Le Quatrième Mur (2025) de David Oelhoffen
Nouveau long métrage de David Oelhoffen qui signe un nouveau film sur fond de guerre après la Guerre d'Algérie dans "Loin des Hommes" (2014) et l'invasion japonaise en Indochine en 1945 dans "Les Derniers Hommes" (2023). Cette fois il se penche sur la guerre au Liban en adaptant le roman éponyme (2013) de Sorj Chalandon, inspiré de son expérience en tant de reporter de guerre et concerne le massacre de Sabra et Chatila (tout savoir ICI !) en septembre 1982, prix Goncourt des lycéens qui a déjà été adapté en BD et au théâtre auparavant. Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec Catherine Stragand se retrouvant après une première collaboration sur "Les Derniers Hommes" (2023). Le tournage a été difficile puisque la volonté a été de tourner à Beyrouth même alors qu'aujourd'hui la zone est sans eau ni électricité. Néanmoins le film a pu compter sur l'aide de la co-productrice libanaise Sabine Sidawi, qui était derrière "La Nuit du Verre d'Eau" (2023) de Carlos Chahine, tandis que la production a engagé des libanais pour les seconds rôles et la figuration. Attention avertissement pour une séquence particulièrement violente de massacre...
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Liban 1982, malgré le contexte de guerre civile, Georges se rend à Beyrouth pour respecter une promesse et monter la pièce de théâtre Antigone afin de voler un moment de paix au coeur du conflit. Les personnages sont joués par des comédiens issus de tous les camps politiques et/ou religieux. Georges est guidé par Marwan dans une ville qu'il ne connaît pas, et tandis qu'il tombe amoureux d'une des comédiennes, il va surtout devoir faire face à la réalité de la guerre... Le metteur en scène Georges est incarné par Laurent Lafitte vu ces derniers mois dans "Le Comte de Monte Cristo" (2024) de Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, "Les Barbares" (2024) de et avec Julie Delpy et "Sarah Bernhardt la Divine" (2024) de Guillaume Nicloux. Citons ensuite la jolie Manal Issa remarquée dans "Nocturama" (2016) de Bertrand Bonello, et vue dans "Deux fils" (2019) de Félix Moati ou "Une Jeunesse Dorée" (2019) de Eva Ionesco, tandis que le guide Marwa est joué par Simon Abkarian vu dans "Selon la Police" (2022) de Frédéric Videau ou "Overdose" (2022) de Olivier Marchal et retrouve après "Secret Défense" (2008) de Philippe Haïm son partenaire Nasri Sayegh apparu dans "Balle Perdue" (2011) de Georges Hachem. Citons encore Bernard Bloch vu notamment dans "Allons z'Enfants" (1981) de Yves Boisset, "Un Héros très Discret" (1996) de Jacques Audiard, "Monsieur N" (2003) de Antoine de Caunes ou "Queen of Montreuil" (2011) de Solveig Anspach, pusi Tarek Yaacoub apparu dans "Very Big Shot" (2015) de Mir-Jean Bou Chaaya ou "Le Dernier Piano" (2022) de Jeremy Keirouz... Ca commence avec un concept éculé qui n'a pas toujours son utilité, qui permet un effet narratif qui boucle la boucle et, tout aussi poussif, permet d'instiller une sorte de légitimité via le passé du cinéaste mourant. Un prologue peu intéressant ou trop lisse pour convaincre mais heureusement il ne dure pas longtemps et l'arrivée de Georges/Lafitte au Liban arrive vite et lance enfin l'histoire qu'on attend. Georges arrive par une promesse, celle de monter la pièce "Antigone" de Jean Anouilh avec des comédiens issus de chaque communauté alors pourtant tous en guerre les uns contre les autres. Une gageure, on pourrait même dire qu'on ne peut croire à cette histoire car comment croire que les adeptes de la charia puissent même penser à un tel projet ?! Mais la force du film dès le départ est justement d'y croire, de soigner le réalisme sur le fond comme sur la forme pour nous faire croire qu'il ne s'agit pas d'une utopie.
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Ainsi le tournage a lieu au Liban, et notamment à Beyrouth et dans un camp palestinien, avec des comédiens effectivement issus de divers communauté, et les langues françaises mais aussi arabes sont parlées sans sous-titres ce qui intensifie logiquement et intelligemment l'immersion dans un univers qui est inconnu pour Georges/Lafitte. La première partie est un équilibre idéal entre les aléas dus aux contextes géo-politiques et le travail utile autour du montage de la pièce et on apprécie alors les efforts des comédiens dans le sens où si ils sont là c'est qu'ils ont compris et acceptent le principe du vivre ensemble, ce qui évite les conflits ou disputes bêtes et attendus sur les répétitions. L'autre bon point est le travail d'adaptation et les quelques modifications ; par exemple très bon choix de ne pas appuyé le passé militant de Georges et ainsi évité le côté écorché vif ou pseudo-révolutionnaire qui place une sorte de légitimité à l'instar du défunt metteur en scène du début du film. Très bon choix car ça rappelle aussi que n'importe qui, de n'importe quel bord, serait sans aucun doute chamboulé de vivre cette expérience dans une guerre qu'on ne comprend pas. Idem la vie de Georges en France est occulté pour se focaliser sur les événements au Liban ce qui évite des sous-intrigues inutiles, surtout dans un film d'une durée parfaite de moins de 2h. La second partie vire vers un autre chemin, peut-être à partir du moment où Georges explique la nuance entre drame et tragédie. Une second partie du film délaisse malheureusement le côté artistique autour de "Antigone", même si on comprend que la guerre prend logiquement le pas sur la créativité et la volonté d'un petit groupe. Et on comprend petit à petit que le message lancé au début (l'art peut sauver de la guerre, peut ouvrir une petite voie vers la Paix... etc...) est sans doute, finalement, une utopie. David Oelhoffen débute son film comme si c'était un drame mais finalement il s'agit bel et bien d'une tragédie. Un film magnifique, intelligent sur l'art et ses éventuelles possibilités, et même si on passe de l'optimisme au pessimisme et de l'espoir à l'espérance...
Note :