Mort de Jean Rochefort
Triste nouvelle que d'apprendre la mort de l'acteur Jean Rochefort, aujourd'hui 9 octobre 2017 à l'âge de 87 ans.
Né en 1930 à Paris (20ème) de parents bretons originaires de Dinan (22), d'un père cadre dans l'industrie pétrolière et d'une mère comptable, le petit Jean Rochefort grandit en sécurité à Vichy durant 39-45. Une époque qui le marquera fortement à la Libération en assistant aux douloureux spectacles des femmes tondues. Il passe ensuite à Vincennes avant de poursuivre au lycée à Rouen puis à Saint-Maur des Fossés mais les études sont plutôt laborieuses ce qui désespère son père alors que son aîné fait Polytechnique.
En 1946 il trouve un petit emploi de garçon de bureau à la Banque de France, tandis qu'il vient souvent en Bretagne dans leur résidence secondaire à Saint-Lunaire, non loin de Dinan (22). Suite à une dispute parentale en 1948, Jean et sa mère restent en Bretagne où il se lie d'amitié avec un garçon de son âge qui le persuade de se lancer dans le théâtre à Nantes. L'année d'après il part à Paris pour suivre les cours de l'école de la Rue Blanche.
Cette fois son destin semble tout tracé et poursuit en s'inscrivant au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique où il devient copain avec ses compères Jean-Paul Belmondo, Claude Rich et Jean-Pierre Marielle. Malheureusement il apprend qu'il n'est pas admis au concours et est en même temps appelé sous les drapeaux, on est en 1953.
Il débute réellement sur les planches dès 1953 dans de petits rôles mais il faut attendre encore pour que le cinéma ne fasse appel à lui. C'est avec "Rencontre à Paris" (1955) de Georges Lampin qu'il entre dans le milieu du 7ème Art. Mais les débuts sont laborieux, il joue dans quelques pièces, passe même par la télévision mais toujours dans des rôles sans envergure voire même de la figuration.
Il faut attendre le début des années 60 pour qu'on commence à remarquer sa dégaine et ce petit quelque chose qui fera de lui le gentleman farmer qu'on connait tous.
C'est ainsi qu'il apparait dans des films de cape et d'épée avec "Le Capitaine Fracasse" (1961) de Pierre Gaspard-Huit et surtout "Cartouche" (1961 - ci-dessus) de Philippe De Broca où il retrouve son ami Belmondo qui, lui, est devenu une star.
C'est justement sur ce dernier tournage qu'il se prend pour passion pour l'équitation, lui dont le grand-père fut cocher à Dinan avant de devenir éleveur. Il achète peu de temps après le haras de Villequoy à Auffargis dans les Yvelines.
S'il reste cantonné aux seconds rôles, il grignote petit à petit sa place sur l'affiche et on le remarque dans des succès populaires avec "Le Masque de Fer" (1962) de Henri Decoin avec Jean Marais, "La Porteuse de pain" (1963 - ci-dessus) de Maurice Cloche et surtout entre dans le cœur des français avec la saga "Angélique Marquise des Anges" (1964 - ci-dessous) de Bernard Borderie et deux de ses suites.
Il retrouve Belmondo dans l'excellent "Les Tribulations d'un chinois en Chine" (1965) de Philippe De Broca, réalisateur qu'il retrouve une fois de plus dans "Le Diable par la queue" (1968) avec son autre copain Jean-Pierre Marielle.
Alors qu'il s'est abonné aux films historiques, les années 70 vont offrir à Jean Rochefort une ouverture plus grande sur des genres bien différents dont la comédie pure et le drame.
Il obtient son premier vrai grand rôle dans le film "Les Feux de la Chandeleur" (1972) de Serge Korber avant de connaitre le succès avec la comédie "Le Grand Blond avec une Chaussure Noire" (1972 - ci-dessus) de Yves Robert avec Pierre Richard et enfin, il finit par s'imposer définitivement dans le paysage avec le succès critique et public du film "L'Horloger de Saint-Paul" (1973 - ci-dessous) de Bertrand Tavernier dont Jean Rochefort avoue que c'est à ce film et à ce tournage avec Tavernier qui lui a permis de "se détendre" face à la caméra.
Cette fois il est devenu un acteur connu et reconnu qui va multiplier les expériences, les cinéastes et les genres. Il tourne ainsi dans "Le Fantôme de la Liberté" (1974) de Luis Bunuel, "Les Innocents aux mains sales" (1974) de Claude Chabrol, "Les Vécés étaient fermés de l'intérieur" (1975) de Patrice Leconte, "Que la Fête commence" (1975) de Tavernier qui lui vaut le 1er César du meilleur acteur dans un second rôle en 1976.
Il termine la décennie sur les chapeaux de roue avec pratiquement que de jolis succès avec le dyptique (ci-dessus) "Un Eléphant ça trompe énormément" (1976) et "Nous irons tous au Paradis" (1977) de Yves Robert, "Calmos" (1976) de Bertrand Blier, mais aussi le drame avec "Le Crabe Tambour" (1977 - ci-dessous) de Pierre Schoendoerffer qui lui rapporte le César du Meilleur Acteur avant de retourner à la comédie avec "Le Cavaleur" (1978) de Philippe De Broca.
Outre Belmondo et Marielle, il se lie d'une forte amitié avec Philippe Noiret durant ces années. Il signe lui-même deux court métrages documentaires sur sa passion avec les chevaux. Une passion qui lui coûte cher, s'y ajoutant des paris sportifs et qui le pousse à tourner beaucoup de films, trop avouera-t-il dans des nanards qu'il qualifie de "films avoines".
