Grosse Fatigue (1994) de Michel Blanc
Parti trop tôt et déjà regretté, le Splendid Michel Blanc avait à cette époque réalisé un seul film avec "Marche à l'Ombre" (1984). Malgré ce succès premier succès il aura fallu une décennie pour que l'acteur revienne derrière la caméra. L'idée lui est venu grâce (ou malgré !) à son ami Gérard Jugnot qui a connu au début des années 90 la mésaventure d'avoir eu un sosie qui effectuait des animations dans des centres commerciales, affaire rapidement réglée en justice. Mais aussitôt ce fait divers a inspiré d'abord Bertrand Blier, qui a fait tourné Michel Blanc dans "Tenue de Soirée" (1986) et "Merci la Vie" (1991). Il ébauche un premier jet avec Michel Blanc, mais pris par son film "Un, Deux, Trois, Soleil" (1993) la réalisation échoit à Michel Blanc qui finalise le scénario en collaboration Jacques Audiard qui n'a pas encore réalisé son premier film que sera "Regarde les Hommes Tomber" (1994) et qui retrouve donc Josiane Balasko après son film "Sac de Noeuds" (1985), et surtout elle retrouve son ami du Splendid avec qu'elle retrouve à l'écriture après les aventures des "Bronzés" (1977-1979) et avant de signer son futur "Gazon Maudit" (1995). Et là, on peut penser que Gérard Jugnot forcément intéressé devait être pris par son propre film "Casque Bleu" (1994). Pour l'anecdote, ce film est sans doute le film de fiction où il y a le plus d'acteurs jouant leur propre rôle, jusqu'à ce que justement Bernard Blier signe "Les Acteurs" (1999) où il invitera d'ailleurs Josiane Balasko. Avec ce film les scénaristes seront récompensés au Festival de Cannes 1994 avec le Prix du meilleur scénario... Michel Blanc est une star. Mais bientôt il est accusé de divers incivilités dont il ne comprend rien, mais tout s'aggrave quand même sa copine Josiane Balasko l'accuse de viol ! Alors qu'il propose un rôle dans son prochain film à Carole Bouquet, d'autres incidents confirment une anomalie. Carole Bouquet prend les choses en main et décide d'aider Michel à comprendre. Ainsi ils découvrent que Michel a un sosie, Patrick qu'ils confondent mais tout ne va pas se passer comme prévu...
Donc le réalisateur-scénariste-acteur Michel Blanc assumé logiquement le double rôle et retrouve pour l'occasion tous ses potes du Spendid, dans son intégralité avec Josiane Balasko, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Bruno Moynot, Christian Clavier et Gérard Jugnot après le dyptique "Les Bronzés" (1978-1979) de Patrice Leconte et "Le Père Noel est une Ordure" (1982) de Jean-Marie Poiré, bien que Michel Blanc n'y prête que sa voix, tandis qu'il faut rappeler qu'il manquait Marie-Anne Chazel dans "Papy fait de la Résistance" (1983) de Poiré également. Par contre on notera que Bruno Moynot est étonnamment le seul de la bande à ne pas jouer son propre rôle et à ne pas participer à la scène clef du film, alors que Dominique Lavant y est, non membre "officiel" de la troupe elle joue et jouera dans 11 films avec le Splendid dont 8 avec Michel Blanc de "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine" (1977) de et avec Coluche à "Les Bonzés 3 : Amis pour la Vie" (2006) de Patrice Leconte. Citons donc ensuite Carole Bouquet dont on cite ce film trop souvent comme sa première comédie ce qui est faut ne serait-ce que pour "Le Bon Roi Dagobert" (1984) de Dino Risi avec Coluche tandis qu'elle retrouve Michel Blanc après "Nemo" (1984) de Arnaud Sélignac à l'instar de Mathilda May, continuons avec le couple glamour David Hallyday-Estelle Lefébure, Charlotte Gainsbourg qui retrouve son partenaire après "Merci la Vie" (1991) de Bertrand Blier, la Reine de la nuit parisienne Régine, l'agent des stars Dominique Besnehard, le président d'alors du Festival de Cannes Gilles Jacob, et entre autre n'oublions pas l'excellent Philippe Noiret qui avait vu à leurs débuts Michel Blanc et Gérard Jugnot dans "Que la Fête Commence" (1975) de Bertrand Tavernier avant de recroiser Michel Blanc dans "Uranus" (1990) de Claude Berri et "Les Grands Ducs" (1996) de Patrice Leconte, mais aussi Roman Polanski qui avait fait tourner Michel Blanc, Jugnot et Balasko dans "Le Locataire" (1977)... Le début est judicieusement trompeur, ne sachant qui est qui dans les premiers instants, mêlant en parallèle les deux Michel Blanc que seul le physique relie tant ils sont différents niveau personnalité. Le sosie est évidemment un gros psychopathe, mais on comprend mal pourquoi le "vrai" Michel Blanc s'est écrit un personnage faux, à savoir pleutre et même légèrement benêt. Il se retrouve ainsi complètement vampirisé par sa partenaire Carole Bouquet, femme forte par excellence mais avec qui on aurait préféré une complicité moins en rapport de force. Néanmoins le duo fonctionne à merveille et offre quelques échanges pas piqué des hannetons comme on dit.
D'ailleurs les dialogues sont une vraie réussite (signés d'ailleurs de Audiard et Balasko), comme quand l'acteur arrive dans un palace où il reprend la chambre d'un certain Gérard Depardieu et demande "Vous me changerez les draps quand même, avec Depardieu je préfère !", où en clin d'oeil quand Carole Bouquet dit "Qu'est-ce que j'ai de moins que Balasko putain ?" faisant référence au film "Trop Belle pour Toi" (1989) de Bertrand Blier où Depardieu trompait Carole Bouquet avec Josiane Balasko. L'idée de base est excellente et permet une mise en abîme savoureuse de l'acteur et de son statut. Le film est scindé en deux, la première partie quand Michel Blanc doit affronter les conséquences causées par les méfaits du sosie Patrick, puis la seconde après sa rencontre avec son sosie et l'espérance que tout va rentrer dans l'ordre. On aime l'auto-dérision de Michel Blanc évidemment, mais on aime surtout cet humour caustique et sarcastique non dénué de pessimisme d'ailleurs qui ne manquera pas d'une certaine ironie quand arrive la fin avec un grand acteur qui impose son grand final. La réflexion sur la célébrité est au centre du récit forcément, mais ça reste pertinent et plein d'acuité, jamais pris au sérieux dans une aventure jubilatoire à défaut d'être réellement hilarant. Un très bon moment.
Note :