Le Rapace (1968) de José Giovanni
2ème long métrage sur ses quinze films en tant que réalisateur pour José Giovanni entre "La Loi du Survivant" (1967) et "Mon Père, il m'a sauvé la Vie" (2001). Romancier et scénariste, sur ce projet il adapte pourtant le roman d'un autre, "The Vulture" (1964) du romancier irlandais John Carrick. Le réalisateur français signe avec ce film une co-production franco-italo-mexicaine avec un casting essentiellement mexicain pour une histoire qui se déroule dans un pays qui n'est jamais nommé, mais quelques indices durant le film nous indique qu'il s'agit du Guatemala. Précisons que le film est une fiction qui se déroule en 1938 et qui n'a donc aucun lien avec le contexte véritable et historique du pays à cette époque... Un homme européen arrive à VeraCruz, surnommé le Rital ou le Rapace, il est engagé pour assassiner le Président de la République du pays voisin. Mais pour entretenir le mythe du héros révolutionnaire issu du peuple, l'attentat sera attribué à un jeune étudiant idéaliste et exalté qui n'est autre que le petit-fils du président précédent. Le tueur et l'étudiant attendent le moment dans un appartement dans un climat tendu...
/image%2F0935117%2F20240611%2Fob_b63a85_le-rapace.jpg)
Le tueur à gages est incarné par Lino Ventura qui connaît déjà bien José Giovanni, en tant que scénariste ou dialoguiste jusqu'ici notamment sur les films "Classe Tous Risques" (1960) de Claude Sautet, "Les Grandes Gueules" (1965) et "Les Aventuriers" tous deux de Robert Enrico et surtout "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville avant de se retrouver pour "Le Clan des Siciliens" (1969) de Henri Verneuil puis sur deux prochains films de Giovanni avec "Dernier Domicile Connu" (1970) et "Le Ruffian" (1983). Le jeune étudiant est joué par Xavier Marc vu plus tard dans "La Légende de Zorro" (2005) de Martin Campbell et qui retrouvera dans "Sierra Torride" (1970) de Don Siegel son partenaire Enrique Lucero aperçu dans "Les Sept Mercenaires" (1960) de John Sturges et vu dans "Major Dundee" (1965), "La Horde Sauvage" (1969) et "Apportez-Moi la Tête d'Alfredo Garcia" (1975) tous trois de Sam Peckinpah retrouvant ainsi après ces deux derniers l'actrice Aurora Clavel habituée du western avec aussi "Soldat Bleu" (1970) et "La Colère de Dieu" (1972) tous deux de Ralph Nelson, puis plus tard dans "Apportez-Moi..." ses partenaires Farnecio de Bernal et Marco Antonio Arzate qui se retrouveront plus tard dans "Cabeza de Vaca" (1991) de Nicolas Echevarria et "Cronos" (1993) de Guillermo Del Toro, citons encore Augusto Benedico vu chez Luis Bunuel dans "La Fièvre monte à El Pao" (1959) dans lequel jouait aussi Enrique Lucero puis dans "L'Ange Exterminateur" (1962), Rosa Furman vue la même année dans "La Bataille de San Sebastian" (1968) de Henri Verneuil retrouvant ainsi Aurora Clavel, René Barrera vu dans "Los Caifanes" (1967) de Juan Ibanez ou "El Topo" (1970) de Alejandro Jodorowski et retrouvera dans "La Vallée Sauvage" (1975) de René Cardona Jr. l'acteur Farnecio de Bernal qui de son côté retrouvera également dans "Le Jardin de la Tante Isabelle" (1972) de Felipe Cazals son partenaire Carlos Cardan vu plus tard dans "Pancho Tequila" (1970) de Miguel M. Delgado, "Erendira" (1983) de Ruy Guerra ou "Old Gringo" (1989) de Luis Penzo... Avec Giovanni on est plus habitué au contexte du grand banditisme et l'immersion dans le Milieu mafieux français, cette fois il aborde une autre forme de violence, le terrorisme et l'assassinat politique avec une dose d'exotisme. L'attentat révolutionnaire est propice à certaines régions du globe, le tueur "occidental" qui vient assurer un contrat dans un pays du Tiers Monde est un sous-genre en soi.
Le tueur est un pro, et arrive dans un pays qu'il ne connaît pas et dont il ne s'intéresse pas du tout. Si on remarque qu'on se situe au Guatemala ce pays pourrait être n'importe quelle dictature, tandis que le tueur est l'archétype du genre, un pro cynique, bourru et désabusé mais qui a le physique imposant de Lino Ventura ce qui peut surprendre. En effet, l'acteur est connu pour sa droiture et sa morale qui l'a vu refuser certains rôles, ici il incarne pourtant un salopard, tueur de sang froid et égoïste mais auquel l'acteur apporte avec lui, presque à son insu, sa droiture et son charisme. La révolution est d'ailleurs à son image, ce qu'apprend à ses dépens Chico en une phrase : "T'as trop de choses à perdre. On fait pas une révolution avec des choses à perdre !" Le film démontre que les révolutionnaires ne sont pas très différents des politiques. La première partie du film repose sur un huis clos sans doute pas assez anxiogène, pas assez sous tension. La seconde partie se fait plus dans l'action, l'attentat et la fuite. José Giovanni signe une sorte de polar politique avec une petite dose de western qui se regarde gentiment.
Note :