog après "L'Enigme de Kaspar Hauser" (1974) à l'instar de Clemens Scheitz qui était aussi dans "Coeur de Verre" (1976) et "La Ballade de Bruno" (1977), Dan Van Husen vu entre autre dans "Casanova" (1976) de Federico Fellini ou "Salon Kitty" (1976) de Tinto Brass, vu aussi plus récemment dans les très bons "Winter in Wartime" (2008) et "Brimstone" (2017) tous deux de Martin Koolhoven, Jan Groth vu dans "La Conséquence" (1977) de Wolfgang Petersen ou "Morgen in Alabama" (1984) de Norbert Kückelmann, Rijk de Gooyer vu dans "Le Vent de la Violence" (1975) de Ralph Nelson ou plus tard dans "Le Ballon Sorcier" (1999) de Danny Deprez, puis Lo Van Hensbergen vu dans "Mira" (1971) de Fonce Rademakers qui retrouve après "The Little Ark" (1972) de James B. Clarks son partenaire Tim Beekman vu dans le superproduction "Un Pont trop Loin" (1977) de Richard Attenborough... Le film s'ouvre sur une séquence aussi envoûtante et hallucinatoire, sur la musique du groupe Popol Vuh, où on passe en revue (littéralement !) des momies - tout savoir sur les momies de Guanajuato ICI - Cette ouverture d'outre-tombe impose un climax singulier mêlant léger malaise, macabre et lancinant qui va plus quitter le film.
Si on se dit que l'ambiance très mortifère du film peut correspondre idéalement au Fantôme de la Nuit on a l'impression aussi que le cinéaste n'a pas su choisir entre le mysticisme, le fantastique et son style réaliste quasi documentaire, surtout sur la forme étrangement. Le film est donc nimbé d'une sorte de brume constante plus ou moins appuyé, notamment autour de Lucy Harker/Adjani dont la beauté diaphane est ainsi mise en valeur. Le rythme est apathique, insistant sur une sorte de cauchemar éveillé où tout serait dans une sorte de ralentie ce qui amène aussi à un ennui, une frustration où on se demande quand est-ce qu'il va se passer quelque chose. Le bon point est que le réalisateur-scénariste prend un angle différent vis à vis de Nosferatu, son côté prédateur n'est pas mis en avant, ici le comte est surtout un solitaire, de manière psychologique et même insistant sur l'aspect maladif. Le plus mauvais point est que le rythme reste soporifique, tandis qu'on n'arrive pas à s'attacher aux personnages, le couple Harper n'offre aucune étincelle, aucune émotion. Finalement on tente de s'accrocher à l'esthétisme général du film qui oscille entre tableau funeste assez fascinant et abus d'effets sans qu'on y croit. En conclusion Werner Herzog signe un film qui ne laisse pas insensible en tant que film original et inspiré mais auquel il manque un supplément d'âme pour vraiment nous emporter.
Note :