La Chambre de Mariana (2025) de Emmanuel Finkiel

par Selenie  -  25 Avril 2025, 07:49  -  #Critiques de films

Après son dernier film "La Douleur" (2017), Emmanuel Finkiel s'était juré  de ne plus abordé de "film sur la Shoah" et pourtant le cinéaste tombe amoureux du roman éponyme (2008) de Aharon Applefeld, qui y met beaucoup de son propre vécu. Emmanuel Finkiel, réalisateur-scénariste adapte finalement ce roman qu'il perçoit bientôt comme le troisième film d'une trilogie amorcée avec "Voyages" (1999), suivi de "La Douleur" (2017) : "Dans Voyages, je filmais des gens d'aujourd'hui hantés par le passé dont il n'existait plus que des traces, et un profond tourment. Pour la Douleur, j'ai plongé dans le passé, mais je me suis placé du côté de celle qui attend, qui est extérieure au cercle concentrationnaire et au processus de destruction. Jusqu'à présent, je ne filmais que les échos du big bang, là, je m'en suis approché. Avec La Chambre de Mariana, je suis non seulement retourné vers cette époque, mais je suis allé au front, au coeur de ce processus." Le cinéaste varie également son style, avec "Voyages" il était dans une forme documentaire, "La Douleur" était dans une forme très drame historique, tandis que dans ce nouveau film il est dans une fiction plus libre...  1943, en Ukraine, Hugo à 12 ans, pour le sauver de la déportation sa mère le confie à son amir d'enfance Mariana, une prostituée. Hugo doit se cacher dans un placard de la chambre de Mariana. Son existence est suspendue aux bruits venus de l'extérieur et à son imagination qu'il perçoit à travers la cloison... 

Hugo est interprété par le jeune Artem Kyryk pour son premier rôle au cinéma, tandis que Mariana est incarnée par Mélanie Thierry qui retrouve son réalisateur après "Je ne suis pas un Salaud" (2015) et "La Douleur" (2017), et vue depuis notamment dans "La Vraie Famille" (2021) de Fabien Gorgeart, "Soudain Seuls" (2023) de Thomas Bidegain ou "Captives" (2024) de Arnaud des Pallières. Citons ensuite Anastasia Fein vue surtout dans des séries TV dont "Jerusalem" (2022) ou dans le film "Highway 65" (2024) de Maya Dreifuss, Julia Goldberg aperçu dans des séries TV et dans le film "Rheingold" (2023) de Fatih Akin, Yon Rozenkier réalisateur-acteur de ses films "Un Havre de Paix" (2018) et "Le Voyage à Eilat" (2022), Olena Khokhlatkina vue dans "Je travaille au Cimetière" (2021) de Alexey Taranenko, "Le Serment de Pamfir" (2022) de Dmytro Sukholytkhyy-Sobchuck ou "The Witch : Revenge" (2024) de Andriy Kolesnyk, puis Nikola Tutek surtout remarqué dans des séries TV dont "Novine" (2016-2020) et le film "Canary Black" (2024) de Pierre Morel... Notons que l'actrice française Mélanie Thierry a appris la langue ukrainienne durant deux années jusqu'à suivre des stages chez un spécialiste de l'oreille et de l'écoute pour "éduquer son oreille". Le résultat est bluffant, jamais l'actrice ne se distingue des autres acteurs ukrainien. Le film reprend les codes d'un genre bien connu, la cache de juifs durant la Seconde Guerre Mondiale à laquelle on pense logiquement à la fameuse Anne Frank et plus récemment au film "La Vie devant Moi" (2025) de Nils Tavernier. Mais le film ajoute deux paramètres importants, la maison close en tant de guerre, et le fait que l'histoire se déroule en Ukraine renvoyant logiquement à l'actualité de la guerre russo-ukrainienne.

L'occupation allemande impose une clientèle unique aux pensionnaires de la maison close alors que l'armée allemande est alors en force partout en Europe quand le film démarre en 1942. Le film occulte bizarrement plusieurs éléments historiques comme le fait que la majorité des ukrainiens ont accueilli la Wehrmacht en libératrice après les exactions soviétiques, ce qui accentue forcément la peur des prostituées quand l'Armée Rouge arrive en ville. Mais le plus problématique dans le scénario est qu'on a aucune info de temps ou de chronologie alors qu'il y a au moins deux années qui se passent, et notamment on a un jeune ado de 12 ans qui paraît en avoir toujours 12 à la fin du film. Comment croire à un jeune ado qui semble toujours aussi jeune, aussi timoré, alors qu'un ado au sein d'une maison close aurait dû évoluer bien plus que ça, physiquement d'abord mais aussi d'un point de vue plus psychologique ?! C'est le gros bémol du film. Mais Mélanie Thierry porte le film magnifiquement, elle montre et démontre à la fois toute la détresse et toute la force de son personnage dans un contexte dur et tragique. Outre son travail d'esclave, il ya sa promesse, mais aussi toute sa solitude qui la pousse à aimer le jeune garçon comme si c'était son fils, (ou pas que d'ailleurs). En conclusion le destin de jeune juif nous touche forcément, mais il reste trop en retrait et reste sans réel intérêt, trop témoin malgré lui, finalement on s'attache surtout au destin de Mariana/Thierry dont le personnage est bien plus riche et passionnant. Un beau drame néanmoins qui mérite qu'on s'y attarde.

 

Note :                 

14/20

 

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