Jouer avec le feu (2025) de Delphine et Muriel Coulin
Après "17 Filles" (2011) et "Voir du Pays" (2016) les soeurs Delphine et Muriel Coulin reviennent avec un film militant qui repose sur une relation père-fils, en adaptant le roman "Ce qu'il faut de Nuit" (2022) de Laurent Petitmangin. Delphine explique : "Le roman pose une question sur laquelle nous avions envie de travailler : l'amour est-il forcément inconditionnel ? Si tu commettais le pire, pourrais-je continuer à t'aimer ?" Tandis que sa soeur Muriel poursuit : "Avant même de le lire, nous avions eu cette discussion, Delphine et moi. Et chacune de nous lui apportait une réponse différente. Où se situe -s'il y en a un - le point de non-retour ? Est-ce qu'aimer, ce n'est pas justement tout accepter, même le pire ?" Pour leur projet elles ont revu les documentaires "Carnets 88" (2019) de Sylvain Yonnet et "La Cravate" (2020) de Etienne Chaillou et Mathias Théry. Le film a connu un bel accueil à la Mostra de Venise 2024 avec en prime la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine pour Vincent Lindon... Pierre élève seul ses deux fils. Louis le cadet suit de bonnes études mais l'aîné Fus part de plus en plus à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force il se rapproche ainsi des groupes d'extrême-droite, soit à l'opposé des convictions de son père. Pierre ne sait plus quoi et comment faire tandis que leur relation devient de plus en plus conflictuelle...
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Le père est donc incarné par Vincent Lindon qui s'est fait une spécialité du film social et militant notamment chez Stephane Brizé (d'ailleurs même l'affiche sobre et passe-partout renvoie aux excellents films de ce dernier !) mais vu dernièrement dans "Le Deuxième Acte" (2024) de Quentin Dupieux et le remake "Le Choix" (2024) de Gilles Bourdos. Le fils cadet est interprété par Stefan Crépon apparu dans "Peter Van Kant" (2022) de François Ozon, "Making Of" (2023) de Cédric Khan ou "Drone" (2024) de Simon Bouisson, puis l'aîné est joué par Benjamin Voisin vu dernièrement dans "Le Bal des Folles" (2021) de et avec Mélanie Laurent, "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli et "Les Âmes Soeurs" (2023) de André Téchiné. Ils sont entourés de Maëlle Poésy, metteuse en scène de théâtre apparue rarement au cinéma avec "Les Aiguilles Rouges" (2006) de Jean-François Davy et "Tous les Soleils" (2011) de Philippe Claudel, Arnaud Rebotini surtout connu comme compositeur notamment césarisé pour la B.O. de "120 Battements par Minute" (2018) suivi de "L'Île Rouge" (2023) tous deux de Robin Campillo ou encore "Curiosa" (2019) de Lou Jeunet, Béatrice Pérez dans son premier rôle jouant quasi son propre rôle puisqu'elle dirige la Faculté de Lettres de la Sorbonne depuis 2022, Edouard Sulpice aperçue notamment dans "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan, "Annie Colère" (2021) de Blandine Lenoir ou "Mon Crime" (2023) de François Ozon, puis enfin Sophie Guillemin qui retrouve d'ailleurs Arnaud Rebotini parès "L'Île Rouge" (2023) et vue depuis dans "Juliette au Printemps" (2024) de Blandine Lenoir ou "Quand vient l'Automne" (2024) de François Ozon... De l'affiche au traitement avec de surcroît avec la présence de Vincent Lindon on pense d'emblée à Stephane Brizé qui aurait pu très bien être derrière ce film. La différence se fait dans le style, Brizé étant dans un naturalisme façon docu-fiction qu'on n'a pas avec les soeurs Coulin. Cela paraît anodin mais en fait ce n'est pas un détail car le sujet, brûlant d'actualité, se retrouve dans un récit plus rt trop consensuel alors qu'il aurait fallu le grain de Brizé. En effet, car si l'extrême-droite peut avoir ses brebis gâleuses le film semble quasi anachronique puisque, quoi qu'on en dise, dans les faits l'extrême-droite d'aujourd'hui n'est pas celle des années Jean-Marie entre les années 70-90, depuis déjà près de deux décennies c'est bel et bien l'extrême-gauche qui pollue les faits divers de violences militantes ! Le film se retrouve donc comme une propagande démago hors-sol.
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Evidemment, cela n'empêche pas que ça existe aussi à droite... Ainsi, il faut oublier la thématique politique, plutôt le voir comme un "Macguffin" à la Hitchcock sur le sujet social du lien filial et de la difficulté autour de l'éducation, peut-être de voir à quel moment le cordon ombilical se doit d'être coupé ou non. On en revient à la déclaration de la réalisatrice-scénariste qui posait la question "l'amour est-il forcément inconditionnel ?", une question à laquelle on pense plus souvent pour les violences conjugales plutôt. Vincent Lindon en paternel désemparé est formidable dans un genre qu'il connaît de toute façon très bien - on le préfère finalement dans des genres plus audacieux où il sort de sa zone de confort comme par exemple "Titane" (2021) de Julia Ducournau et "Le Deuxième Acte" (2024) voir même "Avec Amour et Acharnement" (2022) de Claire Denis - puis notons le joli duo Voisin-Crepon qui joue deux frères très différents et à la fois si liés, osmose bien nourri par leur passé commun puisque les deux jeunes acteurs ont été colocataires et sont amis dans la vie. Les performances et l'investissement des acteurs aident à apprécier le film, à se laisser convaincre par la détresse qui plombe cette famille. Plus techniquement, on est pas convaincu part quelques idées comme la lumière et la photographie, la maison par exemple très sombre vis à vis de l'extérieur, un contraste bizarre derrière lequel il doit y avoir une signification ou une symbolique, mais alors on aurait sans doute mieux compris si cela avait été l'inverse ; la maison comme cocon va avec la lumière et l'espoir, la pénombre pour l'extérieur où les idées politiques nauséabondes semblent venir d'ailleurs. En conclusion, les soeurs Coulin signe un drame intéressant mais maladroit et avec des cordes trop grosses pour nous emporter complètement. Note indulgente.
Note :