Spectateurs ! (2025) de Arnaud Desplechin

par Selenie  -  23 Janvier 2025, 05:26  -  #Critiques de films

L'idée de épart on la doit à Charles Gillibert et Romain Blondeau, producteurs entre autre de "Garçon Chiffon" (2020) de Nicolas Maury, "Annette" (2021) de Leos Carax ou "L'Envol" (2023) de Pietro Marcello, qui ont proposé à Arnaud Desplechin de réaliser un documentaire sur le philosophe Stanley Cavell. Réalisateur des films "Esther Khan" (2000), "Un Conte de Noël" (2008), "Trois Souvenirs de ma Jeunesse" (2015) ou "Frère et Soeur" (2022) le cinéaste est un admirateur du philosophe : "Ce fut aisé d'écrire, car je revenais sur des réflexions sur le cinéma qui me tournent dans la tête depuis vingt ans : Alors j'ai écrit dans la fièvre. Ainsi, le film est à la fois une commande de Charles et Romain, et un essai infiniment personnel..." Mais au fil de l'écriture le réalisateur-scénariste à opter sur une construction narrative entre fiction et documentaire, dans ce qu'il nomme des "plans à la Wes Anderson"... Entre fiction et documentaire, un cinéaste suit le chemin de Paul Dédalus comme le roman d'un apprentissage en célébrant les salles de cinéma et le torrent d'images qui va avec... 

Le cinéaste est incarné par Mathieu Amalric, acteur fétiche du réalisateur et alter ego qui joue pour Desplechin pour la 8ème fois depuis "La Sentinelle" (1992)  jusqu'à "Les Fantômes d'Ismaël" (2017). L'acteur retrouve donc deux camarades, l'actrice Françoise Lebrun révélée dans "La Maman et la Putain" (1973) qu'il retrouve après "Trois Souvenirs de ma jeunesse" (2015) mais aussi après "Le Scaphandre et le Papillon" (2006) de Julian Schnabel, puis Clément Hervieu-Léger après "Frère et Soeur" (2022) vu récemment dans "La Passion de Dodin Bouffant" (2023) de Tran Anh Hung et "Sarah Bernhardt la Divine" (2024) de Guillaume Nicloux. Citons ensuite Olga Milshtein apparue dans "La Jalousie" (2013) de Philippe Garrel ou "Mes Frères et Moi" (2022) de Yohan Manca, Milo Machado-Graner remarqué dans "En Attendant Bojangles" (2022) de Régis Roinsard, "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet et "Le Choix" (2024) de Gilles Bourdos après lequel il retrouve son partenaire Micha Lescot aperçu dans "Jeanne du Barry" (2023) de et avec Maïwenn ou "Hors du Temps" (2024) de Olivier Assayas, Sam Chemoul aperçu dans "Le Grand Bain" (2018) de Gilles Lellouche ou "Le Dernier Duel" (2021) de Ridley Scott, Salif Cissé vu dans "L'Amour et les Forêts" (2023) de Valérie Donzelli, "Juliette au Printemps" (2024) de Blandine Lenoir ou "Le Beau Rôle" (2024) de Victor Rodenbach, Kent Jones qui était co-scénariste sur le film "Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)" (2013) de Arnaud Desplechin qui assume le rôle du narrateur pour son nouveau film... Le début du film débute avec des images d'archives et la voix Off du narrateur qui n'est autre que Arnaud Desplechin lui-même ce qui impose d'emblée un choix, celui du documentaire et celui de se focaliser sur sa propre cinéphilie. Ainsi le cinéaste place plusieurs références à ses propres films surtout sur "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)" (1996) avec le triangle amoureux, mais aussi la présence de son alter ego l'acteur Mathieu Amalric avec qui le cinéaste offre un plan magnifique du visage lumineux de l'acteur. La partie "fiction" selon Desplechin est une sorte de mini-biopic avec ses souvenirs d'enfants dont sa première séance de cinéma ou le ciné-club de son lycée.

Comme tout documentaire on apprend des choses, ou du moins le film tente de nous apprendre des choses et plusieurs passages restent donc intéressantes comme le passage au musée et la réflexion autour de la peinture suivi logiquement du rapport entre le cinéma et la photographie puis la télévision. Mais ça reste des passages comme des courts métrages documentaires qui ont été assemblés les uns aux autres sans réelles logiques avec d'autres segments qui vont surtout montrer que le film est un pur plaisir personnel du réalisateur oubliant par là même le titre de son film. L'intérêt pour les spectateurs est résumé à un prof expliquant l'importance de la salle de cinéma et de quelques témoignages plutôt insignifiants. Plus on avance dans le film plus Arnaud Desplechin s'impose et impose sa propre cinéphilie avec un hommage appuyé à une actrice récemment défunte qu'il compare à un mythe hollywoodien, un passage logiquement présent et intéressant autour de la philosophie du cinéma vu par Stanley Cavell ou l'importance de la Shoah ou de Truffaut. Mais tout ces passages sont clairement un plaisir personnel du cinéaste omettant l'universalité du cinéma et oubliant que le film devait être autour de tous les spectateurs, à leur attention et à leur destination. Finalement il s'agit d'un film très autocentré, de par et pour Arnaud Desplechin. Mais il n'en demeure pas moins que le film respire la cinéphilie, qu'il reste assez ludique, et que les parties "biopic" sur sa jeunesse sont joliment réussie. Un film maladroit qui frôlerait la hors sujet mais qui reste un bon moment. 

 

Note :                 

13/20
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