Les seventies sont une apogée pour la carrière cinéma de Jean Rochefort qui délaisse alors le théâtre. Étonnamment il va pourtant revenir un peu plus au théâtre dans les années 80, avec un ralentissement assez franc des tournages, comme de la qualité avec aucun film majeur bien que nous puissions citer des films comme "Le Grand Frère" (1982) de Francis Girod, "Réveillon chez Bob" (1984) de Denys Granier-Deferre et surtout "Tandem" (1988 - ci-dessous) de Patrice Leconte.
Dans les années 80 il accompagne les programmes Jeunesse présentant notamment l'émission "Les Aventures de Winnie l'Ourson" (1985-1988) sur FR3.
Il revient en force en retrouvant deux réalisateurs fidèles avec les films "Le Mari de la Coiffeuse" (1990) et "Le Château de ma Mère" (1990) de Yves Robert. Deux réalisateurs phares dans la carrière de l'acteur, surtout Leconte avec qui il traverse les années 90 avec encore "Tango" (1993), "Les Grands Ducs" (1996 - ci-dessous) dans lequel il forme un trio d'anthologie avec ses amis Noiret et Marielle. A noter aussi qu'il fait partie du casting prestigieux du film "Prêt-à-Porter" (1994) de Robert Altman.
Il reçoit un César d'Honneur en 1999.
Il ouvre le 21ème siècle avec un projet sublime de promesses puisqu'il est choisi en 2000 par Terry Gilliam pour incarner Don Quichotte dans le film "L'Homme qui a tué Don Quichotte" avec Johnny Depp et Vanessa Paradis.Malheureusement le tournage (ci-dessus) est une catastrophe et entre à la postérité comme un des pires cauchemars du cinéma, un serpent de mer qui dure encore aujourd'hui d'ailleurs. Sur ce tournage, Rochefort est entre autres blessé d'une double hernie discale qui le force à abandonner le tournage mais aussi l'empêche de remonter à cheval. Pour ce passionné c'est une blessure morale en plus...
Il joue ensuite dans la comédie chorale "Le Placard" (2001 - ci-dessous) de Francis Veber où il est un patron confronté à l'homosexualité dans son entreprise, film avec Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, Michèle Laroque, Michel Aumont et Thierry Lhermitte. C'est un succès au box-office.
Il fait face à Johnny Hallyday dans un film audacieux, "L'Homme du Train" (2002 - ci-dessous) de Patrice Leconte avant de renouer avec un genre qu'il a bien connu dans les années 60, "Blanche" (2002) de Bernie Monvoisin.
Il est omniprésent que ce soit dans la comédie avec "Les Clefs de Bagnole" (2003) de Laurent Baffie, "RRrrr" (2004) de Alain Chabat et "Agathe Cléry" (2008) de Etienne Chatiliez, au thriller avec "Ne le Dis à Personne" (2006) de Guillaume Canet et "La Clef" (2007) de Guillaume Nicloux en passant par des chroniques plus ou moins inspirées avec "L'Enfer" (2005) de Dani Tanovic et surtout l'excellent et magnifique "J'ai toujours rêve d'être un gangster" (2008 - ci-dessous) de Samuel Benchetritt.
Une période faste et dense où l'acteur multiplie les expériences, télé, théâtre bien sûr mais aussi un clip pour Vincent Delerm et surtout une participation à l'album "La Mécanique du Coeur" du groupe Dyonisos dont est tiré un film d'animation. Il présente la Cérémonie des Césars en 2008.
Malheureusement il ne tournera plus que 3 longs métrages (sans compter quelques pièces de théâtre, quelques téléfilms...). Ses derniers films sont la comédie "Astérix et obélix : au Service de sa Majesté" (2012) de Laurent Tirard, et surtout le très beau "L'Artiste et son Modèle" (2012 - ci-dessus) de Fernando Trueba et enfin "Floride" (2015 - ci-dessous) de Philippe Le Guay où il jouait, dans un ton plutôt léger, un homme atteint de la maladie d'Alzheimer.
Mais, récemment, Jean Rochefort a créé le buzz sur internet grâce au blog "Les Boloss des Belles Lettres". En effet, vu leur succès, les blogueurs du site ont proposé à l'acteur de présenter un sketch, à savoir raconter "Madame Bovary" version "boloss" (A voir absolument ci-dessous !). Un succès surprise et inattendu avec pas moins de 2 millions de vues ! A tel point que France 5 proposa d'en faire une série qui verra 18 épisodes entre mars 2015 et mai 2016 toujours présentée par l'inénarrable Jean Rochefort.
Jean Rochefort a également été consultant pour France Télévision pour commenter les épreuves équestres lors de Jeux Olympiques 2004 et 2008.
Jean Rochefort est le Parrain du Phare de la Vieille (Finistère), il s'est engagé dans le combat des Don Quichotte pour le logement des SDF et est membre du comité d'honneur de l'Alliance Anti-Corrida.
Jean Rochefort a eu une première épouse (1960-1980) dont il a eu 3 enfants. Il a ensuite été avec Nicole Garcia pendant 7 ans avec qui il a eu un fils, Pierre, également comédien avant d'épouser en seconde noce une architecte dont il a eu 2 autres enfants.
Jean Rochefort a joué plus de 160 rôles, touchant à tous les genres et imposant un flegme presque britannique aimant se définir comme un gentleman farmer.
Hospitalisé cet été pour des douleurs abdominales, il a dû subir une ablation de la vésicule biliaire. Jean Rochefort est mort à l'hôpital tôt ce lundi 9 octobre 2017 à l'âge de 87 ans.