Trois Extrêmes (2004) de Park Chan-Wook, Takashi Miike et Fruit Chan

par Selenie  -  20 Juin 2023, 08:28  -  #Critiques de films

Il s'agit d'un projet de producteurs, l'idée étant de refaire le concept d'un film collectif d'horreur à la manière de "Trois Histoires de l'Au-Delà" (2002) du sud-coréen Kim Jee-Woon, du thaïlandais Nonzee Nimibutr et du hong-kongais Peter Chan. Ce dernier est d'ailleurs coproducteur de ce nouveau projet qui doit réunir parmi les réalisateurs un sud-coréen, un japonais et un chinois. Très vite le coréen Park Chan-Wook et le japonais Takashi Miike acceptent de participer. Par contre il faudra plus de temps pour le chinois, qui sera finalement Fruit Chan bien moins renommé que ses deux homologues. Ce dernier, qui a l'habitude de travailler en petite équipe voir quasi seule retrouve avec ce film avec une vraie équipe entière, tandis qu'il travaillera en étroite collaboration avec le producteur Peter Chan pour trouver la bonne idée originale pour son segment. Un laps de temps supplémentaire qui a pour résultat que Fruit Chan terminera son film bien après ses collègues. Précisons que Park Chan-Wook célèbre pour sa trilogie sur la vengeance avec "Sympathy for Mister Vengeance" (2002), "Old Boy" (2003) et "Lady Vengeance" (2005) signe son scénario pour "Cut" ("Coupez"), Takashi Miike réalisateur singulier notamment de "Audition" (1999), "Ichi the Killer" (2001), "13 Assassins" (2010) ou "Hara-Kiri, Mort d'un Samouraï" (2011) porte à l'écran "Box" (La Boîte") une histoire originale des scénaristes Haruko Fukushima et Bun Saikou, tandis qu'après une trilogie sur la rétrocession de Hong-Kong initiée avec "Made in Hong-Kong" (1997) et une autre trilogie sur la prostitution initiée avec "Durian Durian" (2000) le réalisateur Fruit Chan porte à l'écran le roman "Dumplings" ("Nouvelle Cuisine") de Lilian Lee, autrice et scénariste de plusieurs adaptations de ses propres oeuvres comme "Rouge" (1987) de Stanley Kwan, "Adieu ma Concubine" (1993) de Chen Kaige ou "Green Snake" (1993) de Tsui Hark. Précisons que ce long métrage réunissant trois segments est interdit au moins de 16 ans en France, au moins de 17 ans aux Etats-Unis... "Nouvelle Cuisine" : Madame Ching Lee, ancienne star de Hong-Kong ne veut pas vieillir. Elle vient alors voir Mei, une ancienne employée du corps médical qui cuisine des raviolis à la vapeur dont la recette mystérieuse offre le rajeunissement. Un don qui a un prix... "Coupez" : un réalisateur acclamé par tous se retrouve victime d'un psychopathe, qui a élaboré un stratagème terrifiant qui doit le forcer à faire un choix, tuer un enfant ou voir les doigts de sa femme coupés les uns après les autres... "La Boîte" : Une romancière à succès mène une vie solitaire et discrète. Son éditeur qui n'est pas insensible à ses charmes, aimerait découvrir son secret... 

