Il marchait la Nuit (1948) de Alfred L. Werker
Alors en plein Âge d'Or de Hollywood et du Film Noir, voici un film méconnu qui gagne à l'être, connu, bien qu'il reste une série B il offre un angle de vue singulier. Réalisé par Alfred L. Werker bon technicien auquel on doit entre autre "Sur la Piste du Sud" (1928), "Shock" (1946) ou "Les Aventures de Sherlock Holmes" (1939) il a travaillé avec un certain Anthony Mann, non crédité et dont on ne sait pas exactement sa part sur le tournage alors qu'il est déjà remarqué pour "La Cible Vivante" (1945) et "La Brigade du Suicide" (1947) mais qui deviendra réellement un cinéaste majeur à partir de "Winchester 73" (1950). L'histoire est avant tout celle de Crane Wilbur, scénariste auparavant de "A l'Est de Shanghaï" (1937) de John Farrow ou plus tard de "Chasse au Gang" (1953) de André De Toth ou "Salomon et la Reine de Saba" (1959) de King Vidor, qui co-écrit son scénario avec John C. Higgins qui est un fidèle auteur de Anthony Mann justement avec qui il aura travaillé sur "L'Engrenage Fatal" (1947), "La Bridage du Suicide" (1947), "Marché de Brutes" (1948) et "Incident de Frontière" (1949). Les scénaristes se sont très inspirés, mais librement, de l'affaire Erwin Walker (Tout savoir ICI !). Pour l'anecdote, c'est sur ce tournage qu'est né l'idée de la série TV "Dragnet" (1951-1959, puis modernisé en 2003) qui sera porté sur grand écran avec "Dragnet" (1987) de Tom Mankiewicz ; en effet, le sergent Marty Wynn qui était conseiller technique sur le tournage, proposa au comédien Jack Webb, qui assurait une chronique criminelle à la radio, de créer une série TV fondée sur de vrais dossier de la police. Quelques temps après, Jack Webb jouera bien le rôle principal de la série originale. Les deux hommes travailleront encore ensemble sur le film "La Police est sur les Dents" (1954)... Après le meurtre d'un policier, l'enquête va rapprocher difficilement cette affaire avec celles de plusieurs vols et agressions. Mais le tueur qui semble aussi intelligent que dangereux reste mystérieux...
Le meurtrier est incarné par Richard Basehart qui retrouve Werker après "Repeat Performance" (1947), et retrouvera Anthony Mann pour "Le Livre Noir" (1949) et l'auteur Crane Wilbur pour son film "Outside the Wall" (1950) avant de jouer les seconds rôles dans des films de prestige comme "La Strada" (1954) de Federico Fellini ou "Moby Dick" (1956) de John Huston. Notons le narrateur qui n'apparaît pas à l'écran Reed Hadley acteur qui est alors un habitué en étant aussi narrateur sur les films "La Maison de la 92e Rue" (1945) et "13 rue Madeleine" (1946) tous deux de Henry Hathaway, "La Brigade du Suicide" (1947) de Mann, "Le Rideau de Fer" (1948) de William A. Wellman et dans "Guadalcanal" (1943) de Lewis Seiler dans lequel jouait aussi son camarade Roy Roberts remarqué surtout sur une année faste avec "Femme ou Maitresse" (1947) de Otto Preminger, "Le Charlatan" (1947) de Edmund Goulding et "Le Mur Invisible" (1947) de Elia Kazan, puis citons parmi les policiers Scott Brady qui retrouve Crane Wilbur aussitôt après pour son film "Pénitencier du Colorado" (1948) avant une longue carrière où il apparaît dans "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray, "Le Syndrome Chinois" (1979) de James Bridges ou "Gremlins" (1984) de Joe Dante, le fameux Jack Webb qui aura son année faste avec "C'étaient des Hommes" (1950) de Fred Zinnemann, "Boulevard du Crépuscule" (1950) de Billy Wilder, "La Main qui sa venge" (1950) de William Dieterle et "Okinawa" (1950) de Lewis Milestone, Whit Bissell vu entre autre dans "L'Etrange Créature du Lac Noir" (1954) de Jack Arnold ou "Le Plus Sauvage d'entre Tous" (1963) de Martin Ritt et retrouvera dans "Airport" (1970) de George Seaton son partenaire James Nolan vu cette même année dans "Les Amants de la Nuit" (1948) de Nicholas Ray et "Le Réveil de la Sorcière Rouge" (1948) de Edward Ludwig avant de retrouver dans "Madame porte la Culotte" (1949) de George Cukor l'acteur Rory Mallinson qui se retrouve entre "Les Passagers de la Nuit" (1947) de Delmer Daves et "Secrets de Femmes" (1950) de Robert Wise, Robert Brice qui retrouvera Anthony Mann pour "Marché de Brutes" (1948) et "Je suis un Aventurier" (1954), Lyle Latell apparu ensuite dans "Un Tramway nommé Désir" (1951) de Elia Kazan ou "L'Homme au Masque de Cire" (1953) de André De Toth, John Parrish acteur récurrent chez Cecil B. De Mille avec "Samson et Dalila" (1949), "Sous le plus Grand Chapiteau du Monde" (1952) et "Les Dix Commandements" (1956), puis deux acteurs vus chez John Ford, Michael Dugan dans "Le Fils du Désert" (1948) et "La Charge Héroïque" (1949), puis Steve Pendleton dans sept films entre "Le Mouchard" (1935) et "Rio Grande" (1950)... Dans un magnifique Noir et Blanc le film débute avec un drame qui paraît comme un banal fait divers, sauf qu'il est inspiré d'un événement véridique et que le film prend le parti pris assumé et annoncé de prendre le point de vue policier dans un style quasi documentaire, un style très réaliste plutôt qu'un entracte d'actualités entre deux films. Si l'affaire Erwin Walker (Tout savoir ICI !) est une référence claire, c'est surtout l'occasion de montrer les prémices de la Police scientifique et l'évolution de la police judiciaire.
Le film se démarque donc par une approche très réaliste des méthodes d'enquête, de la routine fastidieuse mais nécessaire aux prises d'empreintes en passant par une médecine légale qui se spécialise de plus en plus. Par contre, il manque au casting des acteurs plus charismatiques, pas un seul policier n'attire l'oeil ou un quelconque intérêt tant ils sont tous interchangeables. C'est à la fois un point intéressant car tous les policiers restent un élément indispensable à la réussite de l'enquête, mais c'est aussi dommageable puisque le braqueur meurtrier vole la vedette alors que l'approche narrative reste la force de police. Mais le plus décevant reste pourtant la personnalité du "méchant", Davis Morgan/Basehart reste incompris car on apprend rien de lui ni sur lui alors que le biopic de Erwin Walker (Tout savoir ICI !) ouvre des portes passionnantes. Dommage... Mais le film tient merveilleusement la route, après une partie enquête, où le jeu du chat et de la souris montre aussi une partie enquête inédite pour l'époque (et donc annonce justement une nouvelle étape avec la série TV "Dragnet" justement...), puis termine sur une dernière partie qui offre quelques séquences d'anthologie avec l'assaut final (ou presque !) et la poursuite dans les égoûts de la ville qui auront notamment et certainement inspiré "Le Troisième Homme" (1949) de Carol Reed. Un film qui mérite qu'on s'y attarde et qui mérite de sortir de l'ombre, et donc merci à RIMINI Editions de nous en offrir l'opportunité !
Note :
Merci à notre partenaire RIMINI Editions, magnifique coffret DVD-BluRay, sublime résolution en Noir et Blanc avec en prime une présentation de l'oeuvre de 47mn !