Au casting, la logique de production d'origine s'applique. Ainsi pour le segment chinois, les personnages sont interprétés par Bai Ling vue notamment dans "She Hate Me" (2004) de Spike Lee, puis "Les Seigneurs de Dogtown" (2005) de Catherine Hardwicke ou "Southland Tales" (2007) de Richard Kelly, Miriam Yeung star de la chanson vue dans de nombreux films dont "Sound of Colors" (2003) de Joe Ma après lequel elle retrouve Tony Leung Ka-Fai star majeure acteur fétiche de Tsui Hark, mais aussi vu dans "L'Amant" (1992) de Jean-Jacques Annaud, "Les Cendres du Temps" (1994) de Wong Kar-Wai, "Election" (2004) de Johnnie To qui retrouvera dans "Filatures" (2007) de Nai-Hoi Yau son partenaire Wong So-Fun remarqué plus tard dans "Shooters" (2010) de Tung-Shing Yee ou "The Insider" (2010) de Dante Lam. Dans le segment coréen on retrouve la star Lee Byung-Hun révélé dans "Joint Security Area" (2000) de Park Chan-Wook mais ensuite acteur fétiche de Kim Jee-Woon avec entre autre "A Bittersweet Life" (2005) et "The Age of Shadows" (2016), Kang Hye-Jeong révélée dans la trilogie vengeance de Park Chan-Wook et vue ensuite dans "Triangle" (2009) de Ji Young-Sog ou "Lucid Dream" (2015) de Kim Joon-Sung, Yum Jung-Ah vue dans "Deux Soeurs" (2003) de Kim Jee-Woon, puis "Le Vieux Jardin" (2007) de Im Sang-Soo ou "Start-Up" (2019) de Choi Jeong-Yeol, et Lim Won-Hee vu dans "Silmido" (2003) de Kang Woo-Suk ou "Moonshire Girls" (2015) de Kim Ki-Young. Et enfin dans le segment japonais, Mitsuru Akaboshi vu dans "Bloody Night a Gogo" (2005) de Kengo Kaji et "Kidan" (2005) de Takashi Komatsu, Kyoko Hasegawa vue dans le film collectif "Fîmeiru" (2005), "Nanayomashi" (2008) de Naomi Kawase et "Hikari" (2017) de Tatsushi Ômori, Atsuro Watabe vu dans "Inugami" (2001) de Masato Harada, "Mizuchi" (2006) de Kiyoshi Yamamoto, "Sacrifices of War" (2011) de Zhang Yimou et qui retrouve Miike après "Zebraman" (2004), puis enfin n'oublions pas les jumelles Mai et Yuu Suzuki... Comme tous films à sketchs ou à court et moyen métrage, le résultat est logiquement et forcément inégal. Ce genre de long métrage est aussi frustrant que bancal. Pas de lien entre les différentes parties, pas de ligne directrice, d'ailleurs pas de collaboration entre les différents réalisateurs qui façonnent leur film en solo. Bref, ici ce sont trois moyens métrage aussi uniques et indépendants les uns que les autres. C'est là le premier bémol, comme tous les films du genre, il suffit de faire succéder des oeuvres sans logique ou idée thématique derrière.

Peter Chan raconte une histoire qui mélange l'art culinaire avec la sorcellerie, où déguster un met comme une cure de jouvence. Mais comme tout pacte avec le diable, les conséquences vont être dévastatrices. Le récit prend son temps mais on entre dans le vif du sujet aussitôt. Au départ, si la femme est méfiante la peur des rides est plus forte et elle devient une addict, dépendante comme à une drogue jusqu'à accepter encore ce menu quand elle apprend la recette. Ce segment est bien écrit, une satire cynique qui ne manque pas d'instants suaves, surtout au départ avant de virer jusqu'à l'envers du décor, la beauté est un prix à payer. Takashi Miike offre lui un film de genre qu'il affectionne, un cauchemar éveillé où une jeune fille ne peut s'empêcher de faire des rêves horribles depuis que sa soeur jumelle est mortes dans des circonstances tout aussi épouvantables. Asphyxiée ou brûlée vive l'issue de ses cauchemars sont toujours aussi violentes que tragiques. Le réalisateur filme un long cauchemar mais surprend par une fin qui ne manque pas de poésie. Park Chan-Wook choisit une histoire de séquestration et de chantage, mais le délire du bondage du preneur d'otage est peu compréhensible, et surtout ça tourne un peu en rond, ça met du temps à démarrer et le rythme est un peu monocorde. Etonnament, c'est sans doute le film le plus ennuyeux de son réalisateur. Le meilleur est donc celui du cinéaste le moins connu, sa recette est savoureuse. L'artiste japonais signe une fable macabre inspirée, malheureusement c'est maître du cinéma coréen qui déçoit par trop d'esbroufe. 

 

Note :  

13/20